Jacques Bertin ouvrait à Bergerac le 17è printemps des poètes, grâce à l'action de l'association Arcalia qui contribue à cette manifestation pour la 4è année.
Inviter cet artiste n'était pas sans lien avec le thème de cette année, l'insurrection poétique.
Fait de langue, la poésie est aussi, et peut-être d'abord, « une
manière d'être, d'habiter, de s'habiter » comme le disait Georges
Perros.
Parole levée, vent debout ou chant intérieur, elle manifeste dans la cité une objection radicale et obstinée à tout ce qui diminue l'homme, elle oppose aux vains prestiges du paraître, de l'avoir et du pouvoir, le voeu d'une vie intense et insoumise. Elle est une insurrection de la conscience contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite et décourage. Même rebelle, son principe, disait Julien Gracq, est le « sentiment du oui ». Elle invite à prendre feu.
Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes
Parole levée, vent debout ou chant intérieur, elle manifeste dans la cité une objection radicale et obstinée à tout ce qui diminue l'homme, elle oppose aux vains prestiges du paraître, de l'avoir et du pouvoir, le voeu d'une vie intense et insoumise. Elle est une insurrection de la conscience contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite et décourage. Même rebelle, son principe, disait Julien Gracq, est le « sentiment du oui ». Elle invite à prendre feu.
Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes
En effet, si cet homme de 68 ans est peu connu du grand public, notamment jeune, c'est qu'il n'a pas choisi la facilité et n'a pas surfé sur la vague des yéyés, de la variété de l'époque de sa jeunesse. Tout en se formant dans la prestigieuse école de journalisme de Lille, métier qu'il n'a pas abandonné puisqu'il a, en particulier, été rédacteur en chef des pages culture du journal Politis (1989-2000) et l'auteur de chroniques, il s'est intéressé à la chanson et a sorti son premier disque à 21 ans, Corentin, qui lui a valu son premier Grand prix du disque de l'Académie Charles Cros. Il l'obtiendra une seconde fois en 1983 pour son disque Changement de propriétaire. Depuis ses débuts, il a sorti une vingtaine d'albums. Il a aussi écrit des romans, un livre sur Félix Leclerc, des recueils de poèmes, réalisé un film sur le poète René Guy Cadou mort à 31 ans en 1951, un autre sur Jean Dufour, cet ajusteur de la SNCF devenu un des impresarios les plus réputés de Paris.
Le 7 mars au Rocksane, c'est pour ses talents de poète et chanteur qu'il était convié afin de célébrer l'insurrection poétique grâce à des textes qui mêlent, en effet, poésie et politique. Pour introduire ce thème, Jacques Bertin a choisi de lire un texte de Lawrence Ferlinghetti, un poète américain de San Francisco, de 95 ans, qui a publié en 2007 un livre Poésie, art de l'insurrection. Il commence ainsi :
"Je te fais signe à travers les flammes.
Le Pôle Nord a changé de place.
La Destinée Manifeste n'est plus manifeste.
La civilisation s'autodétruit.
Némésis frappe à la porte.
À quoi bon des poètes dans une pareille époque?
À quoi sert la poésie ?
L'imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !
Si tu te veux poète, crée des oeuvres capables de relever les défis d'une apocalypse, et s'il le faut, prends des accents apocalyptiques".
"Je te fais signe à travers les flammes.
Le Pôle Nord a changé de place.
La Destinée Manifeste n'est plus manifeste.
La civilisation s'autodétruit.
Némésis frappe à la porte.
À quoi bon des poètes dans une pareille époque?
À quoi sert la poésie ?
L'imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !
Si tu te veux poète, crée des oeuvres capables de relever les défis d'une apocalypse, et s'il le faut, prends des accents apocalyptiques".
Entrée du Rocksane |
Devant un public relativement âgé mais fidèle depuis des années, dans un décor d'une grande sobriété, il a chanté, accompagné de sa guitare, avec cette voix magnifique, toujours aussi jeune et chaleureuse. S'il a oublié certains textes, on ne lui en veut pas, tant ils étaient nombreux ceux qu'il nous a donné à entendre de sa propre composition ou de celle d'auteurs qu'il affectionne particulièrement.
Ainsi, le 17è printemps des poètes mettait à l'honneur cette année Luc Bérimont, à l'occasion du centenaire de sa naissance (1915), lui qui a fait partie du cercle poétique de Rochefort, suite à sa rencontre avec son fondateur Jean Bouhier. Jacques Bertin a chanté Noël de cet auteur avec un remarquable final sifflé, comme on en a rarement entendu, qualifié d'"obligatoire" dans une note de la partition de Léo Ferré, nous a expliqué son interprète. Une autre chanson interprétée par Ferré et créée par Jacques Douai : L'étang chimérique. On a écouté un texte de René Guy Cadou, La fleur rouge, en bis, entendu un hommage à un ami de 40 ans, Jean Vasca dans "Amis, soyez toujours ces veilleuses qui tremblent..." en souvenir de la bande des cinq que Jacques Bertin formait avec lui et 3 autres amis (Jean Max Brua, Jean-Luc Juvin, Gilles Elbaz). Il a chanté un texte d'un ami, Claude Semal, auteur-compositeur-interprète belge, La ballade du passant, écrite il y a 30 ans mais aussi une chanson interprétée en d'autres temps par Yves Montand, écrite par Albert Vidalie sur une composition de Stéphane Golmann, Actualités. Aragon, et son Maintenant que la jeunesse mis en musique par Lino Léonardi, n'était pas oublié.
Des textes de sa composition : un bel hommage à la fidélité ("Nous avons été fidèles et nous avons vécus ardemment"), aux Curés rouges dont il dit qu'il "n’y a pas de Christ à part vous, sur la terre!", un autre hommage au passé (Le passé?) avec ce point d'interrogation dont on se dit que ce passé n'est pas si éloigné de notre présent quand il chante "pourquoi donc croyez-vous que nous aurions si longtemps voyagé sans autre espérance que l'espérance". Dans La fin des errances, il évoque cette maison à construire comme un refuge mais où il ne veut pas s'enfermer car "je veux continuer à courir" chante-t-il. Dans Que faire?, Jacques Bertin, par une énumération à la Prévert, évoque toutes les aspirations des hommes "brûler à des causes, courir en avant (...) ouvrir une route...", mais aussi leurs faiblesses "nier le problème", "tricher sur les dates". Quand il répète plusieurs fois "ramener" ou "rallumer" ou "réhabiter l'homme" ou a cette phrase "l'homme est dans nos mains", on se dit que les chansons de Bertin croient encore en cette humanité que l'on retrouve aussi dans Comme un pays.
Depuis ses débuts, l'artiste ne semble avoir fait aucun compromis, fidèle à ses valeurs, à ses amis, au passé, aux humbles et aux résistants, à sa foi dans l'homme. Et c'est peut-être là que se situe l'insurrection poétique : croire en l'humanité dans un monde qui n'y croit plus.
Texte et photos : Laura Sansot
Ainsi, le 17è printemps des poètes mettait à l'honneur cette année Luc Bérimont, à l'occasion du centenaire de sa naissance (1915), lui qui a fait partie du cercle poétique de Rochefort, suite à sa rencontre avec son fondateur Jean Bouhier. Jacques Bertin a chanté Noël de cet auteur avec un remarquable final sifflé, comme on en a rarement entendu, qualifié d'"obligatoire" dans une note de la partition de Léo Ferré, nous a expliqué son interprète. Une autre chanson interprétée par Ferré et créée par Jacques Douai : L'étang chimérique. On a écouté un texte de René Guy Cadou, La fleur rouge, en bis, entendu un hommage à un ami de 40 ans, Jean Vasca dans "Amis, soyez toujours ces veilleuses qui tremblent..." en souvenir de la bande des cinq que Jacques Bertin formait avec lui et 3 autres amis (Jean Max Brua, Jean-Luc Juvin, Gilles Elbaz). Il a chanté un texte d'un ami, Claude Semal, auteur-compositeur-interprète belge, La ballade du passant, écrite il y a 30 ans mais aussi une chanson interprétée en d'autres temps par Yves Montand, écrite par Albert Vidalie sur une composition de Stéphane Golmann, Actualités. Aragon, et son Maintenant que la jeunesse mis en musique par Lino Léonardi, n'était pas oublié.
Des textes de sa composition : un bel hommage à la fidélité ("Nous avons été fidèles et nous avons vécus ardemment"), aux Curés rouges dont il dit qu'il "n’y a pas de Christ à part vous, sur la terre!", un autre hommage au passé (Le passé?) avec ce point d'interrogation dont on se dit que ce passé n'est pas si éloigné de notre présent quand il chante "pourquoi donc croyez-vous que nous aurions si longtemps voyagé sans autre espérance que l'espérance". Dans La fin des errances, il évoque cette maison à construire comme un refuge mais où il ne veut pas s'enfermer car "je veux continuer à courir" chante-t-il. Dans Que faire?, Jacques Bertin, par une énumération à la Prévert, évoque toutes les aspirations des hommes "brûler à des causes, courir en avant (...) ouvrir une route...", mais aussi leurs faiblesses "nier le problème", "tricher sur les dates". Quand il répète plusieurs fois "ramener" ou "rallumer" ou "réhabiter l'homme" ou a cette phrase "l'homme est dans nos mains", on se dit que les chansons de Bertin croient encore en cette humanité que l'on retrouve aussi dans Comme un pays.
Depuis ses débuts, l'artiste ne semble avoir fait aucun compromis, fidèle à ses valeurs, à ses amis, au passé, aux humbles et aux résistants, à sa foi dans l'homme. Et c'est peut-être là que se situe l'insurrection poétique : croire en l'humanité dans un monde qui n'y croit plus.
Texte et photos : Laura Sansot
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