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18/03/2016

LE TRIO MMMHPFFF FAIT SALLE COMBLE A LA GRANDE METAIRIE

Dans la vaste grange de la Grande Métairie à La Rochebeaucourt, avait lieu le 5 mars, un spectacle du groupe "Mmmhpfff Trio". Celui-ci, originaire de Poitiers, a fait sa première apparition en avril 2004 pour les 10 ans de l'association "Chercheur d'Art". Après le départ de l'une d'entre elles, en 2006, Frédérique Lucas et Anne Dussidour faisaient appel à Sandrine Petit pour continuer l'aventure. Si leur premier spectacle, "Le Mmmhpfff... trio !" était un tour de chant composé de nombreuses reprises d'oeuvres de Boris Vian, Boby Lapointe, Colette Renard et quelques créations, le second "Comme quoi...quand c'est bien fait", présenté ce soir-là en Dordogne, faisait la part belle à leurs propres compositions.

Il était présenté en Avignon en 2010. Peu joué pendant quelques années, le groupe le reprend depuis un an. Un certain nombre de salles institutionnelles, explique Frédérique Lucas, sont assez frileuses pour ce genre de spectacle et étonnamment des femmes elles-mêmes réagissent mal. Il faut dire que les jeunes femmes n'ont aucun tabou et parlent de sexe, sujet de leur production, avec humour et talent, très librement : "il n'y a pas de censure, c'est naturel". Pour autant, elles ne revendiquent pas un spectacle féministe, considérant que les idées, valeurs avancées ne sont pas pour elles à conquérir puisqu'elles en sont déjà convaincues et les vivent elles-mêmes, libre au public de les accepter ou non. Tandis que Frédérique Lucas et Sandrine Petit sont comédiennes de formation, Anne Dussidour est musicienne, pianiste. Elles écrivent les chansons de leur côté ou en commun et Anne ou Sandrine assurent la composition musicale. Quand elles sont auteures, elles sont "leader" de la chanson et les autres accompagnent.
Le spectacle débutait dans le noir, les artistes arrivant avec en fond sonore la chanson d'Isabelle Adjani co-écrite avec Serge Gainsbourg Pull marine, comme pour annoncer l'esprit exactement opposé qui allait animer le trio tout au long du spectacle. A l'inverse de cette femme qui réclamait son ancien amant ("j'me sens tellement abandonnée (...), j'ai bu la tasse, tchin-tchin, comme c'est pour toi, j'm'en fous, je suis vraiment prête à tout (...) si on me retrouve à moitié morte, noyée au fond d'la piscine..."), ce groupe de femmes ne se laisserait pas dominer par les hommes. Après avoir déversé leurs angoisses, leurs peurs multiples, variées et quotidiennes de leur monde proche ou plus lointain  ("j'ai peur de la grippe A, du SIDA, des auvergnats, des avocats, de la burqa, des attentats, de Nicolas, de la délinquance, de la crise économique, j'ai peur de ne pas comprendre..."),
telles des "Cat eyes" toutes de noir vêtues, elles pouvaient laisser paraître leur vrai visage de libertines dès le morceau suivant Ne jamais dire fontaine. On suggérait : "ne jamais dire je t'aime mais travailler son homme... au corps à corps, par à coups compulsifs, soyez démonstratives, arrachez-lui les tifs, devenez sa locomotive, ne jamais être surprise mais travaillez la pause et le regard, un regard suggestif, soyez une tentatrice (..), devenez dévastatrice" tout en précisant que "ces moments intenses doivent rester rares et chers mais pas trop rares quand même car les hommes oublient vite, ils pensent avec leur...", les protagonistes se bouchant bouche, yeux et oreilles pour ne pas en dire davantage!
Entre les chansons, comme une rupture de rythme, une respiration, des anecdotes drôles et des jeux de mots s'échangeaient entre les trois jeunes femmes sur des personnages féminins et masculins et sur les relations entre eux.
Pour se démarquer de la chanson inaugurale sur laquelle le trio était entré en scène, Deuil évoquait d'un ton mélancolique la perte d'un amant et la femme esseulée parvenue finalement à vaincre son chagrin d'amour : "t'étais mon fluide, mon noyau dur, ma matière grise, t'es plus que mon souvenir, ma moitié disparue, notre dernier éclat de rire et toi, tu te moques cynique de l'amour partagé qui s'est doucement envolé, alors, beau parleur, j'abdique, mes armes au complet sont déposées, dans mon esprit, tu n'es qu'oubli, je t'ai dans ma tête enfin délogé".
Sandrine Petit entonnait "mon corps te hurle mon coeur, je brûle à l'intérieur" entamant une description d'un acte sexuel avec "mon homme d'un instant, ma rêverie d'amant" soutenue par des bruits voire des hurlements afférents de la part de ses acolytes musiciennes.  Ainsi, "ça bouillonne dans mon ventre, les eaux vont déferler, sacrées pulsions, l'animal échauffé pousse les murs de mon doux cocon", dernier mot répété en écho par une Anne Dussidour usant d'une voix sensuelle de circonstance. Toutefois, "je montrerai les dents si tu étais entreprenant" tout en assumant la situation  : "je ne te cacherai pas dans le placard, des relents de boulevard, là, j'en ai marre". C'est ensuite avec la chanson sur un rythme swing J'ai trois amants que le trio, dont l'une des musiciennes faisait résonner l'unique note (et pour cause) d'une contrebasse confectionnée avec les moyens du bord, embarquait le public lui expliquant  : "j'ai trop d'amour (...), je compte les jours, j'ai mon train-train, j'perds pas mon temps, j'ai trois amants, un pour le jour, un pour la nuit où je me sens seule sans les amis, le 3è pour les jours fériés et les vacances de février (...), j'm'en occupe bien (...) mais trois amants, c'est parfois dur...".
Une chanson sur les femmes entrées en religion, Les bonnes soeurs, émettait l'hypothèse : "des fois, j'me dis que les bonnes soeurs sont des femmes au grand coeur si grand qu'il ne pouvait se cantonner à un seul corps (...), et je me plais à les imaginer libertines (...), des fois, j'me dis que les bonnes soeurs concupiscentes ont peur de jeter leur dévolu sur un unique poilu mais des fois, j'me dis que les bonnes soeurs rêvent d'hommes et de femmes, la chair en sueur et quitte à être fidèle, autant s'enticher du barbu...  "
Si le trio imaginait que la femme pouvait avoir trois amants, il savait aussi qu'elle pouvait se satisfaire très bien toute seule dans une chanson parfaitement explicite, La solitude ou le tango du clito.
La prétention des hommes quant à leurs exploits sexuels était mise en déroute par la chanson débutée en forme de rap puis jazz manouche Trop de pression évoquant un certain Jack-Jack qui se "prenai[t] pour le messie" mais il fallait bien que sa compagne tempère sa confiance : "tu appuyais sur ma vessie, tu te croyais dans un minaret, moi, je pensais aux cabinets (...) je suis folle de toi mais tu ne comprends pas que tu baises pour toi et moi, je pense à tout ça quand tu es en moi". La chanson était évidemment toujours accompagnée de bruits...
et de gestes tout à fait éloquents que vous comprendrez à l'écoute. https://soundcloud.com/mmmhpfff-trio
 Anne Dussidour interprétait Je ne suis pas de celles  : "je ne suis pas de celles que l'amour entortille, je ne suis pas très belle (...), je ne suis pas de celles que l'on invite à boire, je suis encore pucelle et j'hésite à m'asseoir (...), je ne suis pas de celles qui prient à contre coeur et pour monter au ciel, je prendrai l'ascenseur (...) , j'aime pas les hirondelles et le printemps me fait vomir". Pendant ce temps, ses deux camarades de scène mimaient un homme cherchant à conquérir une femme visiblement très intimidée, scène qui ne manquait pas d'amuser le public.
Les amours ne pouvant durer toujours, il fallait bien que le trio le chantât : "J'ai la gueule de bois de toi, toi qui est imbuvable, un jour, je ne t'ai plus plu et tu ne m'as plus plu non plus, j'ai tout aimé chez toi, ou presque tout, j'en ris parfois, tu m'as ôté d'un grand poids, moi qui avais peur d'un faux pas mais j'ai quand même la gueule de bois de toi..."
Succédait une reprise de Serge Gainsbourg et Régine : "Les femmes, ça fait pédé, c'est très très efféminé, tellement efféminé qu'ça fait pédé, les femmes, ça met des jupes (...) et quand ça bouge les hanches, ça fait marcher les PDG".
Les bimbos en prenaient pour leur grade dans Je suis une bombe : "devant moi, tous ils tombent, j'm'habille en rose, en violet car j'adore les clichés, en plus, je ne fais jamais exprès d'être toujours décalée (...) mais dès que je m'exprime à coup sûr, ils dépriment, pourtant je comprends ce que je dis (...) mais je ne capte pas pourquoi on se moque de moi car je voudrais trop prouver que je suis capable de penser".
 

Adoptant la posture de véritables sorcières, elles s'adressaient à un homme imaginaire lui décrivant pas le menu comment il allait être dévoré par la femme : "tu veux que je te parle d'elle? Elle t'arrachera ton coeur à la petite cuillère (...) ceci n'est qu'une mise en bouche".
Après avoir raconté l'anecdote qui avait donné le nom au spectacle, le trio ajoutait une seconde contribution dans la chanson française, après celle de Jeanne Cherhal (Douze fois par an), à un thème bien connu des femmes. Soutenu par la chanson de Bob Marley détournée au profit d'un "No menses, no cry", Le 28è jour énumérait quelques-unes des expressions habituelles pour désigner ces jours plutôt déplaisants dont il fallait bien rappeler à la gent masculine qu'ils étaient peu appropriés aux parties de jambes en l'air au moins que la femme y consentît avec plaisir.
Au son des maracas, des claves et de la guitare, Anne Dussitour consacrait une chanson à son Nona  : "ah, tu es dégoûtant, oui, mais tu m'envoûtes, ah oui, t'es envoûtant mais parfois y'ai des doutes quand tu me rentres dedans, ah tu me ragoûtes, ah oui, t'es ragoûtant quand tu manges de la choucroute, tout en marmonnant...".


Une succession de voyelles A, E, I, O, U, sage en apparence, introduisait l'air de rien une chanson qui l'était beaucoup moins comme son titre Mets moi le... le suggérait. Les complices repartaient pour une évocation voire une description toute à fait crue et pourtant jamais vulgaire des ébats amoureux.
La fin du concert était l'occasion de chanter deux reprises de chanteurs que le trio affectionne, celle de Boby Lapointe Comprends qui peut puis la magnifique chanson de Brassens Les Passantes, que les jeunes femmes chantaient au masculin. Elles abandonnaient l'humour ravageur parfois grinçant, toujours sur le fil, l'auto-dérision mais aussi les chansons osées, sans complexe et finalement rafraîchissantes en ces temps de retour à l'ordre moral qui avaient égrené toute la soirée musicale, pour donner à cette fin de spectacle une tonalité émouvante, accompagnée d'un jeu de lumières propice à cette intimité, mettant en valeur tous les registres dans lesquelles ces jeunes femmes pouvaient exceller.
Afin de finir en beauté le concert, les artistes invitaient leur hôte, par ailleurs professeur de chant, à interpréter avec elles la fameuse et malicieuse chanson de Colette Renard, Les nuits d'une demoiselle.
Toutes les quatre venaient saluer leurs auditeurs conquis et accourus en nombre puisque la salle était comble, rassemblant pas moins de 80 personnes, pour ce concert de grande qualité artistique au service d'une liberté de ton qui se fait rare de nos jours.
Comme de tradition après le spectacle à la Grande Métairie, le public se régalait des victuailles apportées par chacun de ses membres et pouvait échanger avec les artistes.
Les prochaines dates rappelées par la maîtresse des lieux, Chantal Verschueren, en début de soirée, seront les 2 avril pour un concert des Blow di Vostok, 1er mai pour la fête du pain, 29 mai pour des rencontres chorales avec un concert à 17h en l'église d'Argentine et 1er octobre "la Grande nuit de la Métairie" qui innovera en programmant non plus uniquement du jazz mais différents styles de musique et enfin le 4 décembre pour un piano-thé.
Pour retrouver toutes les informations sur le Mmmmhpfff Trio : http://www.mmmhpfff.fr/ et sur la Grande Métairie : http://lagrandemetairie.over-blog.fr/

Photos et texte : Laura Sansot

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