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31/05/2016

DEUX SPECTACLES DE RUE A LA FETE DES BATONS 2016

Le 15 mai, la Fête des Bâtons de Saint Laurent des Bâtons, dont nous avons parlé dans un précédent article, http://artpericite.blogspot.fr/2016/05/reportage-photo-lors-dun-apres-midi-au.html proposait deux spectacles gratuits pour petits et grands.


La compagnie du Théâtre du Vertige était la première invitée. Créée par Pierre Kroepflen en 1995 et implantée à Montignac depuis 8 ans, elle travaille en famille. Il y a sa fille, Marie Kroepflen, danseuse, qui, pour des raisons de santé, n'a pas pu jouer son rôle dans le spectacle ce jour-là, et Paul Kroepflen, son fils, comédien performeur. Elvira Benson, sa femme, que nous avons rencontrée, s'occupe des relations publiques. La troupe est soutenue par un autre comédien, Guillaume Durand, échassier aussi, et une plasticienne, Sonia Toporowski, qui donne corps aux formes imaginées par le directeur de la compagnie. Tous les artistes sont intermittents. La compagnie est totalement autonome, réalise elle-même toutes ses créations, comme les costumes, les machines surprenantes à partir d'objets de récupération.

 
Elle travaille aussi avec des amis comme Richard Lakatos de la compagnie Ololo, Clément et Benoît  Bourgarel de la compagnie des Géants et du regroupement des compagnies Zizanie, Sébastien Bergerie de Trottoirs du Hazard.
Elle propose des spectacles de théâtre de rue en direction de tous les publics et notamment le public jeunesse. Ceux-ci offrent donc une double lecture et de ce fait un dialogue plus riche entre générations. Ils renvoient à l'univers du conte, du fantastique, du cinéma, du burlesque et sont toujours sans parole, "l'imaginaire faisant l'histoire", explique Elvira Benson. Quant au public, il est souvent invité à participer aux productions de cette troupe.
C'est ce qu'ont pu constater les spectateurs venus en nombre découvrir le spectacle "Snow" et sa féérie. Celui-ci avait été choisi pour son lien avec le thème de la fête, le bois, l'arbre, le bâton. Devant un public très familial, deux comédiens, un échassier et le directeur de la compagnie qui remplaçait au pied levé sa fille, interprétaient respectivement un arbre et un elfe accompagné d'une marionnette.
 Pierre Kroepflen interprétant un elfe
"L'arbre qui marche" apparaît comme "un rescapé", explique le synopsis, "ce fil unique qui nous relie à la terre". Il perpétue encore la tradition des nuits de Noël quand les arbres migraient vers les terres des hommes et quand le dialogue s'instaurait alors entre eux.

Le spectacle est une ode à la nature, à la communion des hommes et de leur environnement, comme une invitation à retrouver un langage commun, à savoir écouter ce que la Nature nous dit. Le personnage de l'elfe semble être le maître du temps, tenant une horloge à la main.
Il envahit l'espace avant d'inviter l'arbre camouflé derrière un rideau rouge à prendre possession des lieux.

L'harmonie se crée entre eux et l'elfe peut alors lui présenter la marionnette, comme le symbole d'un remerciement des hommes pour les bienfaits de la Nature.




















Les enfants sont conviés dans le spectacle. Une petite fille a découvert l'intérieur de la boîte magique
 
tandis que plusieurs petits spectateurs et une grande spectatrice étaient invités à une ronde très joyeuse avec l'elfe.
Le spectacle est rythmé par un univers musical très varié, proche dans un premier temps d'une musique de film pour la jeunesse parfois mystérieuse voire inquiétante, dotée de chants féminins très doux, puis une musique de style irlandais très dansante, plus baroque ensuite pour la ronde, une richesse musicale qui semble remplacer la parole des comédiens, évoquant la variété de leurs émotions. Elle porte véritablement le spectacle et le public peut s'imaginer s'envoler rapidement vers un autre univers. Assis sur l'herbe le regard levé vers les comédiens, ceux-ci apparaissant par cette position d'autant plus grands et fascinants pour les enfants,
les spectateurs ne peuvent qu'être admiratifs devant la beauté du spectacle, l'originalité des costumes et des machines inventées. On a la sensation d'une grande légèreté, d'une douceur, sans que les sentiments négatifs comme la tristesse soient éludés. La neige projetée sur la scène et vers les spectateurs ajoute de la magie à ce spectacle véritablement enchanteur.

La compagnie du Théâtre du Vertige tourne beaucoup en Europe et en France mais paradoxalement peu en Dordogne. Elle était donc ravie d'être invitée par Françoise de Chaxel, d'autant plus que la Fête des Bâtons n'est pas un festival de spectacles de rue spécifiquement. L'équipe souhaite, en effet, amener ce genre hors des sentiers balisés et le transporter dans d'autres univers. Cela est d'autant plus important dans un département où il y a peu de programmations de théâtre de rue, même si Mimos en propose, quoique de moins en moins, remarque avec regret Elvira Benson. La tendance est de plus en plus de produire des spectacles en salle mais aussi de faire appel à des spectacles dits de propos, traitant de sujets dits de fond. "Le Théâtre de Vertige aborde des sujets profonds et le choix du muet offre une subtilité et une dimension que les  mots imposés n'ont parfois plus", confie la jeune femme. La compagnie souhaite transmettre un bonheur de vivre, dont le large sourire d'Elvira et son enthousiasme laissent penser sur ce n'est pas un vain mot. Si la troupe est peu sollicitée en Périgord, elle défend la culture en milieu rural, souhaite travailler avec les centres sociaux, les collectifs de bénévoles. Elle revendique une certaine exigence dans la qualité du travail présenté. D'ailleurs, un seul spectacle permet de mesurer ce souci d'éduquer les enfants à la beauté. Ce n'est pas la seule valeur défendue. La troupe a été invitée à participer à la fête de Montignac à l'automne, en échange d'un lieu qu'elle pourra investir prochainement. Elle a choisi de proposer un défilé avec élection d'une Miss Montignac en allant à rebours de l'esprit de compétition que l'on trouve dans ce type d'évènement. Fuir la concurrence est d'ailleurs ce qui caractérise cette compagnie. Elle ne participera pas au festival d'Aurillac où "le nombre croissant de compagnies (plus de 650) en font un lieu compliqué à gérer pour les compagnies professionnelles soucieuses de présenter le travail dans de bonnes conditions". Elle a arrêté sa participation au festival de théâtre de Sarlat qui programme des spectacles de rue par tirage au sort chaque soir, qui suppose un hasard avec lequel elle n'aime guère travailler et une rapidité de mise en place irréalisable quand il lui faut 1h30 à 2h pour assurer l'installation. L'obtention d'une plage fixe a suscité des jalousies dont elle ne souhaitait pas être à l'origine, préférant travailler dans une ambiance fraternelle et solidaire. Cet été 2016 portera la troupe sur la route des festivals en France comme celui de Terre du Son à Tours, en Dordogne pour Festi'Plage, les 5 et 6 août, mais aussi à l'étranger, aux Pays-Bas pour les 20 ans du festival de théâtre de rue Deventer.
http://theatreduvertige.net/

Le second spectacle était celui de la compagnie du Fil à retordre : "T'emmêle" donné en plein air, comme le précédent.
Il s'adresse aussi à tous les publics dans un style plutôt clownesque pour accompagner les acrobaties des deux comédiens circassiens, Hugo Varret
 

et Anouck Wroblewski

qui ont tous les deux découvert le cirque avant l'âge de 10 ans. Ils se sont rencontrés en 2009 au Centre de formation des arts du crique de Chambéry (Arc en cirque) et ont associé leurs deux techniques, celle du diabolo pour lui et celle des portées pour elle. Dans un premier temps, ils ont créé un numéro mettant ces spécialités en valeur dans "Parasite", sélectionné en 2010 au festival CIRCA dans la catégorie Espoirs de la piste. De là, ils ont élaboré un spectacle plus long, d'1h, perfectionné au cours de la formation. Le spectacle met en scène deux personnages, un homme et une femme,
sûrement pas en couple étant donné toute l'énergie qu'ils mettent à préserver leur pudeur à l'égard l'un de l'autre, voire vis-à-vis du public quand le personnage se retrouve fort honteux de se présenter avec un pull mité et un tee-shirt trop courts, contraint, de ce fait à tous les efforts, pour cacher un ventre un peu trop visible.
On les voit se chamailler pour changer de costume derrière un paravent qui constitue, avec un portant de vêtements installé à proximité, le seul décor de la scène. Flanquée d'un compagnon plutôt pataud, le personnage féminin s'évertue tout au long du spectacle à faire bonne figure auprès du public. Il tente ainsi de masquer les maladresses de son acolyte et mener bon an mal an les numéros à leur terme avec un sérieux souvent mis à mal et vite emporté par les facéties du bonhomme qui en deviennent communicatives.
Si chacun a sa spécialité, ils proposent le plus souvent les numéros ensemble, laissant penser qu'ils maîtrisent les techniques au même niveau tant l'harmonie est réelle entre les deux circassiens.
 
On s'amuse lorsqu'on voit la jeune femme faire un numéro de cabaret sensuel à la Marlène Dietrich autour d'un pneu
 
ou les deux ensemble exécuter une danse de Brodway, le personnage masculin adoptant alors, guidé dans ses gestes par le public hilare, la pose américaine.
Si l'on rit des espiègleries mises en scène, on admire aussi la performance des circassiens, chaudement vêtus  lors de cette chaude journée pour un numéro de portés en hyper, 
leurs portés sans filet,
















un numéro de danse avec un diabolo sur des airs aussi divers qu'une musique de vahiné, de Mickael Jackson, une valse, un rock...
Le spectacle est donc une succession de numéros qui constituent de vraies performances sans en avoir l'air tant le côté décalé est au rendez-vous. Dans cette production aussi, le dialogue s'instaure rapidement avec le public, non pour partager une féérie comme dans le spectacle précédent, mais l'humour, voire l'adrénaline quand un enfant est invité à se tenir droit et ne pas bouger pour laisser Hugo Varret sauter littéralement au-dessus de sa tête.
Un beau duo de circassiens très complices qui sait allier étonnamment deux disciplines bien différentes.

Texte et photos : Laura Sansot

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