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22/12/2016

SOLIDARITE INTERNATIONALE ET RESISTANCE CULTURELLE, ESPOIRS DE LA CAUSE PALESTINIENNE

Le 3 décembre, le comité Dordogne-Palestine, une association créée en 2002, qui oeuvre notamment pour "faire connaître le peuple palestinien, sa culture, son histoire, ses épreuves et ses luttes mais aussi ses aspirations" (retour des réfugiés, reconnaissance de l'Etat dans ses frontières de 1967...), organisait à Périgueux, dans une salle du quartier St Georges, 7 heures de solidarité et d'amitié autour de deux tables-rondes et d'un repas.
http://www.dordogne-palestine.fr/

Comme l'a indiqué Violette Folgado, présidente du comité,
 
la première s'intéressait à la situation actuelle en Palestine "entre volontés citoyennes et espoirs politiques désenchantés" et à sa culture. La seconde s'interrogeait sur la pertinence d'une saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour faire avancer la situation ainsi que sur la question des droits de l'homme et des prisonniers politiques avec deux invités  : Gilles Devers, avocat au barreau de Lyon, qui a sollicité la CPI pour faire condamner militairement Israël au sujet des crimes commis en Palestine et Moncef Chahed, membre du Conseil national et du bureau de l'association France-Palestine, responsable du dossier des prisonniers politiques.
de gauche à droite : 
Noha Rashmawi, Jean-Pierre Roussarie (maire de Coulounieix-Chamiers),Gilles Devers, Violette Folgado, Ziad Medoukh, Moncef Chahed
Nous reviendrons sur la première conférence-débat animée par une journaliste de l'Echo de Dordogne, Isabelle Vitté, qui mettait en présence Noha Rashmawi, directrice de cabinet de l'ambassade de Palestine en France et Ziad Medoukh,  Gazaouis, poète, écrivain, responsable du département de français à l'université Al-Aqza de Gaza, docteur en sciences du langage de Paris VIII.
de gauche à droite : Noha Rashmawi, Isabelle Vitté, Ziad Medoukh
Noha  Rashmawi, invitée à prendre la parole en premier, s'est dit ravie et honorée d'être accueillie dans cette terre d'accueil et de résistance qu'est la Dordogne, une manière de redonner de l'espoir au peuple palestinien qui n'en finit pas de souffrir toujours davantage. Il est enfermé sur des territoires qui ne sont plus que des couloirs, parfois même rejeté de ces couloirs. Certes, des avancées sont à noter : on est passé d'une simple représentation de l'OLP à un délégué général jusqu'à aujourd'hui une ambassade de Palestine en France. La France a pris la tête de l'initiative en faveur de la paix même si elle n'a pas encore reconnu l'Etat Palestinien. Alors que l'on construit des murs au sens propre et figuré (au sein même de la société israélienne prise au piège des colons), en France, certains confondent droit à l'existence d'une peuple et défense du gouvernement fascisant. Or, quand on enferme un combattant de la liberté comme Marwan Barghouti qui a connu déjà 25 années de prison pour avoir simplement demander la coexistence pacifique, cette politique d'extrême-droite est flagrante. La directrice de cabinet de l'Ambassade a plaidé pour un Etat laïc, seul rempart contre la haine.
Ziad Medoukh a rappelé le contexte dans lequel vivaient les Palestiniens. En 35 ans, trois offensives militaires majeures ont été lancées par les Israéliens sans compter les bombardements quotidiens. Un blocus est imposé depuis 10 ans, 2 millions de Gazouis sont enfermés dans la plus grande prison au monde, 230 barrages militaires séparent les villages. En 2014, 2200 Palestiniens ont été tués dans la bande Gaza dont 300 femmes.
Face à cela, les Palestiniens résistent de quatre manières.
La résistance est d'abord militaire mais cette option, légitime selon le conférencier, ne fait pas l'unanimité dans la population d'autant que la trêve respectée par le Palestiniens ne l'est par les Israéliens. La communauté internationale a tendance à se reposer sur les accords d'Oslo pour ne pas intervenir. Elle devient complice. Ainsi, entre 1996 et 1997, trois projets financés notamment par la France ont été lancés : un port, un aéroport et une centrale électrique. Alors que  les trois structures ont été détruites en 2001 par les Israéliens, la France n'a pas demandé des comptes.
Sur le plan politique, l'Autorité palestinienne a créé 130 000 postes mais elle n'a rien obtenu des négociations, elle est isolée par Israël. Noha  Rashmawi s'est inscrite en faux contre l'idée de Ziad Medoukh selon laquelle "l'Autorité Palestinienne négociait pour négocier" : elle négociait car elle n'avait pas le choix face à un Etat dont les Palestiniens dépendaient, sans aucun contact avec l'extérieur et sans armée. En outre, le refus des négociations risquait de stopper les subventions et de contraindre l'Autorité Palestinienne à ne pas verser de salaires (ce qui concerne 50 à 60% des Palestiniens), comme cela avait été le cas pendant deux ans, bloquant l'économie en Palestine. La population avait alors tendance à se retourner contre l'Autorité Palestinienne sans chercher d'autres responsables. Ziad Medoukh a rappelé que la communauté internationale n'avait pas joué son rôle de médiateur. Israël commettait des crimes de guerre et contre l'humanité sans que la communauté internationale n'intervienne. Cette dernière permettait simplement que la Palestine soit membre des Nations Unies. Toutefois, Noha  Rashmawi a indiqué que les Palestiniens, s'ils étaient prêts à négocier alors qu'ils étaient sans cesse attaqués, ne pouvaient pas le faire à n'importe quel prix : les frontières de 1967 devaient être garanties.

La troisième résistance est non-violente mais peu soutenue par l'Autorité Palestinienne : des comités se créent et se mobilisent contre la colonisation, des manifestations s'organisent, des actions citoyennes se mettent en place. L'intervenant a d'ailleurs souligné le courage des pacifistes israéliens dans un pays qui ne se mobilise plus comme dans les années 1980 et 1990 pour dénoncer les massacres.
Au quotidien, une résistance s'opère. Si 1948 a marqué le début de l'exil, aujourd'hui les Palestiniens ont tendance à vouloir rester, même quand les maisons sont détruites. Ziad Medoukh a d'ailleurs expliqué sa position personnelle sur le sujet à la demande d'un membre du public. Il a fait le choix de rester. Là sont ses racines. C'est pour lui un devoir, un choix patriotique. Cela ne l'empêche pas de quitter la Palestine quand il le peut notamment pour l'Europe où il est finalement plus facile de rencontrer des collègues qu'en Palestine même où le blocus rend les rencontres aléatoires. En outre, il est important de rester à côté des jeunes Palestiniens qui n'ont pas les moyens et la chance de sortir du pays. Lui a mis 62h pour arriver en France et n'est pas sorti de Palestine depuis 4 ans.
Malgré les difficultés, les paysans et les pêcheurs poursuivent leurs activités. Les parents continuent d'envoyer leurs enfants à l'école. Selon l'Unesco, en 2015, le taux de scolarisation à Gaza était de 93%. Dans un contexte où, comme l'a rappelé Noha Rashmawi, les Israéliens procèdent à une forme d'épuration ethnique poussant à bout les Palestiniens pour les faire partir, une réelle résistance culturelle apparaît, constate Ziad Medoukh. Des troupes des théâtre émergent en Cisjordanie. Un cinéma se développe, s'intéressant à la colonisation, aux murs qui se construisent et aux offensives militaires. Des écrivains, des poètes, des peintres, des musiciens font parler d'eux de plus en plus. La résistance ne passe pas seulement par les négociations et la lutte armée mais par l'art, la culture, l'éducation et l'attachement à la terre. Les arts peuvent avoir plus d'influence que la politique, selon Ziad Medoukh invité régulièrement dans les salons littéraires pas seulement par des mouvements de solidarité avec la Palestine. Il a d'ailleurs gagné le premier prix de la poésie francophone lors du concours Europoésie 2016 et n'a pu recevoir son prix que le 29 novembre et non en juin, empêché de venir en France par le blocus israélien.
Noha Rashmawi estime que cette résistance culturelle fait peur quand elle a vu le tollé et les menaces de mort qu'avait suscité l'installation d'un stand palestinien sur le marché de Noël des Champs-Elysées.
La question du boycott des produits fabriqués dans les colonies, dans les territoires non reconnus par la communauté internationale, a ensuite été abordée. La décision du gouvernement français de faire de l'étiquetage a suscité un tollé en Israël, faisant passer la France pour antisémite. Si c'est un devoir, un "acte civique de solidarité internationale" de boycotter ces produits pour les Occidentaux mais aussi une "arme économique et politique", selon les deux intervenants, cela reste plus délicat pour les Palestiniens eux-mêmes et engendre des débats très vifs en Palestine. En effet, la main d'oeuvre agricole de ces territoires est en majorité palestinienne. En outre, depuis les accords d'Oslo, tous les produits consommés par les Palestiniens doivent venir d'Israël ou avoir reçu l'aval des Israéliens. Boycotter revient donc à se priver de ressources. Quant au boycott institutionnel, culturel, artistique d'Israël, il n'est pas pratiqué, comme il l'a été pour l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Ziad Medoukh constate que la coopération  scientifique et universitaire entre Israël et l'Europe est bien vivante : en 2015, tandis que 130 chercheurs israéliens ont été invités en Europe pour des projets de recherche, seuls 13 Palestiniens ont été concernés et seulement 8 ont pu se déplacer. Obama, avant son départ de la Maison Blanche a octroyé 38 milliards d'aide militaire à Israël. Pourtant, les Occidentaux doivent envisager ce type de boycott. 
Au moment du débat avec la salle, un membre du public a parlé d'un basculement en France dans la mesure où Israël apparaissait désormais comme un allié que l'on prenait pour modèle, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Or, lutter contre le terrorisme à l'Israélienne, c'était considérer que l'on était occupé par un ennemi intérieur. A ce propos, un des membres du comité Dordogne-Palestine a précisé que l'association participerait au prochain festival périgourdin du Printemps du Proche-Orient sous réserve que les artistes invités se soient prononcés très clairement sur la Palestine.
Quant à Noha  Rashmawi, elle a rappelé la question fondamentale que représentait le droit au retour des réfugiés dans les négociations : 60% de la population d'origine (avant 1948) vivait hors de Palestine. Ziad Medoukh a répondu à la question des postes-frontières de Gaza. Il en existe deux.  L'Egypte, avec à sa tête le général Sisi, impose depuis 2013 des restrictions extrêmes de passage au niveau de Rafah et seulement depuis un peu plus de deux mois, ouvre la frontière 3 jours par mois. Le poste-frontière d'Erez avec Israël laisse passer sous condition les malades pour les envoyer dans les hôpitaux israéliens qui empochent les frais de santé payés par l'Autorité Palestinienne. Israël a prétexté les affrontements au Sinaï pour fermer les frontières considérant que les factions armées avaient des liens avec les Palestiniens. Quant aux pays arabes voisins, s'ils ont été élus pour leur soutien à la Palestine, dans les faits, ils se montrent plus solidaires d'Israël. Les relations entre Gaza et l'Autorité Palestinienne, entité gouvernementale née des accords d'Oslo en 1993, ont été évoquées. Elles restent problématiques car on lui reproche d'avoir abandonné des territoires à Israël. L'Autorité Palestine n'a pas pu empêcher la seconde Intifada (septembre 2000) ni le mouvement des jeunes gazaouis en octobre 2015. Elle reste isolée sur l'échiquier international, même si, sur le plan intérieur, elle l'emporterait si des élections à Gaza avaient lieu.
Le problème politique fondamental est la dépendance de la Palestine vis-à-vis d'Israël. A partir du moment où elle cessera d'être enfermée et dépendante économiquement, elle pourra se développer. Actuellement, elle est condamnée à se battre contre des problèmes matériels vitaux comme la question de l'eau qui devrait manquer de façon majeure dès 2020, selon Ziad Medoukh. 80% des ressources en eau appartiennent à Israël qui bombarde régulièrement ses puits. L'eau coûte 5 à 6 euros les 100 litres.
Tout au long de la table-ronde, les invités ont appelé à l'intervention de la communauté internationale, des mouvements citoyens partout dans le monde qui pouvaient pallier l'absence de mouvement important sur place. Ziad Medoukh invitait non pas à être pro-Palestinien mais pro-justice car il s'agissait avant tout d'une question de respect du droit. 

Texte et photos : Laura Sansot

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