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09/07/2016

LAND ART SUR LE CAUSSE DE SAVIGNAC-LES-EGLISES : REPORTAGE PHOTO

Le 2 juillet, une balade sur le causse de Savignac-les-Eglises était proposée aux curieux et amoureux du Land Art afin d'inaugurer un parcours artistique qui sera ouvert jusqu'en septembre prochain.

Cette ancienne zone militaire de 410 hectares, utilisée de 1953 aux années 2000, a été rachetée en 2008 par la Communauté de Communes de Causses et Rivières en Périgord car l'Association pour le Développement Durable du Causse de l'Isle (ADDCI) n'en avait pas les moyens.
Le tracé a été réalisé par l'association Grandeur Nature en collaboration avec l'ADDCI. La première édition de ce parcours a eu lieu en 2010 et se renouvelle chaque année avec des oeuvres qui restent en place et d'autres nouvellement proposées. 47 installations étaient disposées tout au long du parcours.
Le sentier, situé dans la partie Sud du domaine, accessible pour le Nord de la commune de Savignac, se déploie sur 3 kms environ. C'est un paysage de causse, sec, pauvre sur un plateau calcaire jurassique, légèrement vallonné, couvert de chênes. 
Il est parsemé de cabanes en pierre sèche, entretenues régulièrement par des bénévoles, que l'occitan limousin appelle chabana ou chebana qui "servaient d'abri précaire aux saisonniers qui venaient travailler la vigne il y a un siècle ou deux", explique la brochure disponible à l'entrée du site.
 
Certaines cabanes moins bien conservées ont été investies par les artistes, comme Michael Taylor. Il en a fait un refuge pour des oiseaux inanimés.
 
 
Catherine Libmann a déposé ses créations dans un autre espace en ruine pour en faire sa Chambre verte 2016.
 
Elle s'est plu à observer les effets du temps sur d'anciennes installations (à regarder sur son site : http://catherine.libmann.free.fr/?cat=4)
 
ou plus récentes comme ces sarments de vigne venus de Saussignac dont elle a proposé une envolée au printemps dans le château.
On y a retrouvé la délicatesse de ses créations que nous avions pu entrevoir aux 35h de création à Trélissac en septembre dernier http://artpericite.blogspot.fr/2015/09/2e-edition-35h-de-creation-pour-la.html avec, par exemple, ces coquillages de papier. C'est "lors d'une résidence de création au Québec en 2013" qu'elle découvre "les amas coquillers", ces "murs de palourdes qui témoignent de l'occupation des lieux par les Indiens et qui leur ont permis de faire valoir leurs droits sur les terres et d'y rester". Elle explique que "la beauté de ces amas et leur charge émotionnelle font écho à ses réflexions sur les traces du quotidien, orientés vers le passage, le déplacement, le nomadisme".
On y a vu aussi ces physalis simplement suspendus à un fil agrémentés d'épluchures d'asperges et feuilles d'ophiopogon venues du jardin de la créatrice.
Autre artiste inspiré par les cabanes, Loli Gaulin pour L'origine de la vie.
 
Anne Gailhbaud a trouvé le mur en pierre sèche d'une construction prétexte à création pour De fer et de rouille.
 
Des "cabanes" plus récentes issues d'un usage militaire antérieur ont inspirées Bob Cougar...
...mais aussi un collectif d'artistes, La Dérobée, pour un Palimpseste.
 
Mêlant décor de cabane et mur en pierre sèche, Christian Mazière a créé Monstration.
 
Les murets de pierre servaient à une déclinaison des saisons printemps
automne, été
 
 
et hiver pour Natalie Cosson
tandis que Erika Bournet-Delbosc y a inventé des Murmures.
 
Un amas de pierre se transformait en un Jardin au crépuscule réalisé par le collectif Grain d'Art.
 
 La pierre était aussi utilisée de façon très épurée par Wieger Frenken avec Cercle immergé, .
 
une même simplicité et une même idée du cercle que l'on retrouvait chez cet artiste dans Power Button.
Sur ce plateau calcaire, les pierres sont partout. Patiemment, les paysans les ont ramassées pour en faire des murets ou des "meules pyramidales hermétiques et mystérieuses". Ces dernières ont inspiré à Lydie Clergerie une Scène de ménage mêlant pierres et vaisselle brisée
et à Alain Descombes un réveil des pierres. "Le temps aidant, les pyramides de pierre s'ouvrirent pour libérer l'énergie accumulée au cours des âges". La pyramide investie par l'artiste "restitue les prémices d'une femme. D'abord un corps assoupi qui cherche à s'extraire de plusieurs siècles de léthargie, encore pétri de pierres".
 
"Puis reprenant vie, échappant à sa minéralité, rassemblant les principes de vie déposés jadis, ce corps se dresse pour redevenir une femme frémissante avide de reconquérir ce monde. Avec pour seule parure les couleurs de la magie, chevauchant les murailles, irréelle, elle s'élance dans ces bois".
Plus loin dans le parcours, le promeneur pouvait observer une autre interprétation de la meule avec Pelouse interdite de l'Ecole de Bionne.
 
Joseph Wouters a vu dans une grande pierre une King-size chaise.
Un bloc de pierre en début de parcours a attiré le regard de Natalie Cosson qui y a créé Le chant du dragon.
 
Grania Scott s'est amusé avec son environnement en cachant des pierres recouvertes d'or dans un creux empli d'eau dans La source au trésor
 
et en vérifiant qu'elles n'avaient pas été pillées depuis l'année précédente
ou en détournant des panneaux dans Avertissements.
Cette minéralité était aussi l'objet d'un autre jeu, La spirale enchantée, où il s'agissait de retourner des galets avec des mots évocateurs, sur une idée et une réalisation de Loli Gaulin.
 
Les arbres étaient employés non seulement pour indiquer le chemin 
mais aussi pour symboliser 72 anges avec The tree of life de Nada et Tata
avec moultes explications de l'une des deux artistes. L'arbre de vie est présent dans les religions juive et chrétienne. Associé aux anges dans la Kabbale, l'arbre de vie représente l'univers d'un point de vue macrocosmique et l'être humain d'un point de vue microcosmique. La hiérarchie des anges  se décompose par groupe de 8 anges comme le mettait en valeur l'installation. Le petit Batman en plastique était un clin d'oeil pour ne tout prendre au sérieux.
Avec une vision plus torturée, Alain Descombes évoquait Le sang de la terre. Pour expliquer sa création, l'artiste écrivait notamment à l'intention du promeneur : "en mettant à nu et colorant de rouge les canaux chargés symboliquement de sang, révélant le graphisme dynamique tracé par les tiges de lierre le plus souvent fondues à l'écorce qu'elles escaladent, j'ai voulu rendre compte d'un drame de la vie. Le sang qui circule est source de vie mais peut-être aussi annonciateur de mort  : vigueur et violence qui s'affrontent".
Cette création répondait à Césure cette fois avec un matériau très minéral trouvé à proximité et qui avait servi de support à l'affiche de la manifestation. Des champignons rouges y étaient insérés.
En guise de présentation, on pouvait lire entre autres : "Météorite inter-temporel (...), témoin tourmenté par l'érosion, patiemment rongé par les mousses aux crampons corrosifs et les sécrétions humifères de la végétation putrescente, résultat du combat du fluide, de l'inconsistant, eau et florescences contre la compacité de la roche, le mou contre le dur, le yin et le yang d'un même processus de création et de destruction...".
Un talisman était intégré dans un autre arbre dont "les racines communiquaient avec le monde souterrain de la vouivre" pour donner L'oeil de la vouivre, ce "serpent ailé" ou "femme prompte à se dévêtir pour mieux séduire, à la tombée du jour, le manant attardé".
Le bois a servi de support à diverses créations, comme celle de ce même Alain Descombes dans les premières installations du parcours avec Le bûcheron réalisé il y a un an avec un arbre plié par la tempête de 1999 et des rondins de bois.
A proximité, on observait celle de Christian Mazière et Michael Taylor, Souvenir de Meyronnes
et en fin de visite, celles de Pierre Carcauzon avec L'homme debout et Terre nourricière.
 
Sieg proposait une toute nouvelle création qu'il achevait une heure avant l'ouverture du parcours : Vague Est-Ouest. "Elle interroge[ait] l'actualité de nos peurs les plus anciennes (canis lupus, prédateur et migrant du Sud-Est à la Dordogne), celle de notre place dans les territoires les moins peuplés et aussi par extrapo(pu)lation, dans le monde d'aujourd'hui".
 

Elle répondait à Vague Nord-Sud plus ancienne (2012) avec cette mention : "axé nord-sud solaire, son ombre suit la course de l'astre du jour, comme elle suit celle de la lune. Un repère, une direction, une mesure du temps,. Vivre son orientation, choisir sa route, attendre le bon moment, prendre son temps, voir plus loin".
Deux autres installations se jouaient du relief et reliaient les arbres.
Le superbe dispositif On n'enferme pas le vent de Natalie Cosson
 
n'était pas sans évoquer la finesse du travail de Catherine Libmann.
 
L'Atelier des Heures rêvées de Franck Jacquette, Franz Vigier et Ambre Ludwizac jouait avec les inclinaisons du terrain pour en faire un Salon des Heures rêvées.
 
 
Se faisant fi des matières naturelles pour évoquer les être vivants fréquentant les bois, Jean-Paul Allegros proposait son Marcheur
tandis que Véro et Didou , fervents artistes des bouteilles de gaz (que nous avions rencontrés précédemment http://artpericite.blogspot.fr/2015/10/rencontre-avec-vero-et-didou-des_26.html) donnaient à voir Gorets en forêt.
Une autre matière métallique évoquait la Liberté de Jean-Paul Allegros
 
mais pas seulement.
La matière plastique avait investi la nature sous les doigts merveilleux d'Hélène Herbosa avec Elfes et fées vertes.
 
 
 et sous ceux d'Isa Bourlan avec 1,2, 3 Soleil.
Une pause poétique était proposée aux promeneurs, quelques installations avant la fin, au milieu d'un chemin ombragé : Le bois des poètes.
 
Le parcours s'achevait enfin, après pas moins de 2h30 de marche, par un Enchanted Flowers réalisé par Betsy Castelman Damez.
Retrouvez l'actualité de l'Art sur le Causse sur ce lien : https://www.facebook.com/artsurlecausse

Texte et photos : Laura Sansot

1 commentaire:

  1. C'est un formidable reportage; je ne sais plus si c'est l'an dernier ou il y a deux ans, j'en avais fait un, mais rien à voir!! Bravo!
    Pour ma part, j'adore ce lieu, il est HABITE; et j'essaie d'en saisir les traces; la 1° année, j'avais créé la veste de mémoire, un bleu de travail qui en avait connu de rudes; cette année, la rouille rappel des outils employés; ......Les gens s'efforcent d'enlever les taches de rouille sur le linge ancien, j'aime au contraire que les outils imprègnent, s'impriment et conservent la mémoire d'un temps rude!
    Je n'avais pas eu le temps d'expliquer, vous m'en donnez l'occasion!
    Je suis très loin du Causse, mais j'y reviendrai; ce lieu est hanté; du moins a-t-il une âme!
    Anne Gailhbaud

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