Le dimanche 27 septembre, Alternatiba Bergerac
proposait plusieurs tables-rondes dont la première avait pour thème « Agriculture
et alimentation » et pour titre « Produire local, manger local, c’est
bon pour le climat ! ».
Jean-Noël Bourhis a présenté la table ronde en rappelant que le mouvement Alternatiba était issu de la société civile et qu’il avait pour but de mettre en avant toutes les alternatives au système avec pour passage obligé l’agriculture liée à l’alimentation, au commerce et à l’aménagement du territoire.
Brigitte Allain, députée Europe Ecologie Les
Verts, a été invitée par Emilie Pape, modératrice de la table-ronde,
travaillant à la "Maison des Paysans", à présenter son travail : elle a
conduit une mission parlementaire pour porter un projet alimentaire
territorial. Il faut dire que « la
loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014
avait déjà fait de l’ancrage territorial de la production l’un
des objectifs de la politique agricole et alimentaire ». http://brigitteallain.eelv.fr/circuits-courts-et-relocalisation-de-lalimentation-brigitte-allain-remet-son-rapport-et-formule-des-propositions/
Désormais, la loi relie à nouveau
agriculture et alimentation, comme il y a 50 ans. Il ne s’agit plus de penser
l’agriculture comme un simple outil d’import-export. En outre, selon la
députée, le levier pour favoriser le territoire est la restauration collective.
Cependant, il existe des freins comme le fait de penser que produire local pour
manger local n’est pas intéressant économiquement, c’est-à-dire promouvoir une
agriculture vivrière. Pourtant, le potentiel est important. Chaque jour, en
France, un million de repas en restauration collective sont distribués. Ce rapport de la députée a été remis à
l’Assemblée Nationale en juillet dernier. La restitution a été faite il y a
quelques jours devant les élus locaux et des partenaires comme l’abattoir
d’Eymet, objet du premier déplacement de Brigitte Allain. Ayant conscience de
la maltraitance et de l’impact sur l’environnement que produisent les milliers
de kilomètres parcourus sur les animaux, sans parler de l’effet gustatif,
celle-ci milite pour relocaliser l’alimentation. Pour cela, dans son rapport,
elle a défendu l’idée de créer un conseil local de l’alimentation qui
définirait ce que l’on pourrait produire en fonction des données géographiques
et comment le produire. Cela permettrait un changement des pratiques agricoles.
Le rapport vise à relier écologie, économie et social.
La parole a ensuite été donnée à Jérôme Bétaille, président du Pays du
Grand Bergeracois, association qui regroupe
la quasi-totalité des communautés de communes du Sud Bergeracois. Il a
rappelé que les acteurs étaient déjà prêts à s’engager dans des circuits
courts, que la vente directe était déjà bien implantée sur le territoire liée à
une possibilité de productions diversifiées. « Nous avons des bases fortes », a-t-il résumé.
En outre,
derrière la stratégie alimentaire, il y a divers enjeux : emploi,
tourisme, santé des populations, cohésion sociale, environnement, droit à
l’alimentation de qualité, maintien des terres agricoles. Pour l’intervenant,
le pays est « la bonne échelle »
qui peut réunir acteurs privés et publics et permettre de travailler les uns
avec les autres. « L’ambition est
simple (...) : mettre autour de la table ensemble les acteurs de la
filière (consommateurs, structures éducatives, professionnels de santé,
producteurs, restaurateurs), les fédérer et créer une chaîne cohérente ».
Les objectifs du conseil alimentaire de territoire, ce sont, entre autres, d’appuyer
les structures de transformation locale, faire évoluer les structures et lieux
de commercialisation, accompagner les acheteurs publics dans l’élaboration d’un
cahier des charges, dupliquer les bonnes pratiques, mobiliser les ressources
financières, accompagner ensemble les projets. « A nous d’utiliser l’outil, faisons que le Sud bergeracois soit innovant »,
a-t-il lancé.
Des acteurs favorables à ces changements étaient
présents et se sont présentés. Stéphanie
Bomme-Roussarie intervient à « Agrobio Périgord », structure qui
existe depuis 25 ans, dotée d’une dizaine de salariés et de 350 à 400 adhérents. http://www.agrobioperigord.fr/
Celle-ci travaille à promouvoir l’agriculture biologique, seul label qui offre
des garanties par rapport à la santé, ce que n’apporte pas nécessairement le
local, favorise une économie vertueuse (30% de main d’œuvre en plus), une
préservation de la qualité de l’environnement dont l’eau, un bilan carbone
moindre que celui engendré par une agriculture uniquement relocalisée.
L’activité principale d’"Agrobio Périgord" est d’accompagner la formation des
agriculteurs dans le domaine de l’agriculture biologique, leur permettre de se
convertir, par exemple, accompagner les collectivités à créer des cantines bio
qui suppose une toute autre manière de travailler. La formation des cuisiniers
fait aussi partie du travail de
la plate-forme « Isle mange bio », l’intervenante citant Jean-Marc Moulliac
travaillant avec 90% de produits biologiques à Marsaneix avec un tarif à 2,17
euros le repas. C’est le 1er restaurant scolaire certifié bio en France.
Il existe d’ailleurs une campagne nationale : « Manger bio et local,
c’est l’idéal ».
Stéphanie Bomme-Roussarie et Anne Le Maout
Anne Le Maout s’est présentée comme maraîchère en
agriculture biologique depuis 10 ans, travaillant depuis le début à la
commercialisation de ses produits en circuit court. L’association « Isle
mange bio » est née de la demande de communes autour de Montpon depuis
2012 de créer des cantines bio. L’objectif était de mettre en lien producteurs,
élus, cuisiniers. L’association se présente comme une « plate-forme de distribution de produits
biolocaux en Dordogne et Gironde à destination de la restauration hors domicile »
http://www.islemangebio.fr/.
Toutefois,
elle ne dispose que de deux salariées, l’une chargée de la logistique et du
commerce, l’autre des livraisons. Or, elle ne bénéficie pas du soutien des
instances comme le Conseil Départemental alors qu’elle aurait besoin de
l’investissement fort des élus, a déclaré Anne Le Maout, notamment pour faire
en sorte que des terres agricoles se libèrent. Elle représentait aussi
l’association « Paniers bio des deux rives » qui existe depuis 2007, à
l’initiative de producteurs. « Cela
tourne bien. Il y a un bon engagement au fil des années », a-t-elle
estimé.
Anne Le Maout
Quant à Jacques
Chèvre, il est investi dans « Terre de liens Aquitaine » http://www.terredeliens.org/aquitaine
qui accompagne les installations de paysans et encourage la préservation des
terres nourricières pour la consommation locale dans un contexte d’une double
agriculture « l’une laiss[ant] peu
de place à l’autre ». « La
Maison des paysans » assure l’accompagnement jusqu’à l’installation. "Pays
en graines" est une « couveuse »
qui permet aux futurs exploitants de « se
tester en situation réelle au métier » de paysan.
Ces associations se développent rapidement et
Jacques Chèvre a émis le souhait qu’elles soient représentées dans le conseil
alimentaire territorial si celui-ci voit le jour car les consommateurs ont
vraiment la volonté de retrouver une valeur alimentaire de qualité et locale.
Après cette présentation, la parole a été donnée à
la salle pour un dialogue avec les intervenants.
Un femme, membre de la Confédération paysanne, s’est
réjouie du travail de relocalisation fait en Bergeracois et le soutien d’élus.
C’est parce que le projet est venu de la base (paysans, cuisiniers, élus) dans
le cadre de « Isle mange bio » que
cela a fonctionné, l’inverse ne le permettant pas, a-t-elle estimé. S’il existe
4 abattoirs dans le département, il en existe où il n’y en a plus un seul. Il
faut se battre pour les garder et défendre la proximité. Sur la question d’une
fermeture d’abattoir, le ministère a répondu qu’aucune preuve n’avait été faite
que le transport faisait du mal aux animaux.
Maryse Maunoury d’Attac a considéré comme
l’expression de la base citoyenne cette volonté de défendre le maintien d’une
vie sur les territoires. Elle s’est inquiétée du projet de réforme territoriale
qui va entraîner la réorganisation des territoires sans que cela ne soit
discuté à la base et éloigner les décisions de proximité. Elle s’est présentée
aussi comme membre du collectif Stop-Tafta et a jugé que cette politique de
relocalisation de l’alimentation pouvait être gravement menacée par les accords
trans-nationaux qui vont, par exemple, imposé des tribunaux arbitraires. Il
faut se mobiliser pour que ces accords n’aient pas lieu.
Jérôme Bétaille, maire d’Eymet, a rappelé que des
gens s’étaient battus depuis des années pour le maintien de l’abattoir qui
lui-même avait connu un réel développement (de 1 à 5 salariés, de 50 à 800
tonnes abattues). En Lot-et-Garonne, l’unique abattoir risque de fermer fin
2015. A Eymet, l’abattoir relève de la mairie et est gérée par une délégation
de service public issue d’une volonté politique. Le maire a défendu le travail
de mutualisation à mettre en œuvre, la nécessité de mettre les compétences en
commun et d’instaurer un climat de confiance. Un travail de fond est à faire
auprès des élus européens, sinon on peut craindre une dépossession des
décisions politiques.
Toutefois, Brigitte Allain a tempéré considérant qu’il
ne fallait pas tout attendre des élus : « c’est bien parce que les gens se mobilisent sur le terrain que les
choses bougent. Nécessité fait loi », raison pour laquelle Maryse Maunoury
a insisté pour dire que 3 millions de personnes avaient signé la pétition
contre le Tafta et a déclaré : « vous
pouvez vous appuyer dessus ». Pour la députée, « se battre pour la mise en place d’un conseil
alimentaire territorial, c’est une manière de se battre contre le Tafta ».
Elle a souligné que son rapport serait l’objet d’une remise officielle,
occasion d’interpeller le ministre sur des « sujets contradictoires » comme la question des abattoirs. Les
organisations de terrain ont d’ailleurs été sollicitées en vue de la remise de
ce rapport pour faire leurs propositions et « construire d’une manière législative ce qui nous tient à cœur »,
a annoncé Jacques Chèvre.
Suite à une question du public concernant les
solutions pour garantir un volume aux agriculteurs, garantir des consommations
et intervenir auprès de consommateurs pour des informations claires, Anne Le Maout
a proposé pour chaque consommateur de rechercher les associations de paniers ou
Amap, de discuter avec les producteurs sur les marchés, ce qui crée un lien social important. Stéphanie
Bomeme-Roussarie a rappelé qu’ « Agrobio Périgord » avait
réalisé une carte sur les nombreuses initiatives du département puisque les
circuits courts sont très répandus en Dordogne concernant 2/3 des
exploitations. Il existe aussi des boutiques de producteurs. Jacques Chèvre a observé
que l’achat d’une terre par « Terre de liens » supposait la
participation d’un groupe local au projet, le lieu devenant un espace de
rencontres sur le territoire. Une personne du public a reconnu sa difficulté,
du fait de sa mobilité, à accéder rapidement à de l’information concernant
toutes ces initiatives et à pouvoir tester les différentes associations. En
effet, les intervenants ont reconnu qu’il n’existait pas d’outil centralisé
mais Stéphanie Bomme-Roussarie a signalé
le site Internet de l’agence nationale des producteurs de produits biologiques http://annuaire.agencebio.org/ à laquelle les agriculteurs ont l’obligation de s’affilier.
Jacques Chèvre a
estimé qu’il faudrait recenser tous les sites de ceux qui font de la vente
directe. Brigitte Allain a, quant à elle, exprimé le manque de moyens
techniques, humains, financiers pour réaliser cette mutualisation de
l’information, tout en estimant que les consommateurs pouvaient jouer un rôle
pour y remédier alliant de façon militante consommation et production. Elle a
d’ailleurs proposé dans son rapport un observatoire des systèmes locaux
existants. Un autre membre du public a constaté que ces questions se posaient
aussi dans d’autres régions françaises et qu’il fallait répondre aux besoins
des consommateurs en termes d’approvisionnement adapté aux modes de vie comme
instaurer des grands magasins valorisant ces produits en banlieue. Il a aussi été question
de proposer des marchés en fin de journée auxquels semblent d’opposer les élus.
Le débat s’est ensuite orienté vers la question des cotisations MSA qui peuvent
paraître lourdes pour ceux qui s’installent. Elles pourraient faire d’objet de
propositions alternatives. Même si des modulations existent, Brigitte Allain a fait une mise en garde contre ceux qui ne voudraient pas cotiser :
« on a tous besoin de la sécurité
sociale (...). Il faut construire un système où tout le monde paie selon
ses moyens ». Jacques Chèvre a plaidé en faveur d’un système de
retraite par répartition, visiblement plus intéressant économiquement : « un sou cotisé par tous a le même rendement
que 100 sous cotisés individuellement pour des régimes privés »,
a-t-il déclaré. Un agriculteur en cours d’installation, Yannick, producteur de
volailles et maraîcher en vente directe, soutenu par la « Maison des
paysan », a considéré qu’il faudrait supprimer le statut de cotisant
solidaire. Il a suggéré, par ailleurs, de construire en sortie de ville des
halles de 1000 m² dotées de chariots pour faciliter les ventes directes, sans
passer par les associations, les paysans comme lui ayant peu de temps à
consacrer à la création de sites Internet pour promouvoir leurs productions.
A
succédé le témoignage d’une personne ayant un projet collectif d’installation
mais rencontrant des difficultés pour la reprise de l’exploitation d’un paysan
partant en retraite et finalement orienté vers un groupement foncier agricole (GFA).
Il a insisté sur la nécessité de mettre en relation consommateurs et producteurs.
Jacques Chèvre s’est réjoui de savoir qu’une personne supplémentaire
s’installait mais a regretté qu’il n’y ait pas davantage de mises en relation,
sauf lors d'une journée comme celle-là à Bergerac. Il fallait soutenir la
transmission des exploitations agricoles. Un membre du public s’est demandé
quelles garanties l’on pouvait avoir sur le fait que les approvisionnements
locaux et /ou biologiques soient privilégiés et non pas l’agro-industrie comme
en Ile de France. Pour la députée, ce qui pourra le garantir, ce seront les
projets alimentaires locaux qui reposeront sur les conseils alimentaires locaux
où tous les types d’acteurs seront présents qui eux-mêmes définiront un cahier
des charges. On peut espérer que la demande locale s’orientera vers
l’agriculture biologique ou du moins vers des méthodes qui respecteront l’environnement.
La table ronde s’est achevée sur ces espoirs.
Texte et photos : Laura Sansot
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