Parce qu’il n’y a pas d’art sans engagement
Parce que les Arts disent que d’autres mondes sont possibles
Parce que des femmes et des hommes tentent de les construire
Parce que les Arts nous affranchissent des frontières et de l’enfermement
Parce que la Dordogne fourmille d’actions et de projets politiques alternatifs
Parce qu’aucun blog ne recense ce foisonnement d’activités militantes, politiques, artistiques et culturelles différentes,
Nous vous proposons Art Péri’Cité :
des agendas et des reportages sur les diverses manifestations ou activités

17/01/2015

LA RUCHE QUI DIT OUI! A MARSAC-SUR-L'ISLE

"La ruche qui dit oui" n'est pas une association d'apiculteurs mais une « start-up sociale et solidaire », telle que présentée sur le site https://www.laruchequiditoui.fr/fr Elle a été créée en France le 21 septembre 2011, date de l'ouverture de la première Ruche dans la banlieue toulousaine (Fauga).
A l'origine, Guilhem Chéron, designer industriel de formation qui a travaillé 15 ans dans le domaine de l'alimentation créative et domestique, et Marc-David Choukroun, issu du monde de la communication et du développement des projets web, associent leurs compétences. Après avoir mûri leur projet au sein de l’incubateur d’une école de commerce, en décembre 2010, ils créent, avec Mounir Mahjoubi, la société Equanum SAS appelée aussi Ruche-Mama. Ils obtiennent le soutien financier de plusieurs entrepreneurs du web comme l'un des fondateurs de marmiton.org mais aussi Marc Simonici (PDG et fondateur de Meetic), Marie-Christine Levet (qui a travaillé pour Disney, Pepsi-Co et Club Internet) cf. http://frenchweb.fr/jaina-capital/136539 et Xavier Niel (patron de Free).
Aujourd'hui, cette entreprise en pleine expansion compte 40 salariés. Le capital social appartient pour près des 2/3 aux fondateurs, 23,7% à un fonds d'investissement de la Banque Postale et 15,6% aux entrepreneurs du web. Si Ruche-Mama est née en France, elle essaime en Europe, en Belgique et en Italie. Depuis l'automne 2014, des Ruches ont été ouvertes à Londres, Berlin, Barcelone et Madrid. En octobre 2014, on comptait 627 Ruches (France et Belgique) mais il faut savoir qu'il s'en crée 20 à 50 par mois! En Aquitaine, on en compte 69 en janvier 2015 et 7 en Dordogne (Marsac, Saint Astier, Terrasson, Montignac, Sarlat, Bergerac, Lembras). Plus de 4000 producteurs participent à ce réseau qui rassemble plus de 100 000 consommateurs. Il s'agit de favoriser les échanges directs entre producteurs locaux et consommateurs mais aussi une alimentation de qualité avec des produits frais et fermiers et de redynamiser les liens sociaux autour de l'alimentation. On privilégie le local car les producteurs ne doivent pas exercer leur activité à plus de 250 kms et il s'agit de rémunérer le producteur au prix juste. En effet, il reçoit environ 83% du prix de vente et le reste est partagé entre, d'une part, les salariés du site qui travaillent au développement de la plateforme Internet, assurent un support technique et commercial et gèrent la construction du réseau et, d'autre part, les responsables de Ruches. Cela permet notamment aux producteurs d'avoir un revenu régulier, sécurisé, rapide (l'argent est versé sur leur compte en moins de 15 jours) et de pouvoir mieux vivre de leur activité.

A la rencontre de Denis Testut, producteur et responsable de la Ruche de Marsac-sur-l'Isle
Si c'est un couple (Denis et Sophie Testut), qui a ouvert cette ruche fin novembre 2014, au niveau national, ce sont plutôt des femmes (80%) qui sont responsables de Ruches. Denis Testut est éleveur à La Chapelle-Gonaguet et produit de la viande de boeuf, veau et porc. Il a d'abord été contacté par la Ruche de Castillon-La-Bataille en tant que producteur. Il a aussi fourni en viande celle de Saint Astier. Puis, il s'est lancé lui-même en tant que responsable. Sachant qu'une autre Ruche devait se créer du côté de Trélissac, Boulazac, il savait qu'il n'empiéterait pas sur un autre territoire car un des principes éthiques est de favoriser la collaboration et le partage avec les Ruches des alentours. Il a cherché un lieu : Ophélia Camandone et Denis Porcher, dirigeants de la Brasserie artisanale de Marsac-sur-l'Isle (BAM) depuis novembre 2013 située derrière le Mac Do, ont donné leur accord.



Pour Denis, le lieu était idéal, très accessible, avec la présence d'un parking et la proximité d'Auchan. Selon lui, les gens peuvent venir faire leurs courses dans cette grande surface mais aussi passer dans ce lieu alternatif pour un autre rapport à la consommation. Il semble que la Ruche attire de plus en plus de monde. Cela se fait beaucoup par la bouche à oreille et par la presse (la Une du journal la DL a amené 50 adhérents d’un coup !). En moins de 2 mois, plus de 280 personnes sont devenues membres. 1 à 3 personnes s'inscrivent par jour. En moyenne, il y a 40 commandes par semaine. C’est lui qui fixe le nombre minimum de commandes pour se déplacer. Pour le moment, le nombre a été suffisant.
Le travail de Denis est de trouver des producteurs. Il explique que cela n'a pas été très compliqué pour lui. Grâce aux marchés festifs de producteurs (Riberac, Verteillac, La Chapelle Gonaguet...) au cours desquels des producteurs font la cuisine pour faire déguster leurs produits, il avait déjà tout un réseau. Actuellement, il est entouré de près de 25 producteurs dont lui-même qui fournit la viande. Il a même le projet de faire venir des produits d'un pêcheur d'Arcachon pour 2 ou 3 ventes par an. Il met en ligne la liste des produits disponibles et les consommateurs ont 6 jours pour commander et payer en ligne jusqu'au mercredi. Certains produits comme la volaille doivent être commandés plus tôt (au plus tard le lundi midi). La vente a lieu le vendredi soir : les clients peuvent venir chercher leurs produits entre 17h30 et 19h. Ils ont juste à signer les bons de livraison que génère automatiquement le site et que Denis a imprimés la veille. 
Denis Testut vérifiant avec une productrice la liste des dernières commandes que des consommateurs devaient venir récupérer.
Ci-dessous en bas à droite les modèles de glacières professionnelles que Denis Testut utilise pour préserver la chaîne du froid.
Le soir de la vente, il valide le fait que la commande a bien été récupérée. Chaque Ruche a son site auquel on accède en se connectant au site national. Le responsable poste des messages sur l'actualité des produits, sur les prochaines ventes. Entre la préparation des commandes, l'animation du site de vente et du site Internet, il compte en moyenne 5 à 6 h de travail par semaine. Le complément de salaire que lui apporte cette activité, le rapport direct au consommateur, la sécurité des paiements et de l'écoulement de sa marchandise le motivent particulièrement. 
Quant aux produits distribués, "ce sont ceux que je mange", dit-il. Quand il propose des produits transformés comme les yaourts, il veille à ce qu'il n'y ait pas de conservateur ni de colorant. Ce n'est pas systématiquement du bio mais il se montre soucieux de la qualité des produits. C'est d'ailleurs ce que viennent chercher les consommateurs. Josiane, 60 ans, sortant avec son panier, explique que "[s]on mari est de la campagne. Il aime tout ce qui est fermier". Puisqu'il fait lui-même le jardin, elle achète peu de légumes mais plutôt du lait, de la crème et du beurre et des volailles. Si elle ne recherche pas nécessairement des produits bio, elle recherche la qualité et reconnait qu'il est difficile de trouver des fermes autour de Périgueux. La Ruche est un moyen d'y accéder. Stéphanie, 42 ans, habitante de La Chapelle Gonaguet, qui a connu la Ruche par une information par mail des voisins et parce que M. et Mme Testut était des "connaissances de village" n'est pas non plus une adepte du bio à tout prix. Elle cherche surtout des "produits originaux" que l'on "ne trouve pas dans les rayons des grandes surfaces". Elle souhaite plutôt « manger local » et n'est pas du genre à manger "des tomates en hiver", par exemple. Il s'agit de "consommer autrement". "On court-circuite les autres filières et on évite les transports importants (...) Quitte à payer le même prix, je préfère acheter dans une Ruche que chez Auchan". Son idée est de "redynamiser le local". Elle poursuit : "On connaît les producteurs". Caroline, toute jeune sexagénaire, y est elle aussi favorable : « il n’y a pas d’intermédiaire, c’est plus logique, quand on sait combien les producteurs ont des difficultés ». Elle poursuit : «On est dans le local, il y a moins de frais, pas de transport d’avion ». Pour elle, c’est aussi « un moyen de rencontrer des gens ». Le seul souci est de « devoir anticiper les achats 2 jours avant » mais cela reste plus commode que le marché qui n’est « pas adapté à ses horaires » et qui suppose de trouver, souvent avec grande difficulté, une place pour se garer si l’on ne se lève pas assez tôt. De la Ruche, elle attend qu’il y ait encore davantage de produits mais elle sait que c’est le début et qu’il y a déjà beaucoup de producteurs.

En tant que vendeur, Denis Testut est plus intéressé par ce système que par celui des AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne) car cela est "plus contraignant". Il faut s'engager sur des paniers qui, dans certains cas, ne sont pas très variés notamment en hiver, explique-t-il. Les AMAP sont animées par des bénévoles et cela n'est pas toujours fiable. Pour lui, ce mode de vente est « plus souple ». "C'est à la carte". C'est ce qu'exprime aussi Caroline, qui a été membre de ce type d'association mais en est revenue. "Un panier imposé pour nous qui sommes deux" n'était pas pratique, raconte-t-elle. Elle avait dû s'arranger avec une autre personne mais l'entente n'avait pu durer et un souci avec la productrice l'avait fait renoncer. Pour Stéphanie, l'AMAP n'est pas adaptée : "on est quatre, je ne cuisine pas assez". L'AMAP suppose des gros colis, explique-t-elle, alors qu'elle peut prendre des produits pour 1kg. D'ailleurs, elle n'a pas pris une grosse commande : « j’en ai eu pour 15 euros », confie-t-elle. Malgré tout, elle s'interroge sur l'origine du concept et sur les motivations des fondateurs de cette société liés à de grandes enseignes et sur le fait que les produits ne sont pas moins chers. Elle sait, par une connaissance, qu’ « il y a une controverse », voire une « gue-guerre » entre les Ruches et les AMAP et sait qu’un texte est paru intitulé « La Ruche qui dit non ! ». Nous avons retrouvé des références :
Un autre article ouvre le débat qui n’est donc pas terminé : 
A vous de vous faire votre avis!

Depuis ce reportage, la Ruche qui dit oui! de Marsac sur l'Isle a fermé ses portes (juillet 2016)

Texte et photos : Laura Sansot

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire