Parce qu’il n’y a pas d’art sans engagement
Parce que les Arts disent que d’autres mondes sont possibles
Parce que des femmes et des hommes tentent de les construire
Parce que les Arts nous affranchissent des frontières et de l’enfermement
Parce que la Dordogne fourmille d’actions et de projets politiques alternatifs
Parce qu’aucun blog ne recense ce foisonnement d’activités militantes, politiques, artistiques et culturelles différentes,
Nous vous proposons Art Péri’Cité :
des agendas et des reportages sur les diverses manifestations ou activités

15/09/2016

RENCONTRE AVEC LA CO-PRESIDENTE DU CAFE PLUCHE, SOPHIE ANQUETIL

L'idée de créer le Café Pluche est née au cours de l'été 2014. Un groupe de citoyens du Ribéracois qui fréquentait régulièrement le café associatif de Léguillac-de-Cercles a décidé de fonder son café avec l'envie d'y retrouver le même esprit, le même plaisir de faire les choses ensemble, cette fois sur son propre territoire.

Or, l'ancienne municipalité de Comberanche-et-Epeluche avait rénové une grange en ruine mais n'avait pas véritablement associé de projet à ce lieu "magnifique" et "moteur", selon les termes de la co-présidente. Il laissait pourtant entrevoir la possibilité de faire un jardin partagé, de donner des cours de pêche avec la Dronne à proximité et "un tas d'autres choses à imaginer". C'était l'occasion de proposer un projet. Toutefois, sans aucun aménagement intérieur en termes de mobilier, d'isolation, chauffage, eau, il ne pouvait être investi à cette époque. 
L'entrée du public du futur café 
 

 "L'entrée des artistes" du futur café
L'équipe de futur café a donc accepté la proposition de la mairie de partager la salle communale en attendant que des subventions permettent la réalisation des travaux. Ces subventions devaient être obtenues grâce à ce projet de café. Une première subvention a été versée depuis mais visiblement les adhérents sont toujours, en septembre 2016, en attente d'informations de la part de la mairie pour savoir quand cet argent pourra être investi dans le bâtiment. Il devait l'être déjà depuis le mois de juin. D'ici la fin de l'année civile, une réponse devrait arriver quant à une éventuelle subvention issue de fonds européens.
Si l'attente peut sembler longue aux adhérents, elle va leur permettre de s'organiser en vue d'un futur loyer :  recherche de rentrées supplémentaires par une augmentation des adhésions et des recettes de boissons et petite restauration, unique source de revenus à l'heure actuelle. La situation depuis 2014, confortable du point de vue financier, les oblige uniquement à payer quelques charges en dédommagement de leur occupation. L'association ouvre ses portes dans la salle communale le lundi de 14h à 19h et régulièrement pour des animations.
La salle communale
Faute de lieu propre, les adhérents ont donc tenu à avoir une signalétique et un logo très visible.
En effet, une fois dans le village, il est assez facile de se rendre au café grâce aux panneaux qui bordent la chaussée.
C'est rapidement après quelques petits mois de cogitation que les statuts ont été créés. La première assemblée générale a eu lieu le 28 septembre 2014. L'objet de l'association a été défini. Le lien social est apparu comme une priorité : "favoriser le développement de liens entre les personnes en organisant des rencontres et des échanges autour d'activités diverses au sein d'un café associatif et participatif". Afin de mener à bien la définition du projet, un questionnaire a même été élaboré sur les valeurs et les activités envisagées. Or, il se trouve que les personnes interrogées ont émis des souhaits (recyclerie, partage de connaissances, repair café...) qui n'ont pas nécessairement abouti. En effet, les fondateurs ont souhaité que la café fonctionne en mode collectif et participatif  : aucune activité ne peut se mettre en place si elle n'a pas un porteur de projet. "Il ne faut pas faire à la place de", précise Sophie Anquetil. Celles qui fonctionnent mais aussi les soirées qui ont été programmées l'ont été car elles ont été initiées et organisées par un ou des adhérents et non par un bureau tout puissant. Le fonctionnement est donc assez horizontal. "Tous les membres sont égaux", stipule la charte, tandis que le bureau se charge des affaires administratives courantes (secrétariat, gestion financière) et non de la programmation établie dans des commissions. L'accent est mis, en outre, sur la parité. Il y a  ainsi 2 co-présidents, une femme, Sophie Anquetil, et un homme, Jean-Paul Gady. Si l'équipe du départ (il y a eu un changement de bureau dès le début 2015) était très attentive au respect de la parole de l'autre et de la décision collective et avait recours au vote, "la recherche du consensus", guidée par une plus grande "maturité", semble davantage de mise désormais. Elle évite que des conflits ressurgissent quelques temps après une décision mal digérée. La co-présidente insiste sur la place laissée à chacun et sur l'écoute qui lui est accordée.

A condition de respecter la charte et de ses valeurs de laïcité, solidarité, tolérance, respect de la dignité des personnes, refus du prosélytisme, du sectarisme, du racisme et du sexisme et de l'homophobie, toutes les activités sont possibles, estime Sophie Anquetil. D'ailleurs, tous les mois, une réunion recueille les propositions des adhérents et un formulaire a même été installé en ligne (en bas de page du site) intitulé "portail d'entrée des artistes" https://lecafepluche.fr/5-2/portail/ afin de faire connaître ses propositions en termes de spectacle, atelier, concert, débat, animation.
Réalisées ainsi en fonction de l'implication de ses adhérents et "des coups de coeur", les activités ont rapidement pris une orientation en faveur du respect de l'environnement avec la distribution de paniers bio le lundi soir qui suppose des commandes préalables auprès des producteurs (maraîchers, producteur des produits laitiers, oeufs...). Existe aussi un atelier mobilier qui travaille dans le même souci de protection du milieu de vie en faisant appel à la récup', au recyclage et des liens se sont créés avec C2R Ribérécup', association dont Art Péri' Cité a déjà parlé http://artpericite.blogspot.fr/2015/12/ouverture-de-la-boutique-riberecup.html. Il s'agit de constituer un mobilier, qui plus est à prix modique, qui habillera le futur café dont un comptoir est en préparation. Des journées troc ont permis d'échanger des livres, des vêtements et des plantes.
Des activités sportives sont régulièrement programmées comme la marche nordique dont le succès est à la mesure de l'attente que ses adeptes ont dû subir pour la voir inscrite dans les statuts. Des sorties sont organisées le samedi et le mardi. Le café compte aussi des activités de tir à l'arc, d'équitation, gymnastique d'éveil corporel et Qi Qong. Il propose des séances découverte bien-être (massage, réflexologie, huiles essentielles, relooking...) mais aussi des ateliers créatifs, récréatifs et culturels (fabrication d'arc artisanal, modelage, écriture, jeux de société, percussions...). Le Jardin d'Echanges Universels (JEU) se réunit une fois par mois.
Plus ponctuellement, ont lieu des soirées évènements. La co-présidente évoque 5 concerts (Alain Veluet, Marco et sa bande, Double Hapax, Sib & The Ten Strings, Rue de la Muette), une journée polonaise (Polski : danse et repas), une soirée "Faites de la Musique", des spectacles (ceux d'Eve Nuzzo, Vox Populi, Alain Bressy). Côté film, le café a réalisé un documentaire projeté le 7 juin 2016 sur un chantier d'insertion mis en oeuvre à Epuluche par la communauté de communes du Pays Ribéracois avec le SAGESS24. Un autre film est en préparation sur la mémoire locale grâce à l'implication d'habitants de la commune. Des soirées conférence ont permis d'aborder les thèmes de l'école et des alternatives, d'un projet d'éco-village agricole, de l'accueil familial.
Sophie Anquetil présentant une conférence
Cette variété des propositions qui en fait "ni un centre culturel, ni un centre de loisirs mais quelque chose entre cela", estime la co-présidente, a pour objectif d'attirer les personnes les plus diverses et de retrouver du lien social qui se distend même en campagne. L'identité un peu plus politique du grand frère que représente le café de Léguillac n'est donc pas celle du café Pluche plus soucieux du consensus. Les adhérents considèrent que l'objectif est avant tout d'impliquer un maximum d'habitants du territoire du café (qui s'étend à une vingtaine de minutes en voiture autour de Comberanche et Epeluche) dans la vie locale, quelque soit le type d'activité. Même si les personnes ne fréquentent pas tous les mêmes ateliers, ils adhérent à un même projet. Toutefois, la tranche d'âge semble tourner autour de la cinquantaine et davantage, constat qui incite à souhaiter un rajeunissement du public. Ainsi, Sophie Anquetil espère qu'un pêcheur acceptera bientôt d'intégrer le café pour donner des cours aux jeunes, nombreux à fréquenter l'été les bords de Dronne, la canne à pêche à la main. 

Nonobstant cette donnée, les chiffres marquent une augmentation constante du nombre d'adhérents : de 68 adhérents en décembre 2014 à 157 à ce jour en septembre 2016 en passant par 104 en 2015.
Forte de ses adhérents toujours plus nombreux, l'association a néanmoins besoin d'un nouveau souffle qu'apporterait l'installation définitive dans la grange rénovée. Reste à savoir si les fonds européens pourront être débloqués pour que le projet aboutisse. Faute de capitaux, le café ne pourra s'implanter dans cet espace mais les adhérents garderont toujours l'espoir de son implantation dans un autre lieu s'il le faut. En revanche, si la grange peut être investie et aménagée, l'enjeu financier sera d'actualité car un loyer devra être assumé. La question de l'indépendance vis-à-vis de la mairie sera peut-être aussi soulevée, même si actuellement, les adhérents considèrent qu'ils ont carte blanche, à la faveur sûrement d'activités assez consensuelles. Qu'en serait-il si des activités militantes étaient organisées? La mairie restera propriétaire des lieux et ne sera sûrement pas en reste pour solliciter la participation du café à des évènements de la commune, comme elle l'a fait cet été pour les fêtes nautiques. Qu'en sera-t-il, en outre, si un changement de municipalité s'opère lors des prochaines élections? Des questionnements en suspens mais qui ne semblent pas, pour autant, entacher la motivation des membres les plus actifs du café.

Après cette rencontre avec Sophie Anquetil, avait lieu en soirée le 10 septembre une conférence sur l'haptonomie animée par Christine Breugnot Hériveau, une éducatrice spécialisée qui a découvert cette pratique en 2012 et qui en a fait un véritable art de vivre. Elle est désormais membre du Centre international de recherche et de développement de l'haptonomie et va ouvrir un cabinet le 19 octobre prochain dans le groupe scolaire des Cébrades à Notre-Dame de Sanilhac http://haptonomie24.over-blog.com/.
Si les concepts évoqués ont paru complexes à l'assistance, ils ont été davantage explicités en fin de conférence, suite aux interrogations du public. L'haptonomie est née au milieu du XXè siècle, grâce au travail d'un Hollandais, Frans Veldman, qui l'a décrite comme une science de l'affectivité jouant un rôle fondamental dans les rapports humains. La confirmation affective, qui consiste à affirmer que l'autre est bien légitime dans la place qu'il occupe, contribue au plein développement des potentialités de l'individu. Cette confirmation donnée dès la vie utérine favorise la sécurité affective, ce qui explique une pratique de l'haptonomie développée d'abord dans le monde des sage-femmes et des obstétriciens alors que cette approche peut s'adresser aussi aux adultes. Quant aux soignants, ils intègrent une qualité de contact (le contact thymotactile affectivo-confirmant) qui permet leur propre épanouissement affectif nécessaire à l'accueil du patient dans son entièreté http://www.haptonomie.org/fr/. "Ce contact a une phénoménalité dont les effets sont reproductibles, vérifiables et prédictibles" https://www.cairn.info/l-haptonomie--9782130560234-page-5.htm Agissant ainsi avec les personnes approchées, pratique qui "dépasse de simples facultés rationnelles" puisqu'elle suppose "la capacité d'être là d'emblée pour l'autre, avec toute sa tendresse et son amour contenu", les thérapeutes les sécurisent, les confirment "dans le bon de leur être".  Il est question d'amour au sens où ils donnent aux patients juste ce qu'il leur est nécessaire à ce moment-là. La jeune femme a alors pris l'exemple d'une situation professionnelle : elle devait recevoir un père venant chercher son fils pour le week-end. Elle a montré comment elle avait répondu à l'attitude du père et à la souffrance de l'enfant que celle-ci engendrait.  L'objectif de cette approche qui "entraîne un changement de tonus immédiat dans tous les tissus et modifie la qualité de présence" est, en effet, de créer des relations libres et libératrices.

Ce type de conférence est visiblement à l'image de ce que, entre autres, souhaite mettre en avant le Café Pluche : un partage de connaissances peu connues sur des méthodes alternatives favorisant le mieux-être. Il s'agit d'un désir commun à plusieurs cafés associatifs de Dordogne qui proposent de plus en plus de conférences ou ateliers similaires. S'ils nous paraissent intéressants en soi et un signe de réelle ouverture, ils peuvent interroger, en revanche, sur la manière d'envisager le changement de la société : celui-ci peut-il advenir uniquement en se changeant soi-même?

Texte et photos : Laura Sansot

2 commentaires:

  1. Je suis un lecteur presque régulier des articles de ce blog. Bravo Laura pour ce travail journalistique militant et bénévole. Pour avoir été une des personnes à l’origine de la création du Café Pluche, Il m’est difficile de ne pas réagir à la lecture de cette interview de Sophie, (que je connais et apprécie) dressant un tableau bien idyllique et consensuel d’un projet qui au départ se voulait « alternatif » mais qui à mon avis, est loin de l’être aujourd’hui…
    L’adjectif alternatif s’applique au courant électrique et à beaucoup d’autres choses telles que la musique, les arts en général ou le mouvement social. Il était donc logique que Laura Sansot s’intéresse au Café Pluche, puisque les cafés associatifs sont censés faire partie du mouvement alternatif. C’est-à-dire le mouvement de ceux qui militent et essayent de changer la société d’une façon nouvelle et singulière en dehors des syndicats et des partis politiques traditionnels.
    Le Café Pluche est né de la volonté d’un groupe de militants de gauche du Ribéracois, le groupe Ribérac Rouge et Vert, qui, face à la perte de repères et au découragement des citoyens, voulait redonner à la politique une place digne et honorable en créant un lieu convivial d’échange, de partage, d’écoute etc… Un lieu en lien avec l’actualité locale, nationale voir internationale où les actions militantes portant les valeurs du café auraient bonne place. Un lieu alternatif aux idées reçues et véhiculées quotidiennement par les médias. Le petit frère du Café Asso de Léguillac avec en plus, la place au débat et à la controverse politique et à l’action militante collective.
    Hélas, le consensuel a chassé la politique. Il est vrai que « la politique » est devenue une chose sale, synonyme de mensonge et trahison. Mais ne pas faire de politique c’est un peu comme cesser de respirer parce que l’air sent mauvais. C’est mortel !
    Le politique, c’est la gestion du bien commun de tous pour tous. C’est donc l’affaire de tout le monde. Si par malheur la majorité laisse à une minorité cette gestion sans y regarder de près, la minorité gère pour son unique intérêt au dépend de la majorité.
    A moins de rester en dehors de tout système institutionnel et d’être totalement autonome (ce qui me semble impossible), ne pas avoir de débat politique au sein du café, condamne immanquablement à cautionner toutes les dérives du système. Un projet alternatif ne peut donc être apolitique.
    Le Café Pluche ne cautionne t’il pas les dérives du système en n’ayant pas le contrôle de tout ce qui concerne l’aménagement de son futur lieu ? Dossier de financement, plans etc…
    Ne serait-il pas possible qu’il soit un point d’info ressource des actions militantes collectives dans le département ? Cela donnerait l’occasion de débattre d’actualités qui impactent notre modèle de société et qui ne sont pas sans conséquences dans la vie de tous les jours.
    C’est un peu une caricature, mais j’ai l’impression que le café fait de la médecine moderne. Il soigne le mal, mais pas la cause du mal et ainsi fait le bonheur des laboratoires pharmaceutiques et autres requins qui se gavent. (exemple des médecines alternatives qui recueillent de plus en plus de suffrages en particulier par Internet)

    RépondreSupprimer
  2. ...(suite et fin du commentaire précédent)
    Je crois que le succès des débuts du café est la conséquence d’un besoin d’agir pour changer ce qui ne va pas dans notre société. Je crois aussi que la peur du débat et de la confrontation ont anéanti pour le moment cet élan chargé d’espoir qui pouvait rassembler une large population intergénérationnelle. Où sont les « jeunes » du café ?
    Plusieurs études de psychologues et sociologues mettent en avant le manque de dialogue et de confrontation comme une des raisons de la perte de repères des jeunes djihadistes. L'UNAF donne des chiffres déroutants : pour les 4 à 14 ans, un enfant passerait 850 heures par an en classe, 1400 heures devant les écrans et seulement 52 heures de conversation avec ses parents. Que peut espérer un enfant ou un adolescent, qui naturellement a besoin de la confrontation pour apprendre, quand les adultes entre eux sont continuellement dans le consensus et évitent la confrontation?
    Le Café Pluche semble être un espoir pour la mairie de revitaliser la commune, (les autres associations ayant pris « un coup de vieux ») d’où un soutien affiché. Mais comment éviter le coup de vieux et le désengagement des bénévoles si les propositions et actions du café ressemblent à celles d’un comité des fêtes jumelé à un club de loisir et détente ?
    Que penseront les électeurs de la commune quand ils mettront en rapport l’investissement pour équiper le lieu, ce qui s’y passe et qui y participe, s’il ne devient pas un endroit unique, exceptionnel et singulier ? Un lieu alternatif …
    Les militants de Ribérac Rouge et Vert sont presque tous partis du café, ou ils y vont comme moi, en touristes, très rarement, dans l’attente d’une évolution… Révolution ?
    Je n’ai pas la science infuse et mes propos peuvent être approximatifs parfois, voir excessifs. Ils n’ont pas plus de valeur que celle de la réflexion et en aucun cas ont pour objectif de porter atteinte à qui que ce soit.
    Christophe Lasnier, ex-premier coprésident du Café Pluche*.

    *(Les noms de baptême donnent souvent une bonne image de la personnalité. Le nom du café me semble consensuel et sans caractère. C'est pourtant la première chose qui se voit ou plutôt s'entend)

    RépondreSupprimer