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12/06/2016

DEBAT PUBLIC AU FESTOLERANCE : COUT DU CAPITAL ET PARTAGE DES RICHESSES

La CGT jeunes cheminots organisait à Périgueux, le 28 mai dernier, pour la 12è année, son Festolérance, une fête annuelle initiée par 3 copains partis à l'époque faire la fête avec les syndiqués d'EDF Energie au Verdon et qui s'étaient imaginés qu'eux aussi pourraient en faire autant, a expliqué Julien Courty, un des organisateurs. Dans les premiers temps assez confidentielle, la fête rassemblait désormais, chaque année, entre 200 et 400 personnes en fonction de la météo.

Traditionnellement, un débat public était proposé avant de laisser place aux concerts. Cette année, le thème était le suivant : "Le coût du capital et la redistribution des richesses".
Jérôme Jean, secrétaire adjoint de la CGT-Cheminot de Périgueux est intervenu le premier avec beaucoup de véhémence pour dénoncer l'"orgie financière", reprenant les propos de Céline Simon, responsable régionale de la CGT cheminots Aquitaine. Il a montré qu'il était nécessaire, plutôt que de parler du coût du travail salarié, de parler du coût du capital. Celui-ci était accaparé par une infime minorité érigeant la corruption en système de domination et masquant la fraude fiscale par le terme d'optimisation fiscale. La dette était l'argument de l'oligarchie pour faire accepter austérité et régression dans tous les domaines. Plusieurs chiffres étaient mis en avant pour prendre la mesure du phénomène. Aux Iles Caïmans, 600 banques étaient enregistrées pour moins de 40 000 habitants. La commission européenne évaluait à 2000 milliards d'euros, soit l'équivalent du PIB de la France, le montant annuel de la fraude fiscale dans l'Union Européenne. Il était estimé à 80 milliards d'euros par an en France. Les avoirs dans les paradis fiscaux représentaient entre 20 000 et 30 000 milliards d'euros. Il était urgent d'organiser la transparence sur les mouvements de capitaux.
 Jérôme Jean
Le secrétaire régional de la CGT Cheminots, David Villegas, prenait ensuite la parole. Il fallait inverser la tendance qui faisait que 1% des individus détenait ce que possédaient 46%. Il a rappelé que la SNCF appartenait à la Nation. Or, elle avait 50 milliards d'euros de dette et cela coûtait donc aux citoyens et salariés. Il a plaidé pour un retour au commun. Au delà de cet endettement, il manquait 3 milliards d'euros par an pour équilibrer les comptes de l'entreprise parmi lesquels 1,7 milliards constituaient les intérêts de la dette qui allaient directement dans les poches de ce 1%. Le capital avait donc un poids tangible et pesait sur l'émancipation tandis que le réseau ferroviaire continuait de se détériorer.
 
 David Villegas
Un salarié des ateliers SNCF de Périgueux confirmait que la loi Travail, si elle se mettait en place, aurait des effets sur le coût du salariat puisqu'elle dégraderait les conditions de vie : le coût du capital se poserait en termes de santé. Un ancien facteur CGT s'est insurgé contre le dumping social généralisé alors que le travail pressuré rapportait au capital. On cassait le système de la Poste, le courrier parcourant des distances insensées du fait de suppressions de centres de tri.
Le secrétaire à la qualité de vie syndicale à la CGT 24, Matthieu Le Roch, a comparé le temps de travail nécessaire pour payer les dividendes, soit une partie du coût du capital : il fallait 10 jours il y a 30 ans tandis que 45 jours étaient requis aujourd'hui. Le projet de loi Travail s'inscrivait dans cette tendance. Il est donc revenu sur les éléments principaux de cette loi qui faisait entrer les salariés dans une logique de régression, les accords de branche ou d'entreprise prévalant sur la loi, même s'ils étaient défavorables aux salariés. Si les 35h n'étaient pas remises en cause frontalement, elles l'étaient en jouant sur les heures supplémentaires payées au rabais et décomptées sur 3 ans. Le temps de travail était augmenté et le temps de repos fractionnable tandis que les congés pouvaient être remis en question au dernier moment. Les accords d'entreprise devaient être majoritaires mais s'ils ne l'étaient pas, les syndicats minoritaires pouvaient avoir recours au référendum. Les licenciements étaient facilités quand avait lieu une baisse du chiffre d'affaire ou du niveau de commandes pendant quelques mois. La visite médicale auparavant obligatoire ne l'était plus.
Corinne Rey et Matthieu Le Roch
Corinne Rey, nouvellement élue secrétaire départementale, a affirmé que cette loi n'était pas une fatalité, qu'elle n'était ni amendable ni négociable. Elle est revenue que la question de la rémunération qui se composait de deux parties : le salaire net ainsi que les cotisations (que la patronat appelle charges) salariales et patronales. Il y avait double vol quand les patrons ne payaient pas les cotisations et quand l'Etat compensait en ayant recours aux impôts.
Corinne Rey
Ce constat n'a pas manqué de susciter des réactions. Une personne se demandait comment mobiliser et informer le grand public, ce à quoi une femme a suggéré de développer l'éducation ouvrière. Les journées de formation syndicale de premier niveau à la CGT abordaient la question du coût du capital dès le 2è jour.
Stéphane Medout, de la CGT Finances Publiques de Dordogne, a axé son propos sur l'accès à l'information. Les mécanismes de la mondialisation étaient présentés comme complexes, ne pouvant pas être compris par les citoyens alors que les choses étaient simples. La fiscalité ne cessait d'augmenter pour les particuliers alors qu'elle baissait pour les grosses entreprises. Les députés PS complices étaient prêts à s'opposer en pleine nuit à un amendement censé favoriser la transparence des comptes des entreprises. Le CICE prétendûment créé pour favoriser l'emploi n'était l'objet d'aucun bilan véritable tandis que le délai de 30 jours était imposé aux entreprises pour mieux satisfaire les actionnaires.
 
 Stéphane Medout
Un conducteur de train a montré que, dans ce contexte, la lutte des classes était éminemment d'actualité. 70% des Français en étaient convaincus et le patronat l'était aussi l'utilisant à son seul avantage. Si le syndicalisme avait pour vocation l'amélioration des conditions de vie et de travail, il visait aussi la transformation sociale. La question était de savoir comment mettre en oeuvre ce second objectif face à un capital offensif. Il a évoqué la nécessaire rupture avec le salariat, une société sans classe, une réelle égalité économique et sociale pour que l'ensemble des individus puissent vivre décemment.
Un élu communiste et cheminot, ainsi qu'il s'est présenté, a confronté la fraude fiscale aux difficultés qu'il affrontait dans sa commune pour équilibrer les dépenses. Quant au déficit de la SNCF, il pourrait être largement comblé si la fraude fiscale n'existait pas dans ce pays. En attendant, malgré la suppression des trains, des emplois, des prix de billets prohibitifs, la dette augmentait. L'Etat avait sa part de responsabilité et il était d'autant plus important que les salariés jouent leur rôle dans les conseils d'administration et conseils d'établissement. Si la loi Travail avait été en vigueur, les 35h n'auraient jamais pu être instaurées. Les batailles avaient permis que les contractuels bénéficient du statut d'entreprise.
Corinne Rey a repris le micro pour expliquer que l'on était à la croisée des chemins, que le combat était rude quand 80% des média étaient détenus par des capitalistes. Il fallait allier culture, débat politique et débat syndical. Tous les mouvements se nourrissaient et, avec Nuit Debout, l'espace public avait été réinvesti. Le syndicat souhaitait travailler avec tous les salariés et le gouvernement ne s'y trompait pas, accusant la CGT de tous les maux, comme d'être à l'origine des violences policières. Pourtant, 70% des Français rejetaient cette loi et 62% étaient d'accord avec les actions de la CGT. On accusait celle-ci de ne pas être représentative avec 700 000 adhérents, score pourtant sans comparaison avec celui des adhérents des partis politiques. Quant aux gouvernants, leur élection ne prenait pas en compte la forte abstention. En revanche, aux élections professionnelles, 70% des salariés se déplaçaient. Reprenant la devise républicaine, Corinne Rey constatait que l'on répondait à la liberté par l'état d'urgence, à l'égalité en opposant les Français entre eux, à la fraternité en faisant en sorte que les Français se tapent dessus. "La CGT mène un combat légitime et digne" a-t-elle déclaré. Il y avait des adhésions tous les jours. Les chiffres des manifestations masquaient ceux qui prenaient des congés pour faire grève, ceux qui les soutenaient sans la faire. Il fallait que la lutte continue.
L'animateur du débat a rappelé que la France avait prôné le syndicalisme de choix supposant une conscience de classe et une résistance face à la peur du patron tandis que d'autres pays en Europe avaient un autre rapport : se syndiquer permettait de toucher le chômage et les avantages d'une grève revenaient uniquement à ceux qui l'avaient faite.
Un retraité CGT a insisté sur les conséquences sanitaires des politiques menées par le capital. Un tiers de la population hésitait à se soigner du fait des déremboursements croissants et d'une absence de mutuelle pour raisons financières. Depuis le 1er janvier 2016, selon la loi ANI, une couverture complémentaire santé collective obligatoire devait être proposée par l'employeur du secteur privé à tous les salariés, qui remettait en question la liberté de choix de mutuelle. La SNCF n'était pas concernée par cette disposition.
La question de l'investissement de cette entreprise a été abordée. Elle était à la tête de plusieurs centaines de filiales à travers le monde. Ainsi, elle avait investi dans des services de bus en France (4,5 millions avaient été nécessaires pour prendre une part majoritaire dans OuiCar), en Australie...
 
Corinne Rey a conclu le débat en considérant que la lutte ne pouvait pas se faire par délégation : "on ne peut pas espérer que les autres se battent à notre place, on ne gagnera pas sans l'extension de la lutte". Elle rappelait le calendrier des actions jusqu'au 14 juin, date de la grande manifestation parisienne, avant de déclarer : "Camarades, on a raison et on va gagner".
Le débat s'achevait et laissait place aux concerts dont nous vous parlerons dans un prochain article.

Pour suivre l'actualité du groupe CGT cheminots de Périgueux, voici le lien : https://www.facebook.com/cgtcheminots.perigeux/?fref=ts

Texte et photos : Laura Sansot

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