Les 26 et 27 septembre prochains
aura lieu à Bergerac un Alternatiba. Ce terme est apparu lors du
rassemblement de Bayonne le 6 octobre 2013, organisé notamment par le
mouvement Bizi et pas moins de 450 bénévoles. Ce jour-là, 12 000
personnes se sont réunies dans le premier village des alternatives au
changement climatique, quelques jours après la publication du volet I du
5ème rapport du GIEC. Des conférences, ateliers, animations ont eu lieu
pour sensibiliser à l'urgence climatique dans une ambiance festive avec
repas partagés, ambulations artistiques, concerts... En fin
d'après-midi de cette journée qui a fait date par l'ampleur du mouvement
collectif, la veuve de Stéphane Hessel, Christiane Hessel, et Juan
Lopez de Uralde, un militant écologiste espagnol, ancien directeur de
Greenpeace Espagne, ont fait une déclaration solennelle appelant à créer
10, 100, 1000 Alternatiba en France et en Europe en vue de la COP 21.
photo extraite de : https://alternatiba.eu/communaute-alternatiba/sommes/
Parallèlement
à ces villages des alternatives invités à se multiplier, un Tour
Alternatiba a été lancé pour mobiliser des milliers de personnes autour
des vraies alternatives au changement climatique. Il a débuté le 5 juin
de Bayonne et doit rejoindre Paris le 26 septembre, le 1er jour de
l'Alternatiba Bergerac, soit 5000 kms avec des vélos tandem de 3 et 4
places.
photo extraite de : https://alternatiba.eu/tour-alternatiba-cest-quoi/
A l'heure où cet article est publié, plus de 219 000 personnes ont participé à un village Alternatiba ou à une étape du Tour. Rien que pour le mois de septembre, pas moins de 34 Alternatiba sont organisés, sans compter les 104 Alternatiba recensés et déjà réalisés au 24 août 2015.
C'est
dans le cadre de ce vaste mouvement qu'est organisé le village des
alternatives au changement climatique à Bergerac. L'idée a été impulsée
par Ivan Leymarie. Ce jeune homme de 37 ans plein d'énergie, qui est par ailleurs chargé de mission pour la protection du climat au Conseil Départemental, a décidé de
consacrer son année au climat, tellement il se montre "sensible à ce que l'on fait à la Terre". Il sera d'ailleurs présent pour le village mondial des alternatives à Paris lors de la COP21.
Il déclare être revenu "enchanté" de l'Alternatiba de Bordeaux, "un gros évènement"
qui a eu lieu en octobre 2014. Il s'y est rendu, dans le cadre du
collectif "Bergera' quoi en transition" en compagnie d'un autre
bénévole, Philippe, auquel il rend hommage pour son implication et le
soutien qu'il lui apporte depuis le début. Avant l'automne, Ivan avait
déjà travaillé à l'élaboration d'un livret rassemblant quelques bonnes
adresses d'un réseau qu'il essayait de créer en faveur de la transition
en Bergeracois, dont il a fait paraître une première version en décembre
2014. Pour lui, l'enjeu était important dans un secteur géographique au
tissu militant assez réduit. Il compte sur cet évènement pour mobiliser
une population plus jeune sensible à son côté festif. "Bizi
considère qu'Alternatiba renouvelle le militantisme écologique sur la
question climatique. Il est fédérateur chez les jeunes peu attirés par
les partis politiques", rappelle Ivan. Il attire aussi car c'est "un mouvement qui part du bas", d'"un collectif de citoyens".
à gauche, Philippe, à droite, Ivan en train de plier les tracts
Le
11 mars 2015, une première réunion a lieu où Ivan lance l'idée et un
collectif citoyen et associatif commence à se constituer. Toutefois, il
se souvient d'un certain scepticisme au début du projet. Aidé par
Philippe et par le groupe local Attac qui est partant pour programmer
une conférence sur le climat et la transition énergétique à la rentrée
2015 mais aussi par Colibris 24, le groupe prend contact avec la mairie
et obtient un écho favorable. La municipalité semble disposer à prêter
sans contrepartie du matériel qui aurait coûté 8000 euros et à libérer
une partie du centre ville et le port de la circulation pour les deux
jours prévus, le 26 septembre étant la journée nationale de la transition citoyenne.
Suite à la réunion du 22 avril, Bergerac est officiellement inscrite
parmi les territoires préparant leur Alternatiba. La réunion du 29 mai
permet la présentation publique du projet devant une cinquantaine de
personnes et lance l'appel aux bénévoles. Le film sur Alternatiba
Bayonne est projeté.
Le 26 juin, une grande réunion de préparation et de déballage d'idées est organisée. Fort de ces réunions qui ont donné une ampleur au projet et permis aux
militants les plus impliqués de mesurer auprès du public la faisabilité, ceux-ci ont mobilisé les bénévoles et programmé une
réunion de rentrée le 4 septembre où la cohésion du groupe et sa
motivation sont véritablement apparues. Une soixantaine de personnes
dont une vingtaine de membres particulièrement actifs, comme les chiffre
Marion, sont donc en pleine préparation de cet Alternatiba pour lequel
il est attendu un millier de participants. C'est aussi une quarantaine
d'associations qui ont rallié le projet.
photos prises par le groupe Alternatiba 24
L'idée est de contribuer à "réveiller la belle endormie" qu'est la ville de Bergerac, comme l'espère l'un des bénévoles, "que les gens se rencontrent" mais aussi "ne pas rester entre écolos",
créer du lien avec les centres sociaux, par exemple. Le fait d'avoir pu
organiser la manifestation au coeur même de Bergerac (place de la
Mirpe, place Cayla et port) est un moyen d'aller à la rencontre de publics peu sensibilisés
aux questions du changement climatique et des alternatives.
C'est
l'occasion pour Ivan de rappeler que l'on a 15 ans pour gagner la
bataille. Malgré tout, parce qu'une augmentation de la température
mondiale de 2°C est inévitable d'ici 2100, ce sont "les générations futures qui vont trinquer" et "les pays pauvres" qui ont pourtant émis le moins de gaz à effet de serre. Il faut réaliser que "la voiture est devenu un mode de pollution généralisée". Parler de cela, c'est "toucher
aux modes de vie et la plupart des gens ne veulent pas en entendre
parler. Pourtant, ce niveau de confort n'est plus soutenable". "Il y a urgence",
explique le jeune homme, qui reconnaît avoir un discours catastrophiste
mais source, pour lui, de dynamisme. L'évènement sera d'ailleurs aussi
l'occasion d'extérioriser, sous forme cathartique, toutes les
inquiétudes sur les risques climatiques en revêtant des habits de clown
le 26 septembre. Rappeler cette "urgence climatique" et "sensibiliser
le grand public et les élus à la nécessité de baisser rapidement et
radicalement les émissions de gaz à effet de serre" est le premier objectif contenu dans la charte des Alternatiba.
De gauche à droite : Ivan, Catherine, Joëlle, Marion et Philippe
Ivan rappelle que l'on peut éviter d'aller au-delà des 2°C à condition qu'une "mobilisation massive des citoyens" se mette en place. Il faut envisager un mode de vie plus soutenable, moins gaspiller, moins consommer. "Cela ne veut pas dire pour autant que les autres façons de vivre soient désagréables". Organiser un Alternatiba permettra de le démontrer et "nos enfants nous remercieront"
si les choses changent. Chacun a un pouvoir d'action, même si les
lobbies sont puissants. C'est le 2è objectif de la charte : "lutter
contrer l'effet de sidération, le sentiment d'impuissance et donc de
démobilisation que peuvent provoquer la gravité et l'importance du défi
climatique".
Pour
cela, il ne suffit pas de promouvoir des modes de vie durables par les
alternatives matérielles, il faut aussi opérer une révolution intérieure
à laquelle appellent de leurs voeux en particulier deux bénévoles,
Joëlle et Catherine, cette dernière étant membre de Colibris, adepte de
cette approche. Si la plupart des mouvements militants ont échoué, c'est
parce que cette dimension a été évacuée. Ivan reprend une phrase connue
: "se changer pour changer le monde". Joëlle témoigne des
changements qu'a produit en elle cette préparation de l'Alternatiba, des
transformations intérieures engendrées. Pour autant, chacun des
militants reconnaît qu'il n'a pas à juger ceux qui ont des
investissements moindres face à ce combat. C'est le 3è objectif de la
charte : "appeler à mettre en route sans plus attendre la transition sociale, énergétique et écologique nécessaire". Evidemment, le mieux serait que chacun fasse sa part.
Et
la part de ces militants, c'est de relever ce qu'ils considèrent être
encore un véritable défi. D'abord il s'agit de proposer des conférences
et tables rondes pendant les deux jours. Le 26 septembre, elles
concerneront surtout le climat et, le 27, les alternatives en termes
d'agriculture et alimentation, de finance éthique et solidaire, d'eau,
d'éducation et de santé. D'autre part, les associations mobilisées
animeront le 27 un village des alternatives sous forme de stands et des
ateliers autour de thèmes comme l'agriculture et l'alimentation,
l'éco-construction et l'éco-habitat, les villes et territoires en
transition...Il y aura aussi un espace pour les enfants, un atelier
mécanique vélo, un nettoyage des rives de Lalinde, un espace bien-être
et même une gratiféria, un lieu où l'on pourra apporter des objets que
l'on souhaite donner et en prendre gratuitement d'autres. Enfin des
vidéos sont programmées ainsi que des spectacles dont des concerts sur
le port afin de "fêt[er] la transition citoyenne et relev[er] ensemble le défi climatique".
programme mis à jour le 14 septembre
Les bénévoles espèrent que ces deux
jours de réflexion et de moments joyeux partagés amèneront une prise de
conscience. Quant à la manière dont le mouvement essaimera ensuite, ils
préfèrent laisser venir, "faire confiance, "être à l'écoute de ce qui se passera" et "se laisser porter par l'intuition créatrice", une manière de lancer la révolution intérieure dont ce mouvement est porteur. Texte et photos : Laura Sansot
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