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20/11/2014

UN DIMANCHE APRES-MIDI AU CAFE ASSOCIATIF DE LEGUILLAC DE CERCLES

A 16 kms au Nord Ouest de Brantrôme et à 10 kms de Mareuil, au coeur du petit village de Léguillac de Cercles, vous ne pouvez pas rater ce café associatif dont les membres vous accueillent chaleureusement dès votre arrivée.

Depuis sa création officielle le 15 janvier 2011 (bientôt 4 ans), les bénévoles n'ont pas chômé. Sur les 200 adhérents, une soixantaine d'entre eux s'investissent (et c'est beaucoup pour une association) pour faire vivre ce lieu dont l'objectif premier est de créer du lien, de favoriser les rencontres, de s'enrichir par les multiples ateliers et soirées organisés. Chaque nouvel adhérent peut venir proposer ses compétences et l'association qui soutient le café porte bien son nom : Lezidefuz! On s'en rend compte en lisant la programmation proposée, chaque mois, par toute une équipe car les décisions sont avant tout collectives.

Ainsi, le dimanche 16 novembre, le café avait organisé une journée "Semaine de la solidarité" autour des indiens Kogis de Colombie. Le matin à 11h, était projeté le film "Le chemin des neufs mondes" (1999), réalisé par Gilles Combet. Pour ceux qui l'ont raté, vous pouvez le voir sur ce site : http://edu.ge.ch/chavanne/admin/Administration/Actualites/kogis/films/film01).
Après un repas où chacun était convié à apporter un plat à partager, deux ateliers était proposés pour remplacer "la découverte sensorielle de la forêt au fil d'une balade entrecoupée de lectures" prévue à 14h et annulée pour cause de temps très pluvieux. Nous n'y avons pas perdu au change! Alors qu'un groupe s'activait autour d'un atelier tissage à côté du bar, un autre échangeait autour de la pensée kogi, dans la grande pièce.
Le second groupe était animé par une jeune intervenante, Mathilde, membre de l'association Tchendukua qui défend les territoires des indiens Kogis. Sa présentation, très pédagogique et interactive, était illustrée de citations du livre d'Eric Julien et Muriel Fifils "Les indiens Kogis, la mémoire des possibles" (2009). Tout en évoquant son propre parcours, elle s'est efforcée de montrer le dialogue que la civilisation occidentale pouvait engager avec cette autre culture et en quoi cette pensée des Kogis pouvait l'enrichir. Tout à fait dans l'esprit de ce café qui promeut les rencontres!

Cette association Tchendukua a été créée par Eric Julien en 1997 pour honorer une promesse qu'il avait faite à ces Indiens rencontrés en décembre 1985. A l'époque, un ami l'avait incité à visiter la Sierra Nevada de Santa Marta où résidait ce peuple étonnant. Au bout de 4 jours, il avait été victime d'un oedème pulmonaire. Les Indiens l'avaient recueilli, soigné, guéri. Une fois rétabli, il leur avait demandé comment les remercier. Ils lui avaient alors parlé de la pression exercée sur leurs terres par les colons, la guérilla, les narco-trafiquants qui les poussaient vers les hautes terres où la survie était difficile. Il s'était engagé à les aider à retrouver leurs terres. 

Une citation du film : "Toute culture qui disparaît diminue une possibilité de vie" Octavio Paz. 

Les Kogis sont les descendants d'une des grandes civilisations pré-colombienne, les Tayronas, vieille de 4000 ans, massacrée par les Conquistadors en 75 ans : entre 500 000 et 1,5 million (selon les estimations) à l'arrivée des Espagnols, ils ne sont aujourd'hui plus que 12 000. Ils vivent dans un territoire qui culmine à 5 800 m à 38 km de la Mer des Caraïbes, le plus haut massif montagneux en bord de mer du monde.

La mission dont ce peuple s'investit est de maintenir l'équilibre de la Terre-Mère. Ils s'appellent eux-mêmes les Grands Frères par opposition aux Petits Frères (nous les Occidentaux), non par condescendance mais parce qu'ils étaient présents avant sur ce territoire. Les Kogis constatent que les Petits Frères se préoccupent plus de développer la Terre que de prendre soin d'elle et cela engendre de nombreux déséquilibres. 
Un Mamu (à la fois prêtre, médecin, philosophe qui veille à l'équilibre matériel et spirituel de la communauté et qui acquiert ce statut après 18 ans de formation dans l'obscurité pour voir au-delà des apparences) déclare : "les Petits Frères ne comprennent pas les déséquilibres qu'ils sont en train de provoquer".
Mathilde nous a expliqué que chaque fois qu'un déséquilibre apparaissait, les Kogis se réunissaient pendant des heures, pendant des journées pour en comprendre les causes. Ainsi, si un individu de la communauté commet un acte répréhensible, voire un crime, il ne s'agit pas de poser un jugement. Chez les Kogis, la notion de bien ou de mal n'existe pas. Ce qui importe, c'est de maintenir l'équilibre. Pour cela, l'auteur de l'acte qui a rompu l'équilibre est entretenu très longuement par les Mamus. Cependant, ce n'est pas seulement l'individu lui-même qui se "confesse" (sic) mais la communauté toute entière. Chaque membre doit réfléchir aux liens qu'il a avec ce membre et la part de responsabilité qu'il a dans l'acte commis. On cherche aussi dans l'enfance de ce membre ce qui a pu le conduire à adopter un tel comportement. Nous autres Occidentaux serions bien avisés d'en tirer quelques enseignements...

Les Kogis accordent une place très importante aux émotions qui doivent être exprimées pour pouvoir ensuite être dépassées, le but ultime étant de pouvoir les mettre à distance et accepter ainsi les choses telles qu'elles sont. En ce sens, un membre du groupe a suggéré un lien avec le bouddhisme. Mathilde a montré en quoi cette manière d'aborder les relations pouvaient nous enrichir. Ainsi, dans ce café associatif, avant toute réunion de programmation, pour désamorcer d'éventuels conflits, rancoeurs, pour réguler les tensions qui pourraient polluer des interventions dans la réunion, on pourrait imaginer de prendre un moment pour exprimer (même avec violence s'il le faut) tout ce que l'on a sur le coeur vis-à-vis d'autres personnes du groupe jusqu'à arriver à un état de compréhension mutuelle. Il est vrai que, dans notre civilisation occidentale, nous avons plutôt tendance à taire nos émotions, exprimées souvent mal à propos et entachant nos actes et nos relations. L'objectif est d'atteindre une harmonie dans les relations interpersonnelles (toujours cette notion d'équilibre). Chez les Kogis, quand il y a un conflit entre deux personnes, on peut leur demander de s'allonger au milieu du village et on envoie les enfants pour les chatouiller jusqu'à ce que chacun éclate de rire. Une fois qu'ils ont éclaté de rire, on leur demande de faire un travail d'intérêt général ensemble. Cela les oblige à se parler à nouveau.
Le lien est très important ches les Kogis, à l'image d'une anecdote, racontée par un Indien d'Amérique du Nord, évoquée par Mathilde dans son exposé. Un homme demandait à un autre ce qui, pour lui, était important entre le toi et le moi. Pour donner bonne figure, le second avait répondu : toi! Le premier avait alors suggéré : entre toi et moi, ce qui est important, c'est le ET.
Pour atteindre la justesse des actes et des relations, les Kogis passent beaucoup de temps dans le silence, dans l'écoute et dans les discussions dans l'ombre de la nuhé, dans des villages prévus à cet effet. Toute décision est le fruit d'une longue maturation pour tous les actes importants de la vie. Pensée et action sont donc étroitement liées. 
Parce qu'ils passent un temps très long à observer la Nature, le Ciel, ils sont capables de repérer ce que nous Occidentaux ne sentons plus. Ainsi, ils connaissent la présence d'étoiles que des scientifiques voient uniquement avec des appareils hautement perfectionnés.

Nous avons beaucoup à apprendre de ce peuple qui risque de disparaître si l'appât du gain des Petits Frères se montre sans limite.
L'association Tchendukua (du nom d'un village sacré où les Kogis forment les Manus) se propose donc de récolter de l'argent pour aider ces femmes et ces hommes à conserver leurs terres et leur culture riche de plusieurs millénaires.
Pour en savoir plus : http://www.tchendukua.com/

Belle initiative du café de Léguillac d'avoir fait connaître ce peuple menacé!

Pour aller plus loin, écoutez l'émission du 8 octobre 2013 sur France Culture  : 
http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-nature-24-%C2%AB-chez-les-indiens-kogis-terre-mere-%C2%BB-2013-10-08

Pour information, prochain grand RDV organisé par le café : une journée à Monsec autour du nucléaire et des énergies renouvelables avec des stands associatifs et une pièce de théâtre le soir, "l'impossible procès".

Texte et photos : Laura Sansot

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