Le 8 avril, la
Galerie Verbale à Périgueux accueillait Daniel Chavaroche pour son
2è spectacle intitulé "Sous le pont du Garrit, lorsque descend
la vie..." après avoir présenté la veille "Zidor et
Compagnie".
Daniel Chavaroche est originaire de Sarlat. Il a d'abord été instituteur puis a enseigné l'occitan. Parallèlement, il s'est mis à l'écriture en s'inspirant de son Périgord natal et conte depuis une trentaine d'années en français et en occitan. Il se définit d'ailleurs comme "conteur de pays" même si ses histoires très locales tendent à l'universel, comme celles d'une autre native du Périgord Noir, Monique Burg, qui y ajoute un univers fantastique. Il a créé avec un ami d'enfance, Jean Bonnefon, la Compagnie des Arts modestes qu'ils aiment présenter tous deux comme une coopérative de création qui réunit des arts populaires comme la chanson, le conte, la lecture. http://www.artsmodestes.com/
Sans aucun décor, avec un artiste simplement vêtu de noir et blanc, le spectacle repose uniquement sur les mots de Daniel Chavaroche qui parviennent en quelques minutes à plonger les spectateurs dans une autre époque. Avec son accent du Midi qui donne une chaleur à son récit, son aisance verbale, l'ancien enseignant débute son récit par quelques repères historiques. On apprend que le pont du Garrit, un pont Eiffel, situé sur la Dordogne entre Saint Cyprien (sur la rive droite) et Berbiguières (sur la rive gauche) a été construit entre 1892 et 1894 par une entreprise de Saint-Dizier. Il a remplacé le bac et a été édifié en amont du chemin de fer. S'il n'est plus ouvert à la circulation depuis 1991, il a toujours possédé qu'une seule voie charretière, considérant qu'elle ne servirait que les jours de marché, le sens de circulation devant être le même pour les marchands et pour les chalands, s'est amusé à commenter le conteur. Il a même donné lieu à une association qui oeuvre pour sa conservation et son animation, créée en 2012.
Très didactique, Daniel Chavaroche explique que le spectacle sera composé d'une douzaine d'histoires
mettant en scène différents personnages ayant côtoyé le pont à
un moment de leur existence. Il endosse alors chaque personnage et se
met à parler à la première personne.
Le chêne est le premier mis en scène car "garric" désigne
cet arbre en occitan. On passe ensuite au gabarrier puis on découvre
l'histoire d'un jeune maçon venu participer au chantier de
construction, prêt à faire la révolution,
Daniel Chavaroche mimant l'utilisation du fil à plomb par les maçons
celle d'un jeune garçon
qui deviendra joueur de cabrette et se retrouvera bien mal en point
sur le pont du Garrit avec une horde de loups à ses trousses,
prétexte à une description épique de l'épisode. Puis, c'est le
tour d'un petit Lulu âgé de 5 ans de se retrouver coincé
entre les barreaux du pont, position pour le moins inconfortable qui
ne manquera pas d'ameuter les spécialistes du sauvetage qui se
verront fort déconfits face aux méthodes moins techniques mais
nettement plus efficaces d'un père soucieux de trouver une issue
rapide à la situation. On découvre l'histoire d'une loutre,
occasion d'apprendre les pratiques sexuelles de l'animal et de mieux
comprendre la qualification de "fils de loutre". On part au
bal avec un danseur préoccupé de perfectionner son art pour mieux
attirer la belle, on suit la vie de la femme de l'aubergiste pas
franchement farouche mais promise à un destin fâcheux, rencontrée
lors d'histoires précédentes car Daniel Chavaroche aime à faire
résonner les récits entre eux. Le spectacle avançant dans la
chronologie, il fait pénétrer le public dans la Résistance et dans
la zone "nono" (non-occupée) pour quelques nouvelles histoires.
Puis, le rugby, dont le conteur est un grand amateur qui lui a
d'ailleurs donné l'envie de créer des spectacles sur le sujet
http://www.artsmodestes.com/crbst_2.html, amène son auditoire à
rencontrer un transporteur de Nérac chargé de conduire une équipe
pour un match en extérieur dont le retour à la maison ne sera pas
victorieux pour tout le monde, le pont du garrit n'ayant pas laissé
un excellent souvenir au chauffeur! Les histoires truffées d'anecdotes truculentes plongent les spectateurs dans un siècle de vie au coeur du Périgord Noir, prétexte à la découverte des multiples métiers d'autrefois, des coutumes anciennes qui peuvent encore perdurer. On y perçoit la richesse de ce monde simple où chacun avait une place, description que viennent étayer quelques mots de la langue occitane qui sait dire à merveille la diversité de la nature, des biens inanimés comme des attitudes des hommes. Si le ton est plutôt à la moquerie, à la malice, on sent une profonde affection de l'auteur pour tous ses personnages dont il s'attache à montrer l'humanité malgré des comportements pas toujours admirables mais qui prêtent finalement plus à sourire voire à de franches rigolades qu'à la réprobation. Quand il s'attelle à décrire les êtres et les situations souvent cocasses, Daniel Chavaroche parvient à mêler humour et pudeur voire une certaine délicatesse, comme quoi on peut plaisanter tout en étant très respectueux de ses congénères, finesse d'un auteur dit local dont devraient s'inspirer certains humoristes de renommée nationale... On passe ainsi un moment très agréable, dépaysant, en ayant l'impression à la fois de s'être détendu mais aussi d'en savoir plus sur le temps passé. De l'art et de la culture populaire comme on n'en fait plus beaucoup.
Texte et photos : Laura Sansot
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