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22/09/2015

2è EDITION DE "TOITS D'ETOILES" A LEGUILLAC DE CERCLES

Le dimanche 13 septembre, le café de Léguillac de Cercles proposait la 2è édition de "Toits d'étoiles".

La première édition a eu lieu en 2013 du 4 au 6 octobre et en voici un petit aperçu :


Cette fois-ci, le festival a été regroupé sur une journée au coeur du village, l'idée étant de ne pas focaliser le travail des bénévoles du café sur un gros évènement mais d'essayer de faire vivre le village toute l'année avec différentes animations, explique, Aurore, une des bénévoles du café.  
Pour cette édition, ce sont deux spectacles de rue repérés au festival d'Aurillac qui ont été proposés au public ainsi qu'un spectacle d'un genre un peu particulier : un théâtre d'objets par Tania Magy, déjà présente lors de la première édition.

C'est la compagnie Bougrelas qui démarrait l'après-midi avec son spectacle "Les fillharmonic von strasse". Créée il y a tout juste 20 ans avec la représentation d'Ubu Roi dont elle a pris le nom d'un des personnages, cette compagnie de théâtre professionnelle, originaire de Bordeaux, a réalisé une dizaine de créations dont celle-ci, jouée depuis 2007, qui a connu plus de 200 représentations. 

Le trio, composé d'une Solange (Cécile Maurice), désigné "baryton", du genre cheftaine catho un peu coincée qui veille sur son petit monde (du moins au début), c'est-à-dire une Alexandra, "mezzo", (Aurélie Lopez) un peu simplette et naïve et une Agrippine, "soprane claire" (Aurore Leriche), fougueuse, hargneuse à qui il ne faut pas la raconter,
a décidé de démocratiser la musique auprès d'un public qu'il estime très défavorisé en la matière.
Il est donc prêt à tout pour mener son projet à bien. Evidemment le sérieux s'émousse vite. Si les grandes oeuvres du patrimoine sont convoquées à grand renfort de résumés biographiques et portraits à vocation pédagogiques (Bizet, Mozart, Chopin, Ravel, Beethoven...), celles-ci sont quelque peu détournées de leur version d'origine, des samples, bruitages et autres boucles sonores parsemant les morceaux, et donnent lieu à des interprétations toutes personnelles. On bascule même parfois dans la variété. Le metteur en scène de ce spectacle musical, Christophe Andral, est lui aussi mis à contribution, interprétant Franck, présent avant même l'arrivée des comédiennes, balayant inlassablement la scène,
mettant en place tous les accessoires et dialoguant parfois de façon musclée avec le facétieux régisseur, joué par Mathieu Gil Yaquero,
 
jamais responsable, 
profitant de la moindre occasion pour se mettre en avant.

Durant le spectacle, il poursuit son rôle d'homme à tout faire contribuant à démultiplier l'attention du public, la scène débordant du cadre, comme le sujet principal du spectacle : la musique classique.

Ainsi, les personnages ne pouvant dominer leur nature profonde, ils s'écartent de leur propos et font apparaître une Alexandra un peu nymphomane 
mais sensible aux mots durs d'une Agrippine quant à elle très versée dans l'imitation de nos amis les bêtes, dont celle hilarante du bouledogue,

et une Solange prête à chausser les ballerines et à se lancer dans un grand écart aux conséquences fâcheuses pour promouvoir les valses de Chopin.

La mise en scène est enlevée, on ne s'ennuie pas et on rit beaucoup de toutes les facéties des personnages, de leurs commentaires et digressions. Le mouvement est perpétuel sur scène jusqu'au rideau lui-même qui se fait la malle,
 
au moment du morceau final

découvrant le fourgon que les comédiens s'empressent de regagner, en route vers de nouveaux publics auxquels ils feront découvrir la musique classique de façon tout à fait décalée mais jamais vulgaire.

Avant de proposer un autre spectacle de rue, le festival invitait à retrouver, à l'intérieur du café, Tania Magy dite La Pounie venue de Gelos, dans les Pyrénées-Atlantiques. C'est une gitane de 43 ans qui circule sur les routes depuis l'âge de 25 ans, après avoir été sédentaire pendant son enfance et adolescence dans une famille de commerçants forains.
Elle proposait la visite de sa caravane avec laquelle elle voyage depuis 2004.

Dans ce musée d'art rom, on trouvait une multitude de souvenirs de voyage, cartes postales, oeuvres d'art d'artistes tsiganes, roms, manouches, gitans...Cette caravane est un lieu d'exposition et constitue un outil pour mener des ateliers thématiques notamment avec les enfants. Titulaire d'une thèse sur l'art rom soutenue à La Sorbonne en 2002, elle a donné des cours d'arts plastiques pour l'Education Nationale.
 
 

Le spectacle peu conformiste, "une famille de champions", d'une petite demi-heure, fait suite aux réactions des enfants des écoles de Pau suite aux attentats de Charlie Hebdo et de l'hyper marché Casher. Guidée par la voix enregistrée de la plasticienne, le public découvre l'intérieur de trois caissons très colorés, décorés de nombreux objets, tableaux, marionnettes...
On y parle de Gérard Gartner, sculpteur rom qui a exercé différents métiers comme celui de garde du corps d'André Malraux ou champion de boxe dans les années 1950, de Mona Metbach, première artiste manouche dont les oeuvres évoquent Vincent Van Gogh alors qu'elle en a longtemps ignoré l'existence. A l'issue de la représentation, Tania Magy a déclaré chercher à "valoriser les autres et aimer les belles choses" mais aussi à "défendre les droits des nomades", ce qu'elle fait grâce à l'association "Art' Rom de voyage" qu'elle a créée en 1998 pour promouvoir les arts tsiganes, avec cette caravane et les activités qui lui sont rattachées mais aussi avec ses théâtres d'objets. Il s'agit, pour elle, de lutter contre les discriminations en faisant connaître la culture des Roms et les gens du voyage.
http://artrom.blogspot.fr/

Pour clôturer la journée, dans la cour de l'école du village, était joué le premier spectacle de la compagnie Stiven Cigalle née en décembre 2012 : "Clinty".  Une création de 2013.

Clinty, c'est le nom que le jeune rouleur de mécaniques, sorti tout droit des années 80, s'est attribué : "ça donne de la prestance!" Il faut dire que son vrai nom, Gérard Mulet, "le choix de [s]es parents", a moins de chance d'attirer les filles. Et quoi de mieux pour les séduire que de posséder une Renault Fuego Tuning (voire une 103 SPX, tuning elle aussi, quand on perd son permis)? C'est donc en détail que Clinty, affublé d'un marcel et d'une chaîne en or de rigueur, nous présente sa chère bécane, objet de toutes les attentions et améliorations afin de lui donner toute la puissance qu'elle mérite et par là-même mettre en valeur son propriétaire.

Or, que faut-il pour susciter le regard féminin? Travailler le son, en premier lieu, notamment quand on veut battre le record des watt sur mob. Fort de son équipement acoustique, la mob attirera la gent féminine (2è regard) et, comme dit Clinty, "le 3è regard, il est pour moi. C'est ce qu'on appelle la classe!". CQFD.
Si un véhicule motorisé, que l'on saura utiliser habilement pour mettre en avant sa musculature, peut être utile dans la rue, à condition de pouvoir le garer juste en face des "tourterelles", il s'avère de faible utilité en discothèque. En outre, personne n'est pas à l'abri de séduire celle qu'il ne faut pas, engendrant des mois de prison qui auront toutefois l'avantage inattendu de développer le côté féminin du fameux loulou, prétexte à quelques démonstrations de jonglage.
 
 
Tout à fait sûr de lui, Clinty s'attelle donc à donner quelques leçons de drague aux spectateurs amusés. Toutefois, Clinty, qui aime être pris au sérieux malgré tout, ne cède pas aux moqueries et la jeune femme du public désignée pour prendre une pose sensuelle sur l'engin motorisé, comprendra qui est le patron!
On se rie de ce personnage clownesque qui vit dans un monde "étriqué" mais illustre de façon universelle le "décalage entre ce que l'on est et ce que l'on cherche à montrer de soi". Tout le spectacle décline cette réalité bien humaine grâce à un circassien et comédien, Vincent Forestier, originaire de Nantes, jongleur émérite depuis 1997, formé au théâtre à Cholet. Celui-ci nous présente, avec un regard touchant, un personnage pathétique, concentré sur des futilités, mais drôle malgré lui et qui, pourtant, nous renvoie profondément à nous-mêmes.

Texte et photos : Laura Sansot

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