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26/01/2016

TRIO JOURNAL INTIME A MARSAC SUR L'ISLE

Le 20 janvier 2016, la bibliothèque de Marsac-sur-l'Isle organisait au centre culturel, le Forum@, en partenariat avec l'Agence Culturelle de Dordogne et la Bibliothèque Départementale de Prêt, une soirée autour du jazz, dans le cadre de C'Rock Notes. Il s'agit d'un dispositif qui vise à sensibiliser le public à un style ou à un répertoire musical.

Les invités de cette soirée étaient les membres du Trio Journal Intime qui s'était déjà produit les jours précédents lors de séances scolaires dans le Périgord Noir. Toutefois, du fait de problèmes de santé de l'un d'entre eux, Frédéric Gastard, saxophoniste basse, le trio s'est transformé en duo.
à gauche : Sylvain Bardiau, à droite : Matthias Mahler

Le 1er adjoint au maire, Alain Chastenet, n'a pas douté, malgré tout, que le talent des musiciens présents saurait compensé cette absence. S'il a regretté que le lieu d'accueil de cette soirée ne fûsse pas une salle de concert (peut-être en existera-t-il une dans d'une future médiathèque?), il serait au moins un lieu de rencontre et de convivialité autour de la musique.
En effet, parallèlement à une exposition sur l'histoire du jazz et de ses grands noms, qui se tiendra dans les locaux du Forum@, jusqu'au 29 janvier,

la soirée proposait une conférence-concert autour des musiciens Sylvain Bardiau, trompettiste, et Matthias Mahler, tromboniste, qui ont instauré un échange avec le public composé d'une quarantaine de personnes.
Ceux-ci, interrogés par les intervenants, étaient plus nombreux à écouter la musique qu'à la pratiquer. Sylvain Bardiau a évoqué l'instrument absent, le saxophone basse : le plus lourd (12 kgs environ) des saxophones qui comptent toutes les tailles (soprano, alto, ténor, baryton...) joue dans les graves mais est aussi capable d'aller dans les sur-aigus.
Si les trois musiciens se connaissent depuis une quinzaine d'années, jouant à l'époque dans les fanfares, harmonies, groupes de musiques actuelles, le Trio Journal Intime a commencé il y a 10 ans. Le nom du groupe vient de la volonté de se placer résolument dans le registre de la musique de chambre, une forme qui met du temps s'installer, a reconnu Sylvain Bardiau, mais aussi de transmettre ce qu'il aime écrire, sous forme d'arrangements, de compositions et d'improvisations : "de la musique soufflée, du groove le plus dansant au jazz le plus minimaliste".
Leur premier disque en 2008, Journal Intime, est un hommage à Duke Ellington, un compositeur qui a marqué tous les musiciens de jazz, "un monument", a noté Matthias Mahler. Ils ont notamment revisité "Braggin'in Brass", un morceau écrit pour un big band qu'ils ont adapté à leur trio et ce soir du 20 janvier à un duo! Pour le jouer, une sourdine était placée par intermittence devant le pavillon du trombone, seul partie de l'instrument d'où le son peut sortir, à la différence du saxophone.

Leur deuxième disque, Lips on fire,  sorti en 2011, s'est centré sur la musique de Jimi Hendrix auquel les musiciens vouent une très grande admiration : celui qui, selon Sylvain Bardieau, a révolutionné la guitare et plus largement la musique et l'influence encore 40 ans après sa mort, à 27 ans. Il a fondé en 1966 un trio, Jimi Hendrix Experience, avec Mitch Mitchell et Noel Redding. En seulement, 5 ans (il est mort en 1970), il a produit 3 albums studio et un live. Ce trio des années 60, composé d'un bassiste, d'un batteur et du chanteur-guitariste, qui avait l'art de faire sonner les instruments ensemble, parlait beaucoup à ces musiciens qui se sont inspirés de ce que Jimi Hendrix faisait et de cette volonté de prendre des "chemins biscornus" pour trouver d'autres sons, d'insuffler du rythme aussi. Dans le morceau "If six was nine" repris par le trio devenu duo invité, le trombone remplace la guitare, le souffle joue un rôle important. La batterie est suggérée. L'utilisation d'une boîte à rythme n'aurait pas dégradé le travail, comme s'est demandé un auditeur. Sylvain Bardiau a expliqué qu'aux débuts du trio, ils travaillaient beaucoup avec l'électrique (pédale wah-wah, looper) mais l'idée étant de se centrer sur la musique de chambre, ils se sont focalisés sur les instruments recherchant un effet uniquement acoustique et non plus électrique, dans un "esprit de rigueur, de décroissance totale". Pour ce trio, il s'agit de "repousser le plus loin les limites de l'instrument acoustique". Dans le disque, il a fait appel à Denis Charolles, percussionniste, directeur artistique de la Compagnie des musiques à ouïr http://musicaouir.fr/ mais aussi à Rodolphe Burger, guitariste, fondateur du groupe de rock progressif Kat Onoma (1986-2004), à Strasbourg, qualifié de "grand nom de la chanson française" par les musiciens présents, à la voix basse, qui est un contre-pied à la voix très aigüe de Jimi Hendrix. Sur Lips on fire, ils ont joué en quintet mais aussi en trio. Fréderic Gastard a été un relais de la batterie de Jimi Hendrix, créant une stéréo naturelle. Actuellement, le groupe prépare la sortie d'une suite à cet album Lip on fire II qui devrait paraître le 18 avril 2016 avec Emiliano Turi et Guillaume Magne. En attendant, le duo a interprété une chanson revisitée de Jimi Hendrix publiée de façon posthume : "Angel".

Pour Trio Journal Intime, 40 ans après le célèbre guitariste, la personne actuellement la plus importante, et qui manque peut-être à l'exposition, est Marc Ducret, un guitariste proche de la soixantaine qui participe, lors de sa création en 1986, au premier orchestre national de jazz, dirigé par François Jeanneau  http://www.marcducret.com/. Selon le trio, il a établi un pont entre la musique jazz traditionnelle, la musique de chambre et la musique contemporaine. Les musiciens se disent très chanceux d'avoir pu travailler avec lui dans le 3è album, paru en 2013, Extension des feux, dans lequel Frédéric Gastard a composé 3 suites longues de 20-25 minutes. Ils ont invité un autre défricheur de son, Vincent Peirani, un jeune accordéoniste de 35 ans qui fait déjà le tour du monde avec son instrument http://www.vincent-peirani.com/ et avec lequel Frédéric Gastard a déjà travaillé en compagnie de Denis Charolles sur le disque Mélosolex, paru en 2008 http://musicaouir.fr/discographie/melosolex. En 2014, Marc Ducret a "renvoyé la balle" à ses amis avec lesquels il partage "un goût de la forme et de la structure qui laisse respirer l'improvisation, d'une rigueur rythmique qui s'invente en dehors des réflexe et des sentiers battus", en les invitant sur le projet Paysage, avec bruits. Les musiciens ont évoqué les disques importants de Marc Ducret qui a eu l'idée de transposer en musique l'écriture multifocale de Nabokov dans Ada, dans ce disque : Tower-bridge dont il a publié 4 volumes. 11 musiciens ont été mobilisés sur le projet répartis en 3 pupitres nommés "Real-thing", sans compter Marc Ducret lui-même. Il y a 3 trombones et le rôle de la basse est confiée au saxophoniste. Le duo invité a parlé d'une oeuvre "impressionnante de composition" même si le travail de ce musicien est de mélanger écriture et improvisation. Jazz magazine explique que "Marc Ducret marque d'une empreinte essentielle l'histoire de la musique créative européenne" par ce projet.
Avant de se lancer dans une improvisation, une courte pièce très libre, qui, pour le coup, ne faisait pas ressentir l'absence du saxophoniste, le duo s'est permis de préciser aux néophytes que cette pratique supposait des réflexes, des habitudes de jeu et d'écriture, qu'elle était une manière de rebondir dans des situations comme celle-ci.
Parmi les multiples spectacles du trio reprenant leurs précédents albums, entamant aussi de nouvelles créations, "Souffler, c'est jouer!" est un concert que le trio propose depuis plusieurs années à destination des enfants qui suppose des morceaux plus courts que ceux adressés au adultes mais avec la même exigence musicale, comme l'a expliqué Sylvain Bardiau. Il peut s'adresser aux plus grands dans une visée didactique. Il est souvent bien accueilli par le public scolaire à qui les musiciens montrent comment on peut jouer avec la musique, utiliser l'air pour créer des sons, rechercher des expressions nouvelles.
Une question sur le fonctionnement des instruments qui peuvent faire des "bruits bizarres" a donné lieu à un petit cours, précisant notamment que le saxophone était un bois. Si les cuivres et les bois sont tous des instruments à vent dans lesquels le musicien souffle pour mettre l'air en vibration et produire le son, c'est le système d'émission qui distingue les deux familles. Chez les cuivres, ce sont les lèvres qui font vibrer le son, comme le trompettiste en a donné des exemples. "Tout est dans les lèvres, le son est repris ensuite par l'embouchure puis par l'amplificateur".
Le son d'un bois est produit par la vibration d'une anche placée sous le bec http://www.jeanduperrex.ch/Site/Saxophone.html. Chaque son de la trompette possède plusieurs harmoniques (ce qui fait la couleur du son). Ainsi, pour une même note, plusieurs sons peuvent être produits et l'on peut créer des sons inédits. L'échange a alors dérivé sur les possibilités de créer de nouveaux sons. D'ailleurs, Sylvain Bardiau a montré comment on pouvait produire des sons étonnants avec de l'eau. Cette exploration se fait aussi beaucoup au piano. Même si le fait de jouer avec les doigts les cordes de cet instrument risque de créer une oxydation, placer des objets au niveau des cordes, pour les faire vibrer et créer des sons à mi-chemin de la note et du bruit, est une manière d'explorer les potentialités du piano, comme le fait Sophie Agnel http://sophieagnel.free.fr/. On peut faire un concert avec un piano dans lequel on aura introduit des objets (le piano préparé) qui permet une technique de jeu étendue. D'ailleurs, un spectateur a évoqué Marc Vella, prix de composition à Paris en 1985, qui se présente à juste titre comme un pianiste nomade puisqu'avec sa caravane amoureuse, il a parcouru 200 000 kms dans plus de 40 pays "pour célébrer l'humain". http://www.marcvella.com/?l=FR.

Cette soirée, qui s'achevait par un apéritif offert, autour du trio devenu duo était donc une approche originale pour découvrir un groupe de jazz et s'intéresser à ce genre musical. Chacun, initié ou non, pouvait y glaner une multitude d'informations grâce à deux musiciens passionnés par leur art et très accessibles dans leur présentation, engageant facilement l'échange avec la salle, tout en dévoilant la richesse et l'exigence de leur recherche musicale, leur volonté d'explorer sans frein toutes les limites de leurs instruments s'ouvrant ainsi à des collaborations nombreuses et fructueuses avec les grands noms du jazz.
Du fait d'un trio qui n'en était plus un l'espace de quelques jours, les concerts prévus le lendemain et le sur-lendemain, à Thiviers et Périgueux, ont été annulés.

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Texte et photos : Laura Sansot

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