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21/11/2016

LES DEUX ISABELLE A L'ASSAUT DE LA GRANDE GUERRE : LA DER DES DERS TITRE PROVISOIRE!

La veille du 11 novembre, Isabelle Gazonnois et Isabelle Loiseau présentaient leur spectacle, produit par la compagnie Piano Pluriel, La der des ders titre provisoire à la salle des fêtes de Saint Rabier, un lieu qu'elles affectionnent puisqu'elles s'y sont déjà produits sept fois avant cette date. Un spectacle qui, à travers des textes et des chansons, rend hommage aux combattants de la Grande Guerre, à tous ceux qui ont souffert durant ce conflit mais aussi aux auteurs des textes et des chansons choisis. Créé en décembre 2015, il était donc présenté pour la toute première fois en pleine commémoration de l'armistice.

Comédienne ayant travaillé notamment avec Ariane Mnouchkine et chanteuse, installée en Dordogne depuis 2003, Isabelle Gazonnois s'associe depuis 2007 avec une pianiste, Isabelle Loiseau, spécialiste de l'accompagnement et du chant qui ne cache pas son goût pour le théâtre. Toutes les deux ont monté plusieurs spectacles mêlant théâtre et musique, à commencer par une première collaboration avec "Les belles excentriques".
L'action de La der des ders se déroule dans un cabaret parisien L'oiseau de paradis, promis à la démolition. Deux habituées évoquent leurs souvenirs d'artistes dans ce lieu, leurs amours durant la guerre 14-18, prétexte à une évocation plus générale et un brin chronologique de ces temps troublés. La petite histoire qui rejoint la grande.
A l'origine, ce spectacle était une commande de chansons de guerre mais leurs recherches documentaires ne les ont guère inspirées. Pauvreté de la musique, aspect militariste et patriotique de textes datés, expliquent-elles, les ont rebutées. Elles ont préféré, avec la metteure en scène, Myriam Anzecot, formée, comme Isabelle Gazonnois, au Théâtre du Soleil, mettre en scène des textes de Blaise Cendras, Céline, Remarque mais aussi de Colette, Giono, Genevoix, Proust, Dorgelès et redonner vie à des chansons sur ou de cette époque : facétieuses comme Veuve de guerre écrite par Marcel Cuvelier, exotiques comme La petite tonkinoise chantée a capella, moqueuse comme La guerre de 14-18 de Brassens ou très graves, anti-militaristes comme la magnifique chanson de Craonne (interdite par le commandement militaire qui menaçait de peloton toute personne prise en train de la chanter) superbement interprétée par Isabelle Gazonnois.
Dans le spectacle, on entend aussi la chanteuse dire, pour mieux faire résonner le texte, la chanson de Montéhus de 1923 La butte rouge. Quand un soldat, une chanson de Francis Lemarque, est la parfaite illustration de cette guerre où les hommes sont partis le 2 août 1914 la "fleur au fusil tambour battant", pensant que ce conflit n'allait pas durer alors qu'il fût une véritable boucherie avec 18,5 millions de morts. Seulement 1,4 millions seront honorés sur les monuments aux morts, comme l'indique le spectacle qui donne quelques chiffres pour montrer l'ampleur du gâchis. En hommage, une liste d'hommes célèbres décédés est lue par Isabelle Gazonnois (Charles Péguy, Guillaume Apollinaire, celui qui écrivait "Ah Dieu, que la guerre est jolie"...) à laquelle succèdent des noms d'inconnus. 
La chanteuse retrouve la lettre qui lui annonce la mort de son amant qu'elle lit avec beaucoup d'émotion. Accompagnée au piano, Isabelle Gazonnois dit le célèbre poème d'Arthur Rimbaud, Le dormeur du Val.
Le spectacle réussit le pari de retracer, d'une manière très sensible, la Grande Guerre. La profondeur des textes, les mélodies en disent plus long que de grandes conférences pour décrire l'horreur de la guerre et la méprise du peuple : "on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels" (Anatole France). Parce que cette guerre était loin d'être la dernière, "titre provisoire", précise-t-on, textes et musiques plaident surtout en faveur de la paix.
Les deux artistes, la comédienne se faisant chanteuse, la pianiste se faisant comédienne, parviennent à nous faire rire et à nous émouvoir et font entendre aussi bien les pauvres paysans du Sud Ouest que les grands écrivains. Amoureuses du déguisement, espiègles à la moindre occasion, elles se mettent en scène, en particulier Isabelle Gazennois, en adoptant des habits de troufion
comme de veuve éplorée ou s'entourant d'un drap pour faire revivre un défilé de mode.
Tous ces éléments donnent un rythme au spectacle qui évite ainsi de plonger dans le pathos, tout en dénonçant la tragédie de la Guerre jamais achevée. Des femmes, enfin, pour accomplir ce devoir de mémoire et mieux représenter l'absence de ceux qui ont combattu dans l'un des pires conflits de notre Histoire.

Le spectacle se déroulait dans la salle des fêtes du village où étaient exposées des reproductions de dessins d'Albert Copieux, prêtées par les archives municipales de Brive.
 

Texte et photos : Laura Sansot

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