Le 11 juin en fin d'après-midi, le Caf'etcetera proposait un vernissage des photos prises par Karine Mery. Cette éco-architecte a fondé l'association Asso Kokua en 2009 et travaille avec Yannick Bourinet, éco-bâtisseur, au sein de l'Atelier4feuilles à St Félix de Villadeix, après avoir vécu une quinzaine d'années en Amérique Latine où elle s'est formée à la construction écologique d'habitats populaires notamment suite à des catastrophes naturelles.
C'est une cohabitation passée avec une Hawaïenne qui lui a donné l'idée de reprendre le terme qui, dans sa langue, signifie et englobe le concept de "donner, partager et aider généreusement les autres". L'association s'intéresse à la construction de bâtiments et la conception d'espaces extérieurs considérés comme parties intégrantes du projet d'habitat.
Cette association "a pour but de diffuser des connaissances et des techniques pour construire ensemble un environnement de vie sain et durable". Les connaissances mises à disposition sont variées : architecture, maçonnerie utilisant exclusivement des matériaux naturels, maîtrise des énergies renouvelables, agroécologie. Parmi ses diverses activités, elle propose des ateliers de formation à l'étranger pour les communautés locales, notamment dans les pays où les gouvernements laissent à la charge des populations la gestion des énergies et des déchets domestiques, mais aussi de l'assistante technique sur place ou à distance et des stages internationaux. Elle accompagne par exemple la réalisation de charpentes en bois, d'enduits terre et chaux, des toilettes sèches, de fours solaires, de poêles à inertie, de cuiseurs bois.
C'est ainsi que depuis sa création, l'association est intervenue au Guatemala, en 2010, pour de la permaculture et de l'éco-construction et l'aménagement d'un jardin urbain. Elle est revenue dans ce pays en 2011 pour participer au projet de reconstruction du siège d'une association locale, puis en 2012 pour la construction d'une terrasse couverte en bois. Une formation a été dispensée en 2012 et 2013 auprès de 2 communautés du Honduras pour les guider vers la voie de l'autonomie alimentaire en les initiant à la permaculture. En 2013, le Guatemala faisait à nouveau appel à elle pour construire une éco-maison.
Karine Mery
C'est le projet de 2014 que Karine Mery a présenté lors de cette soirée à Lalinde. Cette fois, c'est sur le continent asiatique que l'Asso Kokua s'est déplacée de mars à mai 2014. Un de leurs amis proches, installé en Birmanie, ayant lui-même participé à la réalisation d'une bibliothèque dans un monastère, a fait le constat d'une hygiène limitée dans la cantine de cet établissement religieux qui accueillait environ 800 enfants : des futurs moines (des moinillons) mais aussi des enfants dans un orphelinat dont le sens est différent de celui qu'il a en France puisque, la plupart du temps, les parents sont en vie. Le moine principal, U Tu Wa Na, a fait le choix de proposer à ces familles pauvres de recueillir leurs enfants pour les sortir de la culture de l'opium soutenue par un gouvernement qui en tire grand profit et dont les champs couvrent la région dans des zones interdites aux touristes.
La présentation de ce projet s'est faite sous forme de diaporama commenté. Des cartes de la Birmanie l'ont inaugurée dont une pour situer l'emplacement du monastère Pha Yar Taung, implanté sur une presqu'ile du lac Sankar, à 3h de bateau du lac très touristique Inle.
Karine Mery a montré des photos de l'ancienne cuisine construite avec des tôles où les aliments étaient cuits dans de grandes gamelles, parfois à même le sol.
Karine Mery a montré des photos de l'ancienne cuisine construite avec des tôles où les aliments étaient cuits dans de grandes gamelles, parfois à même le sol.
photo extraite de : http://www.assockokua.org/2014-p856324
La conception a été faite par le moine principal, un homme d'une soixantaine d'années, animé d'une forte détermination dans la conduite de ses projets.
Dans un premier temps, il s'est agi d'identifier le matériel et les
matériaux présents sur place. Pour cela, l'association a travaillé avec
les étudiants qui ne partaient pas en vacances, période durant laquelle
le chantier s'est tenu. Des essais ont été faits. Un système de torchis avec du bambou et de la terre a été réalisé. La jeune femme a expliqué que la terre, pourtant d'un coût très réduit, était peu utilisée en Birmanie alors qu'elle constituait, par ses propriétés thermophysiques, un excellent régulateur hygrothermique et hygrométrique. En revanche, la population faisait facilement usage du bois et du bambou.
Projection d'une photo prise par Karine Méry
Le lieu a ensuite été nettoyé et des parpaings faits dans le village même ont été assemblés.
photo extraite de : http://www.assockokua.org/2014-p856324
Pour monter la structure en bois, l'association a fait appel à des charpentiers locaux, se déplaçant comme des funambules sur cette solide armature.
photo extraite de : http://www.assockokua.org/2014-p856324
Plusieurs techniques de construction des murs ont été présentées aux travailleurs locaux afin qu'ils puissent les reproduire facilement sur d'autres chantiers, comme des mélanges de terre et de bambous tressés. L'architecte a montré au public des photos de mélanges de paille, terre badigeonnés de chaux ou associés avec du sable et des écorces de riz.
photo extraite de : http://www.assockokua.org/2014-p856324
Dans la cuisine même, l'association a montré comment confectionner des rocket stove, de petits poêles qui permettent de cuisiner et de faire chauffer de l'eau avec très peu de bois, même si le monastère en possédait en bonne quantité.
La construction a été perturbée par une saison des pluies arrivée un peu précocement qui a contraint à installer des bâches.
photo extraite de : http://www.outils-autonomie.fr/rocket-stove/
A l'extérieur, un système de pédo et de phyto-épuration a été créé mais aussi une zone de compostage sous forme de cabane ainsi qu'un lieu de tri des déchets. Des bassins filtrants ont été réalisés grâce à des plantes aquatiques trouvées dans le lac à proximité. "La zone d'infiltration des eaux grises a permis la création d'un jardin potager et paysager". Karine Méry a expliqué qu'en Birmanie, il n'y avait pas de liquide vaisselle remplacé par un détergent puissant servant aussi bien à la vaisselle qu'à la lessive. L'association a donc facilité la mise en place d'ateliers de production de lessive naturelle à base de cendres.
photo extraite de : http://www.assockokua.org/2014-p856324
Le travail a finalement été effectué en 2 mois, freiné par les fêtes locales comme la fête de l'eau et celle des 1000 bouddhas mais propices à des moments de convivialité et de chaleur humaine.La suite de la soirée s'est poursuivie par la projection de nombreuses photos sur la Birmanie, pays le plus bouddhiste du monde, marqué par la figure d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, aujourd'hui conseillère spéciale de l'Etat et porte-parole de la présidence. Pêle-mêle, on a découvert le monastère, le banian, un arbre local, la fête d'intronisation des moines, appris que la Birmanie était vraiment le pays des tongs, que l'arbre à tanaka produisait une poudre qui mélangée à de l'eau formait une pâte jaunâtre que l'on mettait sur le visage (connue pour ses vertus protectrices et curatives). Le magnifique lac Inle, objet de plusieurs photos, était l'occasion d'évoquer l'impact négatif du tourisme sur cet environnement jusque-là préservé, notamment au niveau des berges envahies par des hôtels internationaux.
L'année dernière, l'Asso Kokua a organisé un chantier-formation dans une ferme de Turquie. Quant au futur, Karine Méry a confié qu'elle envisageait de repartir en Birmanie cette fois dans un village au bord de la mer pour un nouveau projet d'éco-construction.
Pour achever la soirée, la trentaine de personnes présentes pouvaient déguster les petits mets salés préparés pour l'occasion et regarder les photos installées sur les murs du café.
Texte et photos (sauf mention contraire) : Laura Sansot
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