Le 24 janvier, l'Odyssée de Périgueux proposait un
après-midi autour de Tchekhov, en partenariat avec l'association Ciné-Cinéma,
une collaboration qui est devenue un usage au coeur de
l'hiver.
Un des fils rouges du Centre culturel, a rappelé Chantal Achilli, directrice générale et artistique de l'Odyssée, était centré cette année autour des auteurs russes du XIXè siècle comme le sus-nommé avec La Cerisaie en janvier et Gogol avec Le Révisor en février.
Chantal Achilli
Cet après-midi était une manière de préparer le
spectacle qui aurait lieu les 26 et 27 janvier avec une conférence et un film
de René Féret, choisi par le programmateur de Ciné-Cinéma. Chantal Achilli a souligné
l'importance de tisser des liens avec le secteur associatif et de proposer une
action de haut niveau culturel. Le partenariat est fort comme le démontre le
succès croissant auprès du public de ce type de manifestation (200 personnes
environ ce jour-là). C'est Bernard Pico, comédien et dramaturge, qui était
invité pour présenter le grand écrivain russe. Il travaille avec Gilles
Bouillon, metteur en scène, qui oeuvrait au Centre Dramatique Régional de Tours
depuis 1990 puis à partir de 2014 a fondé sa propre compagnie. Gilles Bouillon
et Bernard Pico sont venus lui proposer le projet de La Cerisaie il y a un an,
un projet original avec des comédiens français et suisses. Après cette
introduction, la conférence pouvait débuter.
Le film Anton Tchékhov-1890 est un biopic dont
le titre laisse présager la volonté du réalisateur de se focaliser sur un
moment emblématique de la vie de cet homme, comme un cliché.
L’année 1890 :
Sakhaline
Le conférencier a souhaité initier son propos par une photo
datée d'avril 1890, prise juste avant son départ pour Sakhaline.
On voit au
premier plan, à côté de Tchekhov son frère Mickaël. Au 2è rang, la fille du
propriétaire et, semblant regarder Tchekhov, une femme Lika puis deux femmes
qui l'encadrent : sa soeur et sa mère. L'homme, au fond, barbu est son père,
Pavel, raison pour laquelle on l'appellera Anton Pavlovitch (Anton, fils de
Pavel). A l'époque, Tchekhov a 30 ans. C'est jeune aussi pour l'époque mais il
mourra seulement 14 ans plus tard. Il est médecin et sait qu'il est atteint de
tuberculose. C'est une période de crise dans sa vie. L'évènement majeur est son
voyage à Sakhaline. L'année précédente, il a perdu son frère Nicolas, mort de
tuberculose 15 ans avant lui. C'est l'époque où en tant qu'écrivain, il connaît un
énorme succès. Malgré cela, contre l'avis de sa famille, de ses amis, de son
éditeur, il décide de partir à l'autre bout de la Russie, dans une île de
l'Océan Pacifique, dans des conditions extrêmement difficiles, à une époque où le
transsibérien n'existait pas encore (il sera inauguré en 1902). Le train
n'allait que jusqu'à Tioumen, en Oural. Restaient alors 5000 kms de voie
fluviale à franchir. Quand il est parti le 21 avril, c'était trop tôt pour
profiter d'un été sec et trop tard pour bénéficier des avantages de rivières
gelées. Il a donc connu le froid, la boue, les inondations. Il a acheté une
charrette et s'est déplacé ainsi, achetant des chevaux dans les relais. Il
faisait tellement froid qu'il était vêtu de deux pantalons et d'un manteau en
cuir. Malgré tout, il parle d'un heureux voyage achevé par les derniers 1000
kms sur le fleuve Amour, un paradis avant une descente aux enfers à Sakhaline
qui était une colonie pénitentiaire, un bagne, un « lieu d’intolérable souffrance ». Il veut rembourser ce qu’il
doit à la médecine mais au mépris de sa propre santé en faisant une enquête
scientifique et sociologique sur les conditions de vie. Son écrit va marquer
les esprits et la littérature.
Pour comprendre ce voyage, le conférencier a souhaité faire
un flash-back.
De l'enfance aux études
Il a passé son enfance à Taganrog, au
sud de la Russie, où son père battait ses enfants et les obligeait à aller
chanter des psaumes à l’église. Tchekhov estime ne pas avoir eu d’enfance. Très piètre commerçant, ruiné, le père doit
émigrer à Moscou où vivent ses aînés, Alexandre et Nikolaï. Resté dans la ville
natale, Tchekhov donne des leçons particulières, envoie de l’argent à sa famille,
tout en préparant son baccalauréat qu’il obtient en 1879. Il devient chef de
famille, c’est Papa Antocha. Ce sont des années très difficiles.
La médecine et l'écriture intimement liées
Il obtient une
bourse et rejoint Moscou pour entreprendre des études de médecine. Il n’a pas
d’ambition littéraire. Il veut être utile, soigner les gens, comme pour
remercier la médecine qui l’a sauvé de la pneumonie quand il était jeune. Pour
gagner un peu d’argent, il écrit dans de petits magazines. On lui commande des
écrits courts de 100 lignes qui doivent être drôles, des pochades, des farces,
des vaudevilles. Il apprend ainsi à écrire de façon concise. De 1882 à 1886, plus de 300 récits sont
publiés tous sous le nom d’Antocha Tchekhonté. Il a un réel talent d’écrivain
mais il ne se prend pas au sérieux. En 1883, il publie près de 120 nouvelles.
Il se considère comme un jeune médecin qui a besoin de vendre de la copie. En
1886, il collabore au quotidien Les Temps
nouveaux fondé par Alexeï Souvorine, le grand éditeur de l’époque, avec qui
il va rester longtemps ami. A 26 ans, il reçoit la lettre d’un écrivain Dimitri
Grigorovitch : Tchekhov a du talent, du génie. Il maîtrise les
descriptions, les formes esthétiques mais n’écrit rien de sérieux, lui reproche
l’écrivain. C’est un choc, un tournant décisif pour Tchekhov qui publie dans Les Temps nouveaux et dans La Pensée Russe près de 200 nouvelles,
sous son vrai nom, qui connaissent un vrai succès. Il n’écrira jamais de grand
roman. En 1888, il reçoit le prix Pouchkine, le plus prestigieux des prix. Il
aura écrit pas moins de 700 nouvelles alors que l’on connaît davantage son
théâtre. Dans la Pléiade, le théâtre ne représente que le premier tiers du
premier des 3 tomes. Il gagne sa vie avec ses nouvelles qui rapportent chacune 300
roubles quand un instituteur en gagne 25. En 1889, Tchekhov connaît le
succès depuis 3 ans. Il est reconnu comme écrivain et peut entretenir sa
famille. Cependant, son frère Nicolaï, peintre talentueux mais alcoolique meurt
à 30 ans des suites d’une tuberculose foudroyante. Tchekhov est ravagé :
« je suis abruti, flétri ».
En tant que médecin, il gardera toujours un sentiment de culpabilité.
D’ailleurs, dans ses écrits, les personnages de médecin auront toujours quelque
chose à se reprocher (Platonov, Oncle Vania, Trois sœurs). Une crise couve chez
lui depuis un certain temps. Il a une tendance à la mélancolie. La mort de son
frère lui rappelle son propre état. Il doute de sa vie, de son talent. Il
connaît un échec avec sa pièce L’homme des bois. Il a commencé un
grand roman alors que son génie est dans le court. Il est obligé de
l’abandonner. Dans sa dépression, il dit qu’il ne fait ni un travail d’écrivain,
ni de médecin. Il doit rembourser à la médecine ce qu’il lui doit. « Je me
comporte comme un cochon en écrivant des nouvelles », dit-il. Le film
d’ailleurs insiste sur ce point. Tchekhov refuse son génie, son
passe-temps est nocif car il le détourne de sa véritable mission : la
médecine. Il avait l’habitude de dire que la médecine était son épouse légitime
et la littérature sa maîtresse. Elles se nuisent l’une à l’autre mais pas au
point de s’exclure. Il s’est toujours voulu médecin et écrivain
indissociablement. Son expérience de médecin a influencé son art.
En 1892, il achète la propriété de Melikhovo, au Sud de
Moscou afin d’être dans un lieu stable où il puisse travailler sereinement. Là,
il s'active souvent bénévolement pour soigner les paysans, mettre en place des
mesures pour lutter contre le choléra. Quand il sera à Yalta, il agira de même.
Il semble vouloir être libre. La médecine et la littérature sont chacune à leur
tour un refuge, quand l’une lui apporte moins de satisfaction, il se tourne
vers l’autre. C’est une espèce de fuite perpétuelle.
Tchekhov et le théâtre
Après 1890, c’est une période d’ouverture pour Tchekhov qui
se consacre à la dramaturgie et connaît le succès. Il renoue avec ses amours de
jeunesse, sa vocation première. Il ne publie qu’une soixantaine de nouvelles de
1890 à sa mort. La Mouette, donnée pour
la 1ère fois en 1896, est un grand succès. C’est l’époque où il
rencontre Constantin Stanislavski, metteur en scène
et professeur d’art dramatique, dont la troupe va jouer la tétralogie de
Tchekhov (La Mouette, La Cerisaie, Trois Sœurs et Oncle Vania),
les dernières pièces de sa vie qui portent le théâtre à un niveau jamais
atteint. En tout, il aura écrit une vingtaine de pièces, d’où va naître le
théâtre moderne.
Stanislavski avait monté l’interprétation de La Cerisaie comme quelque chose de très
pathétique évoquant un passé englouti et un futur incertain, une métaphore des différents
âges de
l’existence, une grande réflexion
nostalgique sur la mort d’une société. Elle renvoyait à ce que chacun
avait dû quitter dans sa vie qui était de l'ordre de l'identité. Il
avait étiré le temps jusqu’à faire
durer le dernier acte 90 minutes ! Tchekhov était furieux. Pourtant, en
Europe, on a continué à jouer cette pièce de cette manière alors que
l’auteur la
considérait comme une comédie devant être jouée vite, une vingtaine de
minutes.
Il disait que Stanislavski avait remis en cause le sens de sa pièce.
Tchekhov est l’inventeur du théâtre de l’absurde : il
n’y aurait pas Beckett sans Tchekhov. Il
tient une place exceptionnelle dans le théâtre russe qui a pourtant existé à l’ombre du
roman. Avant lui, des écrivains ont marqué la littérature : Gogol,
Tolstoï, Dostoïevski. Le Révizor (1836)
qui sera donné à l’Odyssée de Périgueux, en février 2016, a été écrit sur une idée de Pouchkine dont
Gogol était un fervent admirateur. Il lui inspirera aussi Les âmes mortes (1842). Le
Révizor est le regard ironique de l’auteur sur une ville de province russe
où le bourgmestre et toute l’administration attendent un inspecteur de l’Etat
censé venir incognito. On imagine qu’il s’agit d’un jeune voyageur arrivé à l’auberge.
Par méprise, celui-ci est invité par le gouverneur de la ville. Il se fait couvrir
d’honneurs, d’argent, reçoit des confidences. Autre auteur important : Tourgueniev
qui a écrit Un mois à la campagne, sa
pièce la plus célèbre (1850). Après Tchekhov, il y aura l’œuvre de Maxime
Gorki, écrivain, aussi auteur de pièces de théâtre.
Tchekhov et les femmes
Le théâtre est lié aux femmes. Autour de Tchekhov, a évolué
un trio de femmes : sa mère, Evguenia, sa sœur, Maria, et son épouse, Olga
Knipper. La mère, c’est l’âme d’Anton. A 12 ans, elle perd son père, commerçant
en draps, mort du choléra. Suite à la perte de sa maison dans un incendie, la
grand-mère de Tchekhov va à travers la steppe retrouver en vain la tombe de son
mari, distante de 300 kms. Evguenia, avec son art de conter, raconte cette
histoire à son fils Anton qui s’en souviendra en écrivant La steppe (1888). Sa sœur, c’est son ange-gardien avec qui il
entretient des liens très forts. Elle lui est totalement dévouée, sa
confidente, son bras droit. On ne sait pas si pour elle, c’est un attachement
ou une soumission. Entre 20 et 29 ans, elle refuse 3 demandes en mariage. On
soupçonne Tchekhov d’avoir tout fait pour les empêcher ! Elle restera
célibataire. Elle aura beaucoup à faire pour trouver sa place. Pour le reste, c’est
le "flou artistique" concernant sa vie sentimentale. Pourtant, dans son œuvre, on
trouve une galerie de portraits féminins dès les premiers textes des années
1870. Il montre très jeune sa capacité à pénétrer dans les émotions féminines.
Dans sa vie, les choses sont plus compliquées. Est-il distant, célibataire,
misogyne ? Il se décrit comme un homme froid. Il était jaloux de sa propre
liberté. Un homme secret. C’était un amateur d’aventures, un amoureux de l’amour.
Ses rencontres féminines ? Des aventures sexuelles légères et sans
lendemain, sauf Olga. Sur la photo, on voit une femme se pencher vers lui, Lika
Misinova qu’il fréquente à partir de 1893. Il n’a pas répondu à ses attentes.
Elle est partie pour Paris où un écrivain l’a abandonnée, une fois enceinte
puis l’enfant est mort. Pendant les répétitions de La Mouette, il rencontre l’actrice
Olga Knipper. Il a beaucoup écrit contre le mariage mais il l’épouse en 1901.
Malgré tout, il veut que tout reste comme avant, ne veut pas la voir tous les
jours. Il vit à Yalta malade et cultive la relation à distance par une abondante
correspondance où il emploie à son égard toute une liste de petits mots
tendres. Il va lui écrire son plus beau rôle au théâtre, à 35 ans, celui de
Lioubov dans La Cerisaie. Elle va
réussir à trouver sa place entre la mère et la sœur de Tchekhov. C’est elle qui
sera à ses côtés, lors de sa mort, le 2 juillet 1904, à Badenweiler, en Allemagne,
où Tchekhov est venu se soigner. Juste avant sa mort, il demande un verre de
champagne. Il se lève et dit en allemand : «je meurs». Il se tourne
vers Olga et déclare : « cela
fait longtemps que je n’ai plus bu du champagne… ». Il boit et « il se coucha sur le côté gauche et se tut à
jamais ». Le conférencier a raconté quelques anecdotes sur les
suites de sa mort. Son cercueil est ramené en Russie en train
frigorifique sur
lequel était écrit : « huîtres », lui qui les adorait. Autre
fait étonnant : au même moment, avait lieu l’enterrement d’un général
dont
le cercueil a été confondu avec celui de Tchekhov. Il a eu droit à de la
musique militaire pour ses funérailles !
Dialogue avec le public
Quelques questions ont été posées par le public, comme
celle de l’impact du texte sur Sakhaline. Il a eu surtout un retentissement en
Russie. Quant à la spiritualité de Tchekhov, dans un contexte où la dimension
spirituelle, orthodoxe imprégnait toute la société, elle était liée à une
interrogation sur le sens de la vie mais il était totalement agnostique. Ce n’était
pas un homme dogmatique, pas engagé religieusement. Il ne croyait pas à l’au-delà.
Enfin, au sujet d’une anticipation de la Révolution de 1917, l’intervenant a
noté aucune allusion dans son œuvre. Dans La
Cerisaie, il y a cet étudiant,
Trofimov, peut-être un étudiant marxiste avant l’heure qui s’est fait renvoyé
de deux universités pour propagande, parfaitement au courant de la situation en
Russie dont il parle. Il évoque les gens sur le dos desquels la famille de Lioubov
vit. Il y a ce personnage de Lopakhine, un ancêtre des capitalistes, qui va être
victime de la Révolution. Toutefois, Bernard Pico estime qu’il ne s’agit pas d’une
pièce politique. Pour Giorgio Strehler (1921-1997), metteur en scène italien, la pièce est
comme une petite boîte qui contiendrait la vie quotidienne des gens qui serait contenue dans une plus grande
boîte, celle de la grande histoire de la Russie. La 3è boîte serait celle de l’existence,
dans une dimension plus philosophique. Toutes nos existences contiennent ces 3
boîtes. Selon les metteurs en scène, on focalise sur l’une des boîtes. Tchekhov
était un dreyfusard, révolté contre les injustices, on dirait aujourd’hui, un
homme de gauche, même si c’était un homme sceptique, qui ne prenait pas partie,
n’adhérant ni aux futures idées communistes ni aux idées réactionnaires.
Suite à la conférence, le public était invité à un goûter avant de retrouver la salle pour la projection du film.
Comme
l'a expliqué préalablement le conférencier, le film évoque une année
charnière dans la vie de l'auteur. Le film commence avec l'arrivée d'un
éditeur, Souvorine, et d'un écrivain, Grigorovitch, lors d'une soirée
animée chez les Tchekhov où d'emblée l'un des traits majeurs de la
personnalité du personnage apparaît : une mésestime de soi, un auteur
qui publie des nouvelles dans les journaux et n'a pas conscience de sa
valeur artistique, laissant son frère se faire passer pour lui.
Pourtant, c'est la révélation : Tchekhov qui se considère comme "un bon à
rien" a du génie et doit publier sous son vrai nom. Sa situation
financière et celle de sa famille, dont on voit combien il est le
pilier, s'améliorent. Il reçoit le prix Pouchkine après la publication
de La Steppe et suscite l'admiration de Tolstoï. La soeur
apparaît, dans le film, comme la grande complice et protectrice de son
art. Pourtant, le film met en scène les tiraillements de Tchekhov,
partagé entre la médecine et son art. Ils sont à leur paroxysme quand
son frère meurt de la tuberculose. Il fuit alors la femme qui le presse
de l'aimer, la fameuse Lika évoquée pendant la conférence. Il dit : "l'amour ne m'intéresse pas. Il brûle votre énergie. Pour écrire, je dois être libre".
Pourtant, il fuit aussi l'écriture. Il se met à brûler ses textes au
grand dam de sa soeur et entreprend un long voyage en direction de
Sakhaline, occasion de prises de vue magnifiques. Il y part parce qu'il a
une dette envers son frère qu'il n'a pas réussi à soigner et parce que
c'est lui, de son vivant, qui voulait rencontrer les prisonniers pour
témoigner de leur sort. Là-bas, il découvre la misère et passe du temps
avec l'institutrice, Anna, la fille de la famille qui l'héberge, jouée
subtilement et tout en sobriété par la fille du réalisateur, Marie
Féret. Il revient transformé de cette expérience mais « il ne [lui] reste pas très longtemps à vivre" Il dit : "c’est bien, au fond,
cela m’oblige à faire les choses comme si c’était la dernière fois. »
Ce film est le dernier de René Féret sorti avant sa mort en avril 2015 http://www.reneferet.com/. Ce réalisateur discret, auteur néanmoins de 18 films depuis 1975, s'est probablement intéressé à cette figure majeure de la littérature et du théâtre russe car il s'est surtout attaché à décrire l'homme dont le parcours a semblé avoir quelques similitude avec le sien. Les films de René Féret sont souvent autobiographiques. Dans celui-ci, comme le réalisateur l'a lui-même expliqué sans le mettre en avant pendant le tournage, raconte son acteur principal http://www.critikat.com/actualite-cine/entretien/nicolas-giraud.html, on y retrouve les origines populaires, le désert culturel, la découverte du monde artistique, la mort d'un membre de la famille (son frère pour Tchekhov, son père pour Féret) et la crise profonde qu'elle a entraînée, la découverte de l'enfermement (Sakhaline pour Tchekhov et l'hôpital psychiatrique pour Féret), la même vision de l'amour durant sa jeunesse et la révélation de l'art. Le personnage de Tchekhov, interprété magnifiquement toute en délicatesse, douceur et retenue par un Nicolas Giraud au visage d'ange, est mis en scène dans toute sa fragilité, ses faiblesses et en même temps la force d'un homme, très conscient de son devoir moral envers sa famille, capable de parcourir 10 000 kms pour aller rencontrer des bagnards et sortir de sa réserve pour exprimer avec passion, dans l'une des dernières scènes du film, sa vision du jeu des comédiens pour la représentation de La Mouette. Le film est tourné à la manière dont Tchekhov envisageait ses récits, à la fois une attention aux détails et aux êtres qui semblent avoir chacun leur place, comme dans des pièces chorales telles que La Cerisaie. Toutefois, s'il débute avec un groupe, la famille, dans lequel l'écrivain se fond, il s'achève avec la troupe de théâtre dont il devient le guide, comme si le film était un film initiatique vers une découverte de la confiance en soi grâce à l'art. Néanmoins, il reste tiraillé toute sa vie par sa passion de l'écriture et son souci de soigner les autres plutôt que de panser ses propres plaies. Comme le dit Nicolas Giraud, qui a véritablement découvert Tchekhov en l'interprétant, c'était "un artiste qui soign[ait]", qui a gardé ses plaies "ouvertes pour que cela puisse conduire à quelque chose". Ce quelque chose, c'est sa capacité à observer, à percer les tréfonds de l'âme humaine, dont les spectateurs découvrirait la semaine suivante un exemple à travers La Cerisaie donnée à l'Odyssée.
http://www.reneferet.com/tchekhov/
Texte et photos : Laura Sansot
Ce film est le dernier de René Féret sorti avant sa mort en avril 2015 http://www.reneferet.com/. Ce réalisateur discret, auteur néanmoins de 18 films depuis 1975, s'est probablement intéressé à cette figure majeure de la littérature et du théâtre russe car il s'est surtout attaché à décrire l'homme dont le parcours a semblé avoir quelques similitude avec le sien. Les films de René Féret sont souvent autobiographiques. Dans celui-ci, comme le réalisateur l'a lui-même expliqué sans le mettre en avant pendant le tournage, raconte son acteur principal http://www.critikat.com/actualite-cine/entretien/nicolas-giraud.html, on y retrouve les origines populaires, le désert culturel, la découverte du monde artistique, la mort d'un membre de la famille (son frère pour Tchekhov, son père pour Féret) et la crise profonde qu'elle a entraînée, la découverte de l'enfermement (Sakhaline pour Tchekhov et l'hôpital psychiatrique pour Féret), la même vision de l'amour durant sa jeunesse et la révélation de l'art. Le personnage de Tchekhov, interprété magnifiquement toute en délicatesse, douceur et retenue par un Nicolas Giraud au visage d'ange, est mis en scène dans toute sa fragilité, ses faiblesses et en même temps la force d'un homme, très conscient de son devoir moral envers sa famille, capable de parcourir 10 000 kms pour aller rencontrer des bagnards et sortir de sa réserve pour exprimer avec passion, dans l'une des dernières scènes du film, sa vision du jeu des comédiens pour la représentation de La Mouette. Le film est tourné à la manière dont Tchekhov envisageait ses récits, à la fois une attention aux détails et aux êtres qui semblent avoir chacun leur place, comme dans des pièces chorales telles que La Cerisaie. Toutefois, s'il débute avec un groupe, la famille, dans lequel l'écrivain se fond, il s'achève avec la troupe de théâtre dont il devient le guide, comme si le film était un film initiatique vers une découverte de la confiance en soi grâce à l'art. Néanmoins, il reste tiraillé toute sa vie par sa passion de l'écriture et son souci de soigner les autres plutôt que de panser ses propres plaies. Comme le dit Nicolas Giraud, qui a véritablement découvert Tchekhov en l'interprétant, c'était "un artiste qui soign[ait]", qui a gardé ses plaies "ouvertes pour que cela puisse conduire à quelque chose". Ce quelque chose, c'est sa capacité à observer, à percer les tréfonds de l'âme humaine, dont les spectateurs découvrirait la semaine suivante un exemple à travers La Cerisaie donnée à l'Odyssée.
http://www.reneferet.com/tchekhov/
Texte et photos : Laura Sansot
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