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23/03/2016

LE COLLECTIF LES PIEDS DANS LE PLAT SUR LE MARCHE DE PERIGUEUX

Le samedi 19 mars, Jean-Marc Mouillac et Aurélie Bénazet étaient présents sur le marché de Périgueux pour faire la promotion du collectif fondé en 2014 avec 9 autres personnes : "Les pieds dans le plat", une association de formateurs cuisiniers, diététiciens dont la mission est d'accompagner la restauration collective à introduire des aliments bio dans leurs menus.

Cette association a vu le jour à la suite du Grenelle de l'environnement. La FNAB (Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique) et l'IFORE (Institut de Formation de l'Environnement) avaient mis en place un réseau de formateurs. Faute d'investissement de l'Etat, le réseau n'a pas dispensé les formations prévues et s'est donc constitué en association pour être beaucoup plus visible. Il s'agissait de donner suite à  l'investissement des acteurs sur le territoire, de "penser à l'avenir des générations futures", explique Jean-Marc Mouillac. Le collectif s'est monté, doté d'une charte qui met en avant trois axes. La souveraineté alimentaire suppose de veiller à l'égalité des droits dans l'accès à la nourriture des populations au quotidien en prenant en compte les besoins nutritionnels spécifiques et le respect de la santé. En ce sens, il s'oppose à l'industrie agro-alimentaire industrielle qui encourage l'assemblage, l'utilisation des produits prêts à l'emploi. En revanche, il favorise une coopération avec les agriculteurs biologiques et locaux. Tout un travail d'accompagnement est envisagé auprès des cuisiniers et des gestionnaires des établissements accueillant de la restauration collective. Des formations sont proposées. Il s'agit de proposer des menus équilibrés, variés, riches en goût, de saison et qui s'inscrivent donc dans une démarche de santé. Pour cela, sont transmis aux professionnels des techniques culinaires appropriées et des outils de nutrition (plan alimentaire, menus...). Cela s'accompagne d'une éducation au goût, d'un éveil à la citoyenneté des convives et de l'ensemble des acteurs, permettant en particulier de réduire les déchets. http://www.collectiflespiedsdansleplat.fr/charte/
Jean-Marc Mouillac et Aurélie Bénazet
Après des années dans la restauration collective, Jean-Marc Mouillac, 44 ans, a saisi l'occasion il y a plusieurs années d'un poste vacant de cuisinier à l'école de Marsaneix pour proposer son projet de développer une cuisine à base de produits biologiques et locaux à la mairie qui lui a laissé carte blanche. Il a obtenu, le 21 octobre 2013 au Salon Natexpo à Paris, pour son restaurant scolaire la première certification bio par l'Institut Ecocert de niveau 3 qui impose 50% de produits bio alors qu'il en utilise près de 100%.
Parmi les producteurs avec lesquels travaille Jean-Marc Mouillac, Didier Morvan est maraîcher. Habitué du marché de Périgueux où il se rend tous les samedis, il a incité son partenaire à faire connaître l'association dans ce lieu propice. Ce 19 mars, à la faveur des températures encore fraîches, il a donc fait la démarche qu'il renouvellera sûrement, en proposant des soupes, un plat que l'on peut faire facilement pour commencer dans la cuisine bio, sans que cela coûte beaucoup plus cher et qui passe étonnement bien auprès des jeunes, observe Aurélie Bénazet. Ainsi, une soupe de butternut, pommes de terre, oignons et une autre de pois cassés, cèpes, oignons, carottes étaient mises en vente. L'important était de proposer des soupes de saison faites avec des produits locaux vendus d'ailleurs par le maraîcher installé à côté. Aurélie Bénazet estime que travailler là-dessus est en soi une avancée. Le couple, déjà venu 2-3 fois sur le stand de Didier Morvan, sans faire de commerce mais pour parler de sa démarche, avait constaté une réelle demande d'informations de la part des parents sur l'implantation de cantines bio. La présence sur le marché était le moyen de créer du lien et d'engager un processus.
Le plus souvent, les membres du collectif répondent à la demande de communes ou communautés de communes, du Conseil Départemental, du Conseil Régional, des hôpitaux, tous les lieux qui proposent de la restauration collective, qui sont déjà engagés dans la démarche ou, par une volonté de ses dirigeants ou de ses usagers, souhaitent la lancer. L'accompagnement dure en moyenne 6 mois car les changements d'habitude ne se réalisent pas du jour au lendemain, constate Aurélie Bénazet.
Des demandes de soutien peuvent émerger pour savoir comment préparer des céréales ou légumineuses par exemple, peu employées dans les menus conventionnels. Souvent, l'arrivée du bio dans les cantines collectives se fait par l'introduction de quelques aliments. C'est du moins ce que conseillent les membres du collectif. Ainsi, elles peuvent commencer par solliciter un producteur pour un aliment bio et entament un partenariat qui crée de la visibilité. Puis, l'approvisionnement auprès de producteurs locaux et bio s'accroit progressivement. Cela ne revient pas plus cher au final car le menu est envisagé dans une autre perspective. Aurélie Benezet, diététicienne qui tient un cabinet à Champcevinel, et Jean-Marc Mouillac expliquent que les recommandations de santé publique sont prises en compte. Il s'agit de redonner une place prépondérante aux aliments d'origine végétale : légumes, fruits, céréales, légumineuses, oléagineux, huiles de première pression à froid et de laisser une place raisonnable à la viande, aux produits laitiers et de renoncer aux produits industriels transformés et raffinés. C'est par ce modèle alimentaire que l'on maîtrisera les coûts, en introduisant des produits bio. Les aliments complets nécessitent aussi de moins grandes quantités : "quand on mange du vide, il en faut davantage", remarque la diététicienne. Une analyse sur les grammages est réalisée, d'autant plus importante, souligne-t-elle, quand on connait le gaspillage dans les collèges : 200 g par plateau sont jetés. Ainsi, un repas 100% bio de cantine peut avoir un prix de revient inférieur à 2 euros et coûter aux familles 2,50 euros, comme cela se passe dans l'école de Marsaneix.
D'ailleurs, en vertu de la charte, ce travail sur les menus s'accompagne d'une éducation quotidienne auprès des enfants. Jean-Marc Mouillac dont la cuisine donne directement accès sur la salle de restauration échange régulièrement avec les élèves. Une pesée des déchets alimentaires est faite chaque jour. Stéphanie Dont, la responsable de l'accueil périscolaire de Marsaneix, a d'ailleurs créé un jeu "Avoir les yeux plus gros que le ventre" afin d'inciter les enfants à manger tous les aliments dont ils ont choisi les quantités au préalable. Un sponsor s'est associé pour offrir un week-end aux 2 familles gagnantes en privilégiant celles qui ne se connaîtraient pas, l'idée étant d'encourager les liens, de favoriser le vivre ensemble, explique le cuisinier.
Afin d'instaurer cette démarche, la formation, qui peut être rapidement dispensée (de 1 à 5 jours en moyenne) auprès des personnels de restauration scolaire et payée par les centres de formation des établissements demandeurs, est une étape indispensable. 200 personnes ont ainsi été formées en Dordogne depuis 2010, 600 personnes sur toute la France en 2015. Cette conversion des cantines en bio est encouragée par le potentiel dont dispose le département : un climat favorable aux cultures et un nombre de producteurs relativement important (639 fermes en 2013, 6ème rang français http://www.agrobioperigord.fr/upload/consommerbio/guide_agrobio_2014-2015_BD.pdf). Des villes ou villages se sont montrés particulièrement réceptifs à cette évolution : Jean-Marc Mouillac cite Champcevinel, Mussidan, Savignac-les-Eglises, le canton et la communauté de communes de Vergt.
Toutefois, peu de communes en France ont des cantines scolaires 100% bio. Les deux membres de l'association évoquent la restauration collective de toute la commune de Mouans-Sartoux (06), même si ce n'est pas le collectif qui l'a accompagnée, une crèche à Forcalquier (04), un établissement à Langouët (35). Ce qui peut expliquer la difficulté d'y parvenir ? L'impossibilité d'un retour en arrière quand on est passé au 100% bio. Les élus en sont conscients et le vote repoussé du Sénat d'introduire 20% d'aliments bio dans les lieux de restauration collective en est une illustration, analyse le cuisinier précurseur. Passer en bio suppose un "changement sociétal" qui vient se heurter au lobby agro-industriel. La restauration collective, c'est 3 milliards de repas par an, 10 millions par jour, rappelle Jean-Marc Mouillac, ce qui lui fait dire que son action est hautement politique : "manger, c'est voter et l'on vote plusieurs fois pas jour!". L'alimentation est pour lui à la base d'un changement radical. Ainsi, tandis que la survie des abeilles, menacée par l'emploi des pesticides, fait l'actualité, il considère que celle-ci passe nécessairement par une alimentation exempte de produits phyto-sanitaires.
Si la volonté politique n'est pas toujours au rendez-vous, les membres du collectif, forts d'une jeune association qui leur assure désormais une légitimité et un moyen de transmettre un message commun, poursuivent inlassablement leurs actions de formation auprès des non-initiés. Eux-mêmes se regroupent régulièrement pour faire évoluer leurs pratiques culinaires, échanger des recettes. Ils ont ainsi édité un livret technique qui délivre 80 techniques permettant de décliner 400 recettes valables en toute saison et dans toutes les régions. Un véritable outil pour ceux qui veulent développer une autre alimentation plus saine et respectueuse de la santé et de l'environnement au sein même de la restauration collective. Ils s'appuient aussi sur les médias pour faire parler d'eux et encourager un éveil des consciences qui viendra davantage des citoyens, des enfants et de leurs parents que du sommet de l'Etat. 
Ils se réuniront prochainement pour une assemblée générale animée par sa présidente, Aurélie Bénazet, en Dordogne, un département phare où la détermination d'un couple alliée aux bonnes volontés locales prouve que chacun peut se mobiliser pour faire grandement avancer la société.

Pour trouver toutes les informations sur ce collectif, voici le lien :

Texte et photos : Laura Sansot

1 commentaire:

  1. Oui, l'alimentation est un levier politique considérable.
    Formez vos personnels de cuisine avec le collectif "les pieds dans le plat", partout en France.

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