Le 19 septembre, l'association Ciné-Cinéma de Périgueux proposait une soirée ciné-échange autour du thème "Alimentation et semences paysannes". Celle-ci débutait par un apéritif dînatoire autour du maïs paysan organisé par le collectif Les pieds dans le plat dont Art Péri'Cité vous a déjà parlé http://artpericite.blogspot.fr/2016/03/le-collectif-les-pieds-dans-le-plat-sur.html.
Outre ce partenaire, étaient associés AgroBio Périgord et le Réseau Biocoop Grand Périgueux. La soirée se déroulait dans le cadre de la semaine des semences paysannes du 16 au 25 septembre et de la campagne "Manger bio, local, c'est l'idéal"
Outre ce partenaire, étaient associés AgroBio Périgord et le Réseau Biocoop Grand Périgueux. La soirée se déroulait dans le cadre de la semaine des semences paysannes du 16 au 25 septembre et de la campagne "Manger bio, local, c'est l'idéal"
mais aussi à l'occasion de la parution du livre Du maïs paysan dans mon assiette!
Avant de diffuser le long-métrage, l'association invitait à regarder le film réalisé par Bio d'Aquitaine L'Aquitaine cultive la biodiversité qui retrace le programme régional du même nom, mis en place en 2001 en Dordogne. http://www.agrobioperigord.fr/upload/biodiv/laclb.pdf
A l'origine, un paysan, Bertrand Lassaigne, qui cultive des céréales et des oléagineux hybrides, apprend en 1999 le risque d'une contamination par des OGM. C'est une prise de conscience pour lui, confronté, comme ses collègues, au fait que la règlementation le dépossède progressivement de son droit à produire, échanger ou commercialiser ses semences. La FAO, nous apprend le film, estime qu'en moins d'un siècle, près de 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue, engendrant une menace pour la souveraineté alimentaire de l'humanité. Bertrand Lassaigne est allé lui-même chercher des semences de maïs au Guatemala. Agrobio Périgord s'est intéressé à son travail dès l'année 2000. Des paysans d'Aquitaine en ont fait de même, comme le CETAB du Lot-et Garonne qui s'occupe de la diversité céréalière. Un programme s'est monté et associe désormais environ 200 agriculteurs bio et conventionnels qui vise à faire des recherches et des expérimentation pour retrouver des variétés locales reproductibles et se réapproprier les savoirs-faire. Celles-ci se font dans des fermes sur des grandes parcelles mais aussi sur des plates-formes, comme celle de Dordogne qui compte plus d'une centaine de variétés de maïs enrichies de sélections récentes et de vielles variétés conservées par des paysans du département. Des voyages ont été réalisés en Amérique du Sud (Bolivie, Brésil qui travaille depuis une vingtaine d'année sur les semences population en maïs) pour s'enrichir des connaissances de ces paysans, intégrer des techniques afin de sélectionner les semences et éviter les dégénérescences mais aussi pour apprendre un mode d'organisation collective. De là est née l'idée d'une Maison de la semence avec un volet grande culture réservé aux professionnels et un volet maraîcher (amateurs et professionnels). Les producteurs ont la possibilité de recevoir des semences, de les planter et d'en redonner à la récolte suivante en transmettant des informations sur le suivi des cultures, dans un esprit d'échanges. Des stocks de sécurité sont constitués. Comme au Brésil, le programme associe des producteurs, des techniciens et de plus en plus de chercheurs. Il a visiblement de l'avenir car l'enjeu de l'autonomisation des paysans devient prégnant dans un contexte d'adaptation nécessaire aux conditions climatiques de plus en plus difficiles. Les premières rencontres nationales des semences paysannes ont eu lieu à Auzeville en 2003. De là, est né le réseau national des semences paysannes qui rassemble plus d'une soixantaine d'organisations.
A l'origine, un paysan, Bertrand Lassaigne, qui cultive des céréales et des oléagineux hybrides, apprend en 1999 le risque d'une contamination par des OGM. C'est une prise de conscience pour lui, confronté, comme ses collègues, au fait que la règlementation le dépossède progressivement de son droit à produire, échanger ou commercialiser ses semences. La FAO, nous apprend le film, estime qu'en moins d'un siècle, près de 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue, engendrant une menace pour la souveraineté alimentaire de l'humanité. Bertrand Lassaigne est allé lui-même chercher des semences de maïs au Guatemala. Agrobio Périgord s'est intéressé à son travail dès l'année 2000. Des paysans d'Aquitaine en ont fait de même, comme le CETAB du Lot-et Garonne qui s'occupe de la diversité céréalière. Un programme s'est monté et associe désormais environ 200 agriculteurs bio et conventionnels qui vise à faire des recherches et des expérimentation pour retrouver des variétés locales reproductibles et se réapproprier les savoirs-faire. Celles-ci se font dans des fermes sur des grandes parcelles mais aussi sur des plates-formes, comme celle de Dordogne qui compte plus d'une centaine de variétés de maïs enrichies de sélections récentes et de vielles variétés conservées par des paysans du département. Des voyages ont été réalisés en Amérique du Sud (Bolivie, Brésil qui travaille depuis une vingtaine d'année sur les semences population en maïs) pour s'enrichir des connaissances de ces paysans, intégrer des techniques afin de sélectionner les semences et éviter les dégénérescences mais aussi pour apprendre un mode d'organisation collective. De là est née l'idée d'une Maison de la semence avec un volet grande culture réservé aux professionnels et un volet maraîcher (amateurs et professionnels). Les producteurs ont la possibilité de recevoir des semences, de les planter et d'en redonner à la récolte suivante en transmettant des informations sur le suivi des cultures, dans un esprit d'échanges. Des stocks de sécurité sont constitués. Comme au Brésil, le programme associe des producteurs, des techniciens et de plus en plus de chercheurs. Il a visiblement de l'avenir car l'enjeu de l'autonomisation des paysans devient prégnant dans un contexte d'adaptation nécessaire aux conditions climatiques de plus en plus difficiles. Les premières rencontres nationales des semences paysannes ont eu lieu à Auzeville en 2003. De là, est né le réseau national des semences paysannes qui rassemble plus d'une soixantaine d'organisations.
Le film est visible sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=4JnVtwBz6jE
La seconde projection transportait le public dans les Alpes autour du film Regards sur nos assiettes. Le film documentaire de Pierre Beccu est issu d'un atelier de cinéma avec 6 étudiants de géographie d'Annecy qui souhaitaient étudier "les impacts de notre consommation alimentaire sur les différents aspects de la vie".
Les étudiants sont partis de ce qu'il y a dans nos assiettes pour remonter au sol où les denrées sont produites en allant à la rencontre de patrons de supérettes et de grandes surfaces, associations, coopératives, boulangers, éleveurs, maraîchers, restaurateurs mais en mettant l'accent sur les initiatives locales alternatives à l'industrie agro-alimentaire dans leur département. Il s'agissait de mesurer les conséquences des choix des consommateurs sur la santé, l'environnement, l'économie et l'individu. La vertu de ce film très didactique et optimiste en mettant en avant diverses initiatives sans donner de leçons vient de la curiosité sans parti-pris qui a animé ses étudiants. Elle donne un film qui arrive aux mêmes conclusions que les films engagés dès leur conception, d'où sa force et l'impact qu'il peut avoir sur les jeunes : importance des circuits-courts, de l'éducation au goût dès le plus jeune âge, responsabilité du consommateur.
Après 1h15 de film, le débat était lancé avec la salle et les intervenants présents.
Les contrôles sont nombreux en agriculture biologique et les OGM sont formellement interdits. Armand Duteil a expliqué que lors de sa première année d'installation, il avait subi 5 contrôles sans compter les contrôles inopinés. "Tout est épluché", a-t-il confié. Des certificats sont délivrés si le cahier des charges est bien respecté. Ce sont ces mêmes certificats que les producteurs doivent fournir à des enseignes comme Biocoop dont l'un des représentants locaux, Fabien Marzano, était présent lors de la soirée.
Si un vendeur propose un produit bio alors qu'il ne l'est pas, il est passible de sanctions quand la répression des fraudes intervient. L'exemple des oeufs a été avancé. Sur le marché, ce ne sont pas les restes de souillures de volatile ou de foin qui font la qualité biologique du produit mais le numéro inscrit dessus (3 pour les oeufs produits en cage ou en batterie, 0 en bio). Il n'empêche que les oeufs peuvent être produits par des poules en plein air et nourries avec une alimentation biologique tout en étant issues d'un élevage de 4000 poules!
Là nait la différence entre la bio intensive et la bio issue d'une agriculture paysanne, question qui a suscité un débat dans la salle. Le cahier des charges s'est, en fait, assoupli depuis qu'il s'est aligné sur la réglementation européenne. La bio des grandes surfaces est surtout industrielle. Or, comme l'indique le film, 2/3 des produits bio sont achetés dans ce type de magasins. https://blogs.mediapart.fr/laurent-cougnoux/blog/220615/producteurs-magasins-bio-ou-grandes-surfaces Dans la mesure où les consommateurs réclament de plus en plus ce type d'alimentation (+10% entre 2013 et 2014 http://www.agencebio.org/le-marche-de-la-bio-en-france), la grande distribution met la pression sur les producteurs pour augmenter les volumes. Or, les agriculteurs peu scrupuleux peuvent répondre à la demande et s'en tenir à un strict respect du cahier des charges pour atteindre des volumes plus importants. D'autres privilégient de petites quantités. Le consommateur est donc invité à être acteur, à créer un lien avec les producteurs pour savoir comment ils travaillent, mesurer le degré de respect de la nature et d'une distribution de proximité. Laurence Dessimoulie, autre intervenante, a noté, en fin de débat, que la rencontre humaine avec les producteurs était ce qui pouvait donner le plus de certitude sur la fabrication des produits. C'est en tout cas ce qu'elle avait trouvé de plus beau dans le film. Le représentant de Biocoop du Grand Périgueux a souligné le travail réalisé pour valoriser les producteurs locaux (plus de 60) et expliqué que le cahier des charges allait plus loin que celui des grandes surfaces promptes à faire appel à des produits venant de l'autre côté de la Méditerranée. Un producteur s'est donc étonné que cette entreprise ne distribue pas le soja d'Agrobio Périgord. Aujourd'hui, en France, les terres cultivées en bio représentent 5% de la surface agricole utile. Entre 2014 et 2015, le marché de la bio a progressé de 14,7%.
Le cuisinier de l'école de Marsaneix (1ère cantine scolaire bio de France), Jean-Marc Mouillac, qui avait préparé le buffet, s'est vu ensuite interroger sur l'alimentation bio en direction des enfants.
Après 20 ans dans la restauration collective dans les établissements scolaires du second degré de Périgueux, il a reçu une oreille attentive de la part des élus et a pu développer son activité culinaire et éducative. Celui-ci suppose un travail constant au coeur des équipes, au plus près des convives et des parents, sur les techniques culinaires, sur la refonte des menus en privilégiant les protéines végétales. En France, tous les collègues de son collectif Les pieds dans le plat n'ont pas cette liberté. Toutefois, les décideurs, longtemps contraints par le système des marchés publics et la volonté de ne pas déstabiliser les filières, commencent à s'ouvrir à cette alimentation. Les repas bio ne coûtent pas plus chers et supposent moins de déchets. Quand on dit que cela coûte 20% plus cher, cette augmentation ne concerne que les denrées. Or, celles-ci ne représentent que 1,5-2 euros sur un repas évalué à 10-11 euros pour la collectivité qui le propose. Le cuisinier accorde aussi de l'importance au patrimoine gastronomique, au temps de partage que représente le repas, persiflant au passage les self-services des cantines scolaires. Il plaide pour retrouver des valeurs en concluant son intervention saluée par des applaudissements : "si l'on ne sait pas se nourrir, on ne peut pas avancer".
La députée EELV Brigitte Allain a pris ensuite la parole pour mettre en avant son action en faveur de la restauration collective bio. En 2014, le projet de loi Avenir, une loi d'orientation agricole, est adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale. La députée signe alors un rapport parlementaire intitulé "Circuits courts et relocalisation des filières agricoles et alimentaires" remis à Stéphane Le Foll en septembre 2015. Considérant "important que tout le monde ait accès à une alimentation de qualité et dans la proximité pour développer les territoires", elle y fait la proposition de loi "Faciliter l'ancrage territorial de l'alimentation" qui est adoptée à l'unanimité à l'Assemblée Nationale le 14 janvier 2016. Il est prévu d'ici 2020 d'introduire 40% des produits issus de l'alimentation durable, locaux, de saison dans la restauration alimentaire dont 20% devront être issus de l'agriculture biologique. Toutefois, le Sénat a amendé le texte en revoyant les objectifs à la baisse. Elle reconnaît que "le cheminement n'est pas facile" mais affirme : "on a introduit des éléments essentiels dans la loi". Elle regrette de ne pas avoir vu le film plus tôt qu'elle aurait pu montrer aux parlementaires pour donner à voir comment "inciter le citoyen à manger bio et local" : "il est extraordinaire, tout y est", s'est-elle exclamé.
Un spectateur a salué cette initiative mais a constaté que les aides à l'agriculture biologique données par la PAC étaient versées en dernier, étaient moins importantes que les aides en faveur de l'agriculture conventionnelle et que les agriculteurs se convertissant en bio étaient davantage aidés que ceux qui étaient définitivement installés en bio.
Aurélie Bénazet, membre du collectif Les pieds dans le plat et diététicienne, a déclaré que sa formation était clairement portée par le lobby agro-industriel, les notions d'agriculture biologique y étant exclues. Les congrès de diététiciens étaient financés par des groupes comme Mac Donald's ou Nestlé. Elle s'était formée sur son temps libre, avait été sensibilisée par le livre de Lylian Le Goff, Manger bio, c'est pas du luxe.
Francis Cortez, élu à Coulounieix-Chamiers, a déclaré que les politiques pouvaient chacun à leur niveau favoriser la bio. Ainsi, lui-même allait proposer au maire d'exonérer les paysans qui voulaient s'installer en bio.
En matière de restauration collective, il a été question d'Isle mange bio, une plate-forme de distribution de produits bio et locaux de restauration en Dordogne qui permet aux agriculteurs d'écouler leur production localement. L'association Terre de liens qui réalise l'achat de terres a aussi été citée.
Enfin, une question concernant les conséquences du TAFTA et maintenant du CETA sur l'agriculture bio a été soulevée. Brigitte Allain a expliqué que sa proposition de loi était un moyen de résistance face à ces accords internationaux qui visent à développer le commerce au détriment des règles sanitaires, environnementales, sociales...Elle incitait, de son côté, à s'organiser localement pour produire sa propre alimentation. Selon elle, quand on aura atteint les 40% escomptés dont 20% de produits bio, "on aura fait du chemin ensemble". Contre celui qui estimait que les choses n'allaient pas assez loin et qu'il fallait faire en quelque sorte table rase, elle a considéré, de son côté, que "si l'on attend[ait] pas le grand soir, on p[ouvai]t au moins s'offrir quelques petits matins", une phrase qui concluait la soirée.
Texte et photos : Laura Sansot
Les étudiants sont partis de ce qu'il y a dans nos assiettes pour remonter au sol où les denrées sont produites en allant à la rencontre de patrons de supérettes et de grandes surfaces, associations, coopératives, boulangers, éleveurs, maraîchers, restaurateurs mais en mettant l'accent sur les initiatives locales alternatives à l'industrie agro-alimentaire dans leur département. Il s'agissait de mesurer les conséquences des choix des consommateurs sur la santé, l'environnement, l'économie et l'individu. La vertu de ce film très didactique et optimiste en mettant en avant diverses initiatives sans donner de leçons vient de la curiosité sans parti-pris qui a animé ses étudiants. Elle donne un film qui arrive aux mêmes conclusions que les films engagés dès leur conception, d'où sa force et l'impact qu'il peut avoir sur les jeunes : importance des circuits-courts, de l'éducation au goût dès le plus jeune âge, responsabilité du consommateur.
Après 1h15 de film, le débat était lancé avec la salle et les intervenants présents.
de gauche à droite : Armand Duteil, Laurence Dessimoulie, Jean-Marc Mouillac, Aurélie Bénazet et Fabien Marzano
Armand Duteil, éleveur (24 vaches engraissées à l'herbe), producteur de céréales, maraîcher en agriculture biologique, à Bourdeilles mais aussi administrateur du réseau Semences Paysannes s'est d'abord présenté. Il travaille en agriculture biologique depuis 2010. Suite à une question, il a précisé que l'année de son installation, il était encore possible d'écorner les vaches tandis qu'aujourd'hui une dérogation était nécessaire. En agriculture bio, le traitement médical (alternatif) auprès des animaux est limité à trois par an. Au-delà, on sort de la réglementation dans ce type d'élevage. La viande et le lait des bêtes traitées ne peuvent pas être consommés avant 10 jours. Les contrôles sont nombreux en agriculture biologique et les OGM sont formellement interdits. Armand Duteil a expliqué que lors de sa première année d'installation, il avait subi 5 contrôles sans compter les contrôles inopinés. "Tout est épluché", a-t-il confié. Des certificats sont délivrés si le cahier des charges est bien respecté. Ce sont ces mêmes certificats que les producteurs doivent fournir à des enseignes comme Biocoop dont l'un des représentants locaux, Fabien Marzano, était présent lors de la soirée.
Si un vendeur propose un produit bio alors qu'il ne l'est pas, il est passible de sanctions quand la répression des fraudes intervient. L'exemple des oeufs a été avancé. Sur le marché, ce ne sont pas les restes de souillures de volatile ou de foin qui font la qualité biologique du produit mais le numéro inscrit dessus (3 pour les oeufs produits en cage ou en batterie, 0 en bio). Il n'empêche que les oeufs peuvent être produits par des poules en plein air et nourries avec une alimentation biologique tout en étant issues d'un élevage de 4000 poules!
Là nait la différence entre la bio intensive et la bio issue d'une agriculture paysanne, question qui a suscité un débat dans la salle. Le cahier des charges s'est, en fait, assoupli depuis qu'il s'est aligné sur la réglementation européenne. La bio des grandes surfaces est surtout industrielle. Or, comme l'indique le film, 2/3 des produits bio sont achetés dans ce type de magasins. https://blogs.mediapart.fr/laurent-cougnoux/blog/220615/producteurs-magasins-bio-ou-grandes-surfaces Dans la mesure où les consommateurs réclament de plus en plus ce type d'alimentation (+10% entre 2013 et 2014 http://www.agencebio.org/le-marche-de-la-bio-en-france), la grande distribution met la pression sur les producteurs pour augmenter les volumes. Or, les agriculteurs peu scrupuleux peuvent répondre à la demande et s'en tenir à un strict respect du cahier des charges pour atteindre des volumes plus importants. D'autres privilégient de petites quantités. Le consommateur est donc invité à être acteur, à créer un lien avec les producteurs pour savoir comment ils travaillent, mesurer le degré de respect de la nature et d'une distribution de proximité. Laurence Dessimoulie, autre intervenante, a noté, en fin de débat, que la rencontre humaine avec les producteurs était ce qui pouvait donner le plus de certitude sur la fabrication des produits. C'est en tout cas ce qu'elle avait trouvé de plus beau dans le film. Le représentant de Biocoop du Grand Périgueux a souligné le travail réalisé pour valoriser les producteurs locaux (plus de 60) et expliqué que le cahier des charges allait plus loin que celui des grandes surfaces promptes à faire appel à des produits venant de l'autre côté de la Méditerranée. Un producteur s'est donc étonné que cette entreprise ne distribue pas le soja d'Agrobio Périgord. Aujourd'hui, en France, les terres cultivées en bio représentent 5% de la surface agricole utile. Entre 2014 et 2015, le marché de la bio a progressé de 14,7%.
Le cuisinier de l'école de Marsaneix (1ère cantine scolaire bio de France), Jean-Marc Mouillac, qui avait préparé le buffet, s'est vu ensuite interroger sur l'alimentation bio en direction des enfants.
Après 20 ans dans la restauration collective dans les établissements scolaires du second degré de Périgueux, il a reçu une oreille attentive de la part des élus et a pu développer son activité culinaire et éducative. Celui-ci suppose un travail constant au coeur des équipes, au plus près des convives et des parents, sur les techniques culinaires, sur la refonte des menus en privilégiant les protéines végétales. En France, tous les collègues de son collectif Les pieds dans le plat n'ont pas cette liberté. Toutefois, les décideurs, longtemps contraints par le système des marchés publics et la volonté de ne pas déstabiliser les filières, commencent à s'ouvrir à cette alimentation. Les repas bio ne coûtent pas plus chers et supposent moins de déchets. Quand on dit que cela coûte 20% plus cher, cette augmentation ne concerne que les denrées. Or, celles-ci ne représentent que 1,5-2 euros sur un repas évalué à 10-11 euros pour la collectivité qui le propose. Le cuisinier accorde aussi de l'importance au patrimoine gastronomique, au temps de partage que représente le repas, persiflant au passage les self-services des cantines scolaires. Il plaide pour retrouver des valeurs en concluant son intervention saluée par des applaudissements : "si l'on ne sait pas se nourrir, on ne peut pas avancer".
La députée EELV Brigitte Allain a pris ensuite la parole pour mettre en avant son action en faveur de la restauration collective bio. En 2014, le projet de loi Avenir, une loi d'orientation agricole, est adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale. La députée signe alors un rapport parlementaire intitulé "Circuits courts et relocalisation des filières agricoles et alimentaires" remis à Stéphane Le Foll en septembre 2015. Considérant "important que tout le monde ait accès à une alimentation de qualité et dans la proximité pour développer les territoires", elle y fait la proposition de loi "Faciliter l'ancrage territorial de l'alimentation" qui est adoptée à l'unanimité à l'Assemblée Nationale le 14 janvier 2016. Il est prévu d'ici 2020 d'introduire 40% des produits issus de l'alimentation durable, locaux, de saison dans la restauration alimentaire dont 20% devront être issus de l'agriculture biologique. Toutefois, le Sénat a amendé le texte en revoyant les objectifs à la baisse. Elle reconnaît que "le cheminement n'est pas facile" mais affirme : "on a introduit des éléments essentiels dans la loi". Elle regrette de ne pas avoir vu le film plus tôt qu'elle aurait pu montrer aux parlementaires pour donner à voir comment "inciter le citoyen à manger bio et local" : "il est extraordinaire, tout y est", s'est-elle exclamé.
Un spectateur a salué cette initiative mais a constaté que les aides à l'agriculture biologique données par la PAC étaient versées en dernier, étaient moins importantes que les aides en faveur de l'agriculture conventionnelle et que les agriculteurs se convertissant en bio étaient davantage aidés que ceux qui étaient définitivement installés en bio.
Le recours aux semences paysannes a été évoqué pour créer des plantes robustes. Laurence Dessimoulie, cuisinière, membre du réseau Slow Food de Bordeaux et de celui de Semences Paysannes, auteur du livre De ceux qui sèment à la cuisine, a confirmé le caractère nourricier de ces semences. Une discussion a été menée sur la question des hybrides chez les animaux et sur le travail des paysans à sélectionner des semences population. Celles-ci visent leur autonomie car elles peuvent, à la différence des hybrides, se ressemer d'une année sur l'autre et s'adapter au terroir au fil du temps.
Aurélie Bénazet, membre du collectif Les pieds dans le plat et diététicienne, a déclaré que sa formation était clairement portée par le lobby agro-industriel, les notions d'agriculture biologique y étant exclues. Les congrès de diététiciens étaient financés par des groupes comme Mac Donald's ou Nestlé. Elle s'était formée sur son temps libre, avait été sensibilisée par le livre de Lylian Le Goff, Manger bio, c'est pas du luxe.
Francis Cortez, élu à Coulounieix-Chamiers, a déclaré que les politiques pouvaient chacun à leur niveau favoriser la bio. Ainsi, lui-même allait proposer au maire d'exonérer les paysans qui voulaient s'installer en bio.
En matière de restauration collective, il a été question d'Isle mange bio, une plate-forme de distribution de produits bio et locaux de restauration en Dordogne qui permet aux agriculteurs d'écouler leur production localement. L'association Terre de liens qui réalise l'achat de terres a aussi été citée.
Enfin, une question concernant les conséquences du TAFTA et maintenant du CETA sur l'agriculture bio a été soulevée. Brigitte Allain a expliqué que sa proposition de loi était un moyen de résistance face à ces accords internationaux qui visent à développer le commerce au détriment des règles sanitaires, environnementales, sociales...Elle incitait, de son côté, à s'organiser localement pour produire sa propre alimentation. Selon elle, quand on aura atteint les 40% escomptés dont 20% de produits bio, "on aura fait du chemin ensemble". Contre celui qui estimait que les choses n'allaient pas assez loin et qu'il fallait faire en quelque sorte table rase, elle a considéré, de son côté, que "si l'on attend[ait] pas le grand soir, on p[ouvai]t au moins s'offrir quelques petits matins", une phrase qui concluait la soirée.
Texte et photos : Laura Sansot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire