Les 10 et 11 mai, l'Agora de Boulazac se délocalisait à St Laurent sur Manoire pour présenter le spectacle de la compagnie Ouïe Dire : "Potages et Potagers". Il s'agissait, comme l'a expliqué le directeur de l'Agora, Frédéric Durnerin, du 3è volet de la Trilogie gastronome. C'est un projet artistique développé à partir de 2007, issu d'un travail en résidence que Marc Pichelin et Kristof Guez ont mené à l'invitation des services culturels de Figeac-Communauté et de l'association Derrière le Hublot créée en 1996 à Capdenac, dans l'Aveyron, à la limite du département du Lot. Cette structure qui compte 2 permanents dont le directeur, Fred Sancère, participait au spectacle, entretient une "vraie relation au territoire", explique Frédéric Durnerin, puisque son travail artistique et culturel concerne pas moins de 30 communes entre Lot et Aveyron.
Fred Sancère raconte qu'il connaît Marc Pichelin depuis 10 ans. Ce membre de la compagnie Ouïe Dire et son acolyte ont été invités pendant 3 ans à produire une carte postale visuelle et sonore annuelle sur un sujet culinaire : Marc saisissait des sons tandis que Kristof prenait des photos. Grâce à leur travail en 2007 et 2008, ils ont réalisé une première création sur un plat local, l'Estofinade (un plat dont la matière de base est un poisson pêché dans les mers du Nord),
puis en 2009, ils ont produit Cochonnailles interrogeant les traditions du Quercy et du Rouergue concernant l'élevage, la tuerie, la transformation et la tuerie du cochon.
Enfin, durant l'année 2010-2011, ils ont travaillé dans les jardins potagers de la ville de Capdenac, donnant lieu, comme pour les deux créations précédentes, à une carte postale sonore : Potages et potagers. Fred Sancère et les deux artistes ont voulu aller plus loin et ont sollicité quelques-unes des personnes interrogées durant cette dernière carte postale pour créer un spectacle en 2015 à Capdenac où il a été joué pendant 4 représentations puis s'est vendu en dehors du territoire. Yvette Raynal se souvient : Fred lui avait proposé que des artistes viennent chez elle prendre des photos et l'interroger dans sa cuisine. Elle n'y avait pas vu d'inconvénient et s'était prêtée au jeu de bon coeur, tout comme elle avait accepté de faire partie du spectacle, en confiant que jamais un jour elle n'aurait imaginé se retrouver sur une scène.
Une scène qui permet une très grande proximité avec le public convié à prendre place sur des chaises disposées de façon circulaire sur lesquelles des dépliants annonçant le programme voire le menu sont déposés. Le spectacle commence sans en avoir l'air et se décompose en trois parties entrecoupées d'interludes culinaires sonorisés, comme cet enregistrement des grognements de cochons pour déguster de délicieuses cochonnailles. Ce sont des moments de convivialité où les spectateurs peuvent faire connaissance avec leurs voisins de chaises et partager les plats déposés sur des plateaux circulaires sur fond photographique, représentant des espaces cultivés pour le plat de crudités et des cochons pour le plat de charcuteries, eux-mêmes posés sur de gros pots en terre.
Le dernier interlude qui clôture le spectacle d'une petite heure permet aux spectateurs de déguster l'excellente soupe à l'ancienne, où le pain a trempé, et préparée la veille, comme le précise Yvette Raynal, puis mise à réchauffer sur la table centrale du spectacle. Le soirée s'achève sur un verre de Marcillac, prétexte à des échanges entre membres de la création et spectateurs qui ont désormais investis totalement la scène.
Le public est ainsi amené à alterner moments de concentration où l'ouïe et la vue sont en éveil et moments plus détendus où le goût est mis à contribution, une manière fine et ludique de faire participer le spectateur. Une mise en saveur après une mise en ondes et en images, en somme, pour chaque partie de la création. On a presque envie de fermer les yeux pour mieux s'imprégner des paroles de deux couples, les Castagné et les Bertout qui, pour les premiers sont dans leur poulailler puis dans leur jardin à détailler les fleurs qu'ils ont plantées, les seconds étant à la cuisine et s'interrogeant, non sans susciter le sourire du public, sur les différences entre soupe, potage et velouté.
On y entend aussi Gérard Pouyatos s'activer dans son jardin pour décrouter et sarcler tandis qu'Yvette est dans sa cuisine en train de commenter la préparation de la soupe et évoquer son enfance quand sa mère préparait les repas pour sa nombreuse famille. Il y a dans ces évocations une authenticité dont Yvette Raynal fait part après le spectacle : les prises de son ont été réalisées sans artifice et réutilisées pendant le spectacle, à la grande surprise de cette dame retraitée peu convaincue au départ que ce travail pût trouver une audience. Peut-être justement le public apprécie-t-il cette immersion dans des coutumes toujours vivantes mises en valeur par ce travail qui a amené les auteurs à sillonner les campagnes pour illustrer la richesse des savoir-faire, des gestes du quotidien guidés par l'observation de la nature et un certain bon sens voire tenter quelques allusions amusantes à la répartition sexuée des activités du jardin? Une simplicité et un bonheur du quotidien se dégagent de cette écoute nécessairement attentive tant les sens sont interpellés. L'ouïe est doublement sollicitée car Marc Pichelin ne se contente pas de faire entendre aux manettes de la console ses enregistrements, il réalise des bruitages en direct. Le phonographiste utilise, avec une belle inventivité, divers objets parfois improbables pour recréer des sons voire les amplifier ou les détourner, comme une cagette de polystyrène barrée par un gros élastique produisant un son qui rappelle quelques bruitages utilisés dans Les vacances de Monsieur Hulot de Tati, un tronc d'arbre mort sonorisé pour entendre le bruit des baguettes frappées contre lui,
une louche raclée sur une table, des petits pots en terre en modèle réduit entrechoqués ou des graines de maïs que l'on verse dans les pots en terre évoquant le premier enregistrement au poulailler et que l'on fait ensuite sauter. La vue est aussi mise à contribution puisqu'au fur et à mesure de la diffusion des histoires sonores, dont la durée est parfaite, ni trop longues ni trop courtes, Kristof Guez les met en images : il accroche des photos qu'il a réalisées aux différents portiques disposés sur la scène
ou d'autres imprimées sur des cagettes en bois qu'une visite de l'installation après le spectacle donne à voir sous tous les angles.
On y voit aussi Gérard Pouyatos et Yvette Raynal mis en scène, jouant leur propre rôle sans parole (Yvette coupe ainsi des légumes), comme une mise en chair de leurs voix enregistrées.
Si tous les sens sont convoqués et mêlés, le toucher et l'odorat n'étant pas en reste lors de la dégustation, donnant ainsi l'impression d'une expérience réelle, celle d'être véritablement sur les lieux évoqués tout en dégustant les produits confectionnés, le spectacle laisse pourtant la place à l'imaginaire, ce qui en fait sa plus grande force, chacun étant invité à recréer dans son esprit les scènes dans les cuisines et dans les jardins de ces passionnés qui disent leur amour de la nourriture et de la nature. On est sous le charme de cette expérience photo-phono-gustative, occasion d'une plongée dans la vie rurale simple et authentique du Quercy-Rouergue, que cette création artistique parvient à magnifier. Un très bel hommage à un territoire bien vivant.
Le public est ainsi amené à alterner moments de concentration où l'ouïe et la vue sont en éveil et moments plus détendus où le goût est mis à contribution, une manière fine et ludique de faire participer le spectateur. Une mise en saveur après une mise en ondes et en images, en somme, pour chaque partie de la création. On a presque envie de fermer les yeux pour mieux s'imprégner des paroles de deux couples, les Castagné et les Bertout qui, pour les premiers sont dans leur poulailler puis dans leur jardin à détailler les fleurs qu'ils ont plantées, les seconds étant à la cuisine et s'interrogeant, non sans susciter le sourire du public, sur les différences entre soupe, potage et velouté.
On y entend aussi Gérard Pouyatos s'activer dans son jardin pour décrouter et sarcler tandis qu'Yvette est dans sa cuisine en train de commenter la préparation de la soupe et évoquer son enfance quand sa mère préparait les repas pour sa nombreuse famille. Il y a dans ces évocations une authenticité dont Yvette Raynal fait part après le spectacle : les prises de son ont été réalisées sans artifice et réutilisées pendant le spectacle, à la grande surprise de cette dame retraitée peu convaincue au départ que ce travail pût trouver une audience. Peut-être justement le public apprécie-t-il cette immersion dans des coutumes toujours vivantes mises en valeur par ce travail qui a amené les auteurs à sillonner les campagnes pour illustrer la richesse des savoir-faire, des gestes du quotidien guidés par l'observation de la nature et un certain bon sens voire tenter quelques allusions amusantes à la répartition sexuée des activités du jardin? Une simplicité et un bonheur du quotidien se dégagent de cette écoute nécessairement attentive tant les sens sont interpellés. L'ouïe est doublement sollicitée car Marc Pichelin ne se contente pas de faire entendre aux manettes de la console ses enregistrements, il réalise des bruitages en direct. Le phonographiste utilise, avec une belle inventivité, divers objets parfois improbables pour recréer des sons voire les amplifier ou les détourner, comme une cagette de polystyrène barrée par un gros élastique produisant un son qui rappelle quelques bruitages utilisés dans Les vacances de Monsieur Hulot de Tati, un tronc d'arbre mort sonorisé pour entendre le bruit des baguettes frappées contre lui,
une louche raclée sur une table, des petits pots en terre en modèle réduit entrechoqués ou des graines de maïs que l'on verse dans les pots en terre évoquant le premier enregistrement au poulailler et que l'on fait ensuite sauter. La vue est aussi mise à contribution puisqu'au fur et à mesure de la diffusion des histoires sonores, dont la durée est parfaite, ni trop longues ni trop courtes, Kristof Guez les met en images : il accroche des photos qu'il a réalisées aux différents portiques disposés sur la scène
ou d'autres imprimées sur des cagettes en bois qu'une visite de l'installation après le spectacle donne à voir sous tous les angles.
On y voit aussi Gérard Pouyatos et Yvette Raynal mis en scène, jouant leur propre rôle sans parole (Yvette coupe ainsi des légumes), comme une mise en chair de leurs voix enregistrées.
Si tous les sens sont convoqués et mêlés, le toucher et l'odorat n'étant pas en reste lors de la dégustation, donnant ainsi l'impression d'une expérience réelle, celle d'être véritablement sur les lieux évoqués tout en dégustant les produits confectionnés, le spectacle laisse pourtant la place à l'imaginaire, ce qui en fait sa plus grande force, chacun étant invité à recréer dans son esprit les scènes dans les cuisines et dans les jardins de ces passionnés qui disent leur amour de la nourriture et de la nature. On est sous le charme de cette expérience photo-phono-gustative, occasion d'une plongée dans la vie rurale simple et authentique du Quercy-Rouergue, que cette création artistique parvient à magnifier. Un très bel hommage à un territoire bien vivant.
La fine équipe, de gauche à droite :
Yvette Raynal, Krystof Guez, Gérard Pouyatos, Marc Pichelin, Fred Sancère.
photo extraite de : http://www.novartbordeaux.com/spectacles/potages-et-potagers/
Site de la compagnie Ouï Dire : http://www.ouiedire.com/accueil/
Site de Derrière Le Hublot : http://www.derriere-le-hublot.fr/
Site de Derrière Le Hublot : http://www.derriere-le-hublot.fr/
en plein festival actuellement :
Texte et photos (sauf la dernière et les cartes postales) : Laura Sansot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire