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21/03/2016

PREMIERE DE "SILENCE BLESSURE" AU CAFE DES THETARDS

Le 8 mars, à l'occasion de la Journée internationale des femmes avait lieu la première du spectacle "Silence blessure" sous titré "Mots et maux en révolte, au féminin", une lecture théâtralisée d'un texte écrit par Hélène Elouard, comédienne périgourdine, qui s'était associée à trois comédiens non professionnels. 

L'origine de cette journée du 8 mars remonte aux luttes ouvrières et aux nombreuses manifestations de femmes réclamant le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l’égalité entre les hommes et les femmes, qui agitèrent l’Europe, au début du XXe siècle. La création d'une journée internationale des femmes est proposée pour la première fois en 1910 par Clara Zetkin, lors d'une conférence internationale des femmes socialistes, dans une perspective révolutionnaire. C'est avec la grève des ouvrières de Saint Pétersbourg en 1917 que la tradition du 8 mars se met en place. La Journée internationale des femmes est reconnue officiellement par les Nations Unies en 1977 puis en France en 1982 qui est une journée de lutte pour les droits des femmes.
 Hélène Elouard
Trois personnages féminins interprétés par Hélène Elouard, Pascale Martin et Corinne Nantet et un personnage masculin joué par Alaric, tous vêtus d'un élément violet ou mauve, couleurs du féminisme,  étaient mis en scène pour évoquer les violences faites aux femmes et la domination masculine. 
 A gauche, Alaric, et à droite, Pascale Martin
Au premier plan, Corinne Nantet et au second, Pascale Martin
Dénoncer la violence consistait déjà à mettre en évidence la violence des propos misogynes. Le contraste était mis en lumière entre d'une part le silence que les femmes s'imposent à elles-mêmes et entre elles quand elles sont victimes, leur culpabilité et d'autre part la non-conscience des auteurs de leurs propres actes, notamment lors des viols y compris en couple. On entendait les efforts déployés par ces femmes pour ne pas laisser paraître leur souffrance ou passer pour des victimes, leurs rapports à elles-mêmes après avoir été violées, les sentiments quand elles réalisaient le crime qu'elles avaient subi. 
 A plusieurs reprises tout au long du texte, comme pour mieux illustrer une pratique banale et récurrente, des séances douloureuses chez le gynécologue étaient évoquées. Le plaisir sexuel féminin était abordé avec les clichés qui lui étaient attachés pour mieux les remettre en cause en se basant notamment sur des études scientifiques. On y apprenait notamment que ce plaisir féminin était recherché essentiellement pour la satisfaction de l'homme.
Si la première partie du spectacle se centrait sur les violences sexuelles et le plaçait d'emblée sous un jour assez pesant, la deuxième, moins émotionnelle malgré quelques évocations assez dures, n'était pas moins importante dévoilant une violence plus insidieuse, celle du langage, de l'orthographe où le maculin régnait en maître rendant invisible la moitié de l'humanité et sa domination par l'autre moitié. La monopolisation de la parole en public par les hommes, leur attitude en réunion à leur égard, l'humour comme "cheval de Troie de la domination masculine" étaient l'objet de plusieurs interventions de personnages dont celle du personnage masculin qu'Hélène Elouard avait judicieusement choisi de mettre en scène par souci d'ouverture. Elle estimait aussi, comme elle l'expliquait ensuite durant le débat, qu'une partie du public pouvait s'identifier plus facilement à un homme comédien et que cela renforçait la crédibilité du propos, même si une spectatrice considérait que cela revenait à cautionner le schéma de la domination. 
Un autre aspect des violences et de la domination masculine transparaissait dans la dictature de la beauté, nouveau diktat imposé aux femmes en échange des quelques libertés acquises au XXè siècle, le corps devant se montrer jeune et disponible. Quant à la sexualité, elle devait être au service de l'homme au lieu d'envisager un partage égalitaire.
Le texte remettait en question le cliché de la femme lunatique et l'idée que la femme serait plus bavarde que l'homme, s'appuyant à nouveau sur des propos scientifiques. L'homme détenait le monopole de la parole "signifiante, assertive, fonctionnelle" et imposait le plus souvent les sujets de conversation ou récupérait à son profit les idées développées par les femmes qui acquéraient par sa bouche plus de poids. Le personnage masculin rappelait que les femmes subissaient le patriarcat et que les violences vécues par certaines d'entre elles leur en donnaient une "intelligence concrète" et n'en altéraient pas pour autant leur raison. Ce dont avaient besoin les femmes? La reconnaissance des violences, des crimes et de leur statut de victime.
La lecture était parsemée de phrases explicatives sur la manière dont la souffrance se fabriquait, dont les violences étaient banalisées. Elle invitait aussi à des changements d'attitude des hommes et des femmes, elles-mêmes ayant tendance à entretenir la domination masculine par leurs comportements. On y voyait même un encouragement à la révolte, notamment en fin de représentation. S'exprimait dans les dernières minutes sa vision d'une société plus égalitaire dans les rapports entre les hommes et les femmes. 
Le style était souvent très haché, composé de phrases courtes, concises, expression d'une certaine froideur pour mieux dire la souffrance et l'horreur. L'emploi du présent actualisait le récit, lui donnait un caractère universel tandis que l'emploi de la 1ère personne du singulier renforçait le poids du témoignage alors que celui du "tu" impliquait le spectateur. Le texte ne se voulait pas pour autant extrémiste s'insurgeant contre des féministes "devenues plus sexistes que les hommes".

Suite à cette lecture mise en scène, le public était invité à débattre. Hélène Elouard expliquait comment elle avait construit son texte : il mêlait témoignages et expression plus personnelle. L'attitude des gynécologues évoquée de façon récurrente surprenait une spectatrice n'ayant pas eu cette expérience tandis qu'une autre témoignait d'un atelier vécu dans un festival sur le plateau des Millevaches où toutes les femmes semblaient avoir connu au moins une fois une expérience malheureuse dans le cabinet de ce type de spécialiste. Une femme faisait allusion à des agressions sexuelles par des médecins de Périgueux impunis et toujours en activité. Des chiffres issus d'une enquête Ipsos réalisée du 25 novembre au 2 décembre 2015 http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2016-03-02-violences-sexuelles-pourquoi-stereotypes-persistent étaient rappelés : environ 90% des victimes de viol connaissaient leur violeur (cf. la lettre de l'Observatoire National des violences faites aux femmes de novembre 2015), rappelait Corinne Nantet, près de 31% des 18-24 ans pensaient que lors d'une relation sexuelle, les femmes pouvaient prendre du plaisir à être forcées. Hélène Elouard soulignait la limite entre non-consentement et jeu sexuel. Une femme disait la difficulté d'aller dans un commissariat déposer plainte pour viol si bien que seules 10% des victimes portaient plainte. Pour cela, Pascale Martin montrait l'importance d'agir collectivement et informait le public que les trois comédiennes de la soirée étaient membres d'organisations féministes. Elles avaient d'ailleurs été contactées dans l'après-midi par un homme qui les informait de l'existence d'une publicité de France Bleu Périgord : une femme dénudée dont les seins et le sexe étaient simplement masqués par un bandeau noir incitait à participer à un jeu permettant de remplir son réservoir d'essence gratuitement. Visiblement, l'intervention des défenseuses de la dignité des femmes auprès de la station de radio avait contraint le directeur à faire diligence pour retirer la publicité. Il n'empêche, au plus au sommet de l'Etat, on venait de créer un ministère des familles (après avoir été celui de la famille), de l'Enfance et des droits des femmes qui remplaçait depuis février 2016 un secrétariat d'Etat aux droits des femmes qui lui-même avait remplacé en 2014 un ministère de plein exercice créé en 2012. La régression était notable. Une allusion à la maltraitance des femmes âgées faisait écho au durcissement des relations garçons-filles abordé aussi pendant le débat. Un homme du public rappelait que les catégories masculin et féminin étaient des constructions sociales, produits d'un rapport de domination et qu'il fallait au contraire abolir les genres. Alors que Pascale Martin remerciait sa chef de troupe pour son investissement auprès de comédiens amateurs qu'elle avait fait ardemment travailler pour l'occasion, le travail d'Hélène Elouard était salué par un spectateur, la remerciant pour son courage d'aborder ces sujets très forts, tout en faisant une place à l'homme dans son spectacle. 
On pouvait y ajouter l'émotion que la comédienne avait su faire passer, le sujet lui tenant particulièrement à coeur. Le spectacle avait le grand mérite d'aborder des sujets douloureux et des tabous, d'être documenté mais aussi de donner des informations méconnues qu'un public plus jeune, de lycéens par exemple, selon la suggestion de membres du public, aurait gagné à découvrir. Le café associatif des Thétards, fort de son côté intimiste, était le lieu idéal pour cette première.

Le spectacle doit être rejoué le 26 mars au Quai à Périgueux et le 15 avril au café associatif de Léguillac de Cercles.

Photos et texte : Laura Sansot

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