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06/11/2015

LA MAL COIFFEE EN CONCERT A LA COQUILLE

Pour finir l'année, le festival des Guitares Vertes proposait le 26 septembre un concert de la Mal Coiffée,  4 voix de femmes, comme pour contrebalancer une programmation musicale de l'année plutôt très masculine!
Après les remerciements de circonstances, de la part de l'organisateur Thierry Mercier, pour la mairie, le Conseil Départemental, les intermittents et les bénévoles,

Martial Peyrounie, enseignant d'occitan été invité à présenter la soirée. Il a rappelé que la future réforme du collège risquait de faire disparaître l'apprentissage de la langue phare du concert : "alors qu'il y a 10 ans", a-t-il expliqué, "200 élèves environ apprenaient l'occitan, ils sont aujourd'hui 650 à 700 élèves". Et pourtant, "il n'y aura plus d'occitan en 6è l'année prochaine".
Afin de définir le groupe musical invité, Martial Peyrounie a déclaré : "ce ne sont pas des polyphonies, pas un choeur de femmes, ce sont des femmes qui chantent, qui pourraient être nos femmes, nos mères, nos soeurs, nos filles, qui chantent bien, qui chantent des femmes d'hier et d'aujourd'hui grâce à des auteurs contemporains".
Le groupe qui existe depuis 2002, auparavant composé de 6 femmes dont seules 2 sont restées de la formation originelle (Marie Coumes et Myriam Boisserie), semble avoir trouvé sa composition définitive avec les deux premières citées auxquelles se sont jointes Laetitia Dutech et Karine Berny. Il se présente comme un groupe de polyphonies occitanes, d'ailleurs l'objet du premier disque en 2007. Le groupe est originaire du Minervois. L'identité de la Mal Coiffée, explique Marie Coumes, c'est la langue occitane. Pour elle comme les autres, cette langue s'est présentée comme une évidence. Pour Myriam Boisserie, originaire de Bergerac, "elle a forgé les hommes et les femmes qui vivent sur cette terre". "La langue va avec le paysage" qui est "la résonance de la langue". http://www.franceinter.fr/emission-il-existe-un-endroit-la-mal-coiffee-dans-son-decor-pour-le-nadalet-dans-le-minervois 
 De gauche à droite : Marie Coumes, Karine Beny, Myriam Boisserie, Laetitia Dutech
Marie Coumes rappelle que c'est un groupe engagé dans les chansons populaires qui regorgent de personnages dont cette Mal Coiffée choisie pour donner son nom au groupe. Cette femme est "souvent objet à moquerie, elle n'a plus le désir de plaire, elle se laisse aller complètement (...) elle nous attendrit et c'est aussi une manière de dire qu'il y a d'autres manières d'être femme que d'être lisse (...), c'est le côté ébouriffée, à contre-poil". Laetitia Dutech l'expliquait déjà dans l'émission de France Inter en évoquant ce personnage de femme mariée qui ne pense plus à plaire : "on a choisi son nom pour lui rendre hommage, pour lui rendre une place dans la société. C'est pas parce qu'on est bien attifée que l'on a plus de place qu'une autre femme qui donnerait son énergie à autre chose. Elle va à l'encontre des canons de beauté que la société nous impose. La choisir, elle, c'est une manière de s'affirmer, de dire que la beauté est là où on veut la trouver". 

Ces mots semblent dire le côté féministe de ce groupe qui, pourtant, s'en défend, méfiant vis-à-vis de tous les termes en -isme qui sont "une espèce de revendication", déclare Myriam Boisserie. Celle-ci, comme ses complices de scène, aspire davantage à "être juste en harmonie. Je suis femme (...) sensible à l'harmonie entre les hommes et les femmes". Il s'agit de "chercher une voie d'évolution en commun avec les hommes" et de prendre en compte le côté féminin et masculin que l'on a tous en soi. Elle reconnaît "une affirmation de quelque chose mais pas une revendication". Ce quelque chose, il nous a semblé le voir émerger pendant le concert. Ainsi, la première chanson était "La cambra es alandada" (la chambre est grande ouverte) où "une femme se dévêt devant le miroir de l'armoire, elle se trouve encore belle...". Il y a eu cette chanson traditionnelle dans laquelle une aînée donne des conseils avisés à la jeune Marilou sur le dépucelage ou cette autre évoquant la gourmande des plaisirs qu'est la jeune Joaneta dont Marie Coumes, le sourire en coin et l'oeil malicieux, a résumé en français l'histoire avant que le groupe ne la joue ("Joaneta").

On a entendu "Lo Gat" dans laquelle une jeune fille explique à sa mère qu'elle préfère la jeunesse d'un homme à la richesse d'un vieillard. Ce sont des portraits de femmes de tempérament, des femmes libres, pas nécessairement en conflit avec les hommes mais qui veulent vivre leur féminité, l'amour sans carcan et profiter de la vie. Les histoires racontées dans ces chansons sont à l'image de ces femmes, indépendantes et féminines qui reconnaissent la part de séduction de leur art, expriment leur plaisir de chanter ensemble qu'elles savent transmettre au public tant on les sent unies.
Cette union les a conduit à travailler sur les polyphonies, une tradition qui n'existait pas dans la région du Languedoc. Elle ont chanté en occitan, démarche qui leur a paru naturelle sur le territoire où elle vivait. Elle ont ainsi contribué à un renouveau culturel sans volonté de sursaut identitaire pour autant mais en revalorisant la langue délaissée des aînés. C'est donc à la fois un engagement politique, au sens noble du terme, dans lequel elles se sont lancées mais aussi un engagement artistique en allant explorer le riche répertoire occitan, en remettant au goût du jour de vieilles chansons ou en faisant appel à des poètes contemporains. Depuis le début de l'aventure, le groupe est accompagné de Laurent Cavalié qui est un collecteur de chants anciens, arrangeur, qui écrit de la musique sur des textes de poètes occitans. Progressivement, la collaboration avec lui s'est approfondie pour mieux travailler ensemble sur les textes, le rythme, sur une langue occitane qu'elles ont entendue dans l'enfance mais qu'elles n'avait pas vraiment pratiquée, pour finalement créer leur propre "timbre languedocien". Le chant a cappella s'est aussi accompagné progressivement d'instruments artisanaux dont certains viennent d'Afrique : bendir, sagattes (petite cymbales à doigts), brau, tambourin, tammorra. 
Pour leur dernier album, paru en septembre 2014, qu'elles promeuvent dans le cadre d'une tournée qui les a conduit ou les conduira dans tout le grand Sud de la France, la région parisienne, en Bretagne, en Normandie et même en Italie, en Allemagne et au Portugal, elle ont fait appel aux textes de Léon Cordes, "figure du renouveau littéraire occitan", décédé en  1987, et à Jean-Marie Petit (né en 1941), poète languedocien qui leur a fait cadeau de ses 25 derniers courts poèmes donnant naissance à 12 titres pour "l'Embelinaire".

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L'embelinaire, en occitan, c'est le charmeur, le séducteur, celui qui révèle, de façon mystérieuse, presque par magie voire par sorcellerie, l'esprit des lieux dans lesquels on vit, qui révèle les relations des hommes entre eux et avec la nature. C'est ce que ce groupe semble susciter lors de ses concerts : "partout où l'on joue, ça réveille l'identité, ce que l'on est chacun". http://www.franceinter.fr/emission-il-existe-un-endroit-la-mal-coiffee-dans-son-decor-pour-le-nadalet-dans-le-minervois 
Il faut dire que les rythmes sont tellement entraînants, les histoires évoquées tellement malicieuses que, sans être occitaniste, on se laisse séduire par ce choeur de femmes qui perpétue les choeurs antiques. On est charmé par ses musiques si gaies, par cette langue chantante qui claque et qui ont naturellement amené le public à s'embarquer, en fin de concert, dans une farandole dont se sont réjouies leurs inspiratrices.
Celle-ci n'ont pas fini de faire vivre la langue occitane car elles projettent, comme l'a confié Marie Coumes après la prestation du groupe, d'élaborer une longue pièce à partir d'un texte d'Henry Bauchau "Diotime et les lions" qui sera l'objet d'un album prévu pour 2017. Elles ont aussi et déjà présenté leur spectacle de cirque-concert en association avec des circassiennes et danseuses, "Soritat", que l'Odyssée de Périgueux programmera le 27 novembre. Ainsi, pour ceux qui ont raté le concert du 26 septembre, vous pourrez vous faire une idée de leur talent à la fin du mois.
http://www.lamalcoiffee.com/projet/ 
https://www.facebook.com/La-Mal-Coiff%C3%A9e-299540511623/

Texte et photos : Laura Sansot

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