Le 14 février, l'Agora de Boulazac recevait les
artistes du spectacle Antipodes, une création d'avril 2016
mise en scène par Gaëtan Levêque qui rassemble des circassiens et
danseurs d'Europe, des Caraïbes et d'Argentine.
photo extraite de :
http://www.spectable.com/antipodes-gaetan-leveque-metis-gwa/333176/363487
Gaëtan Levêque, co-fondateur du
collectif AOC http://collectifaoc.com/ créé en 2000, et metteur en scène, est bien connu à l'Agora où
il a présenté plusieurs spectacles, engagé en 2012 pour un
compagnonnage de 5 ans avec le Pôle National Cirque. Ce circassien,
diplômé du Centre National des Arts du Cirque de
Châlons-en-Champagne (CNAC) depuis 1999, est spécialisé en
trampoline et portées acrobatiques.
Gaëtan Lévêque au micro
Antipodes
est sa troisième collaboration avec le Plus Petit Cirque du Monde (PPCM) http://www.lepluspetitcirquedumonde.fr/,
dirigé par Elefterios Kechagioglou, implanté à Bagneux (92) dans
un quartier prioritaire qui a pour ambition l'accès aux pratiques
artistiques et culturelles des publics populaires et le développement
par le cirque du lien social, l'autonomie, la prise de risque
mais aussi la mixité et la socialisation.
photo extraite de : http://www.lepluspetitcirquedumonde.fr/le-ppcm/lequipe/
Cette association "cherche à
expérimenter et à tester de nouvelles formes d'écriture, de
nouveaux rapports avec le public". Elle souhaite promouvoir
"de nouveaux modèles de création axés autour du croisement
des disciplines" et d'une "grande exigence
artistique associés à des thématiques citoyennes". Elle
s'engage notamment dans des projets internationaux dont le premier
était Hip Cirq Europ' (2012-2014). Le deuxième Antipodes
découle du précédent, un projet où Gaëtan Levêque était déjà
investi. Il y avait dans la première création une volonté de mettre en
place des résidences créatives et itinérantes. Dans le suivant,
Gaëtan Levêque a choisi de l'ouvrir à l'international. Au départ,
en 2014, il a réuni une vingtaine de jeunes artistes émergents de
trois continents (Europe, Afrique australe et Amérique centrale et
latine). En effet, comme il l'a expliqué lors du bord de scène,
interrogé à ce sujet par un spectateur, l'idée est venue d'un
"projet de rencontres de plusieurs artistes : des danseurs
caribéens et métropolitains au début puis des artistes venus du
Chili, de Madagascar..." Il s'agissait de "faire se
rencontrer des artistes d'origines différentes travaillant sur des
techniques différentes (danse, cirque, performance...)".
Aujourd'hui, le spectacle s'est resserré sur dix artistes qui
n'ont pas hésité à évoquer leurs origines.
de gauche à droite : Basile
Forest, Victoria Belem Martinez, Guillaume Amaro, Richard Ambroise,
François Makerson
François Makerson
vit à Haïti. Ce projet lui a "permis de
rencontrer d'autres artistes", lui qui
vient d'un "pays où il n'est pas facile
de voyager".
Depuis 2005, il se consacre entièrement à
la danse grâce à une bourse donnée aux meilleurs artistes de son
pays. Son art est le fruit de diverses influences : hip-hop, danse
classique, moderne, traditionnelle haïtienne. Selon lui, Antipodes
va au-delà d'un spectacle. Il est "une
expérience de vie".
Richard Ambroise vient de Sainte
Lucie mais est diplômé de l'université de Paris VIII Saint Denis
en jazz et danse contemporaine. Il a aussi été formé au théâtre.
Sa danse est marquée par "les traditions de son île".
Guillaume Amaro, originaire
d'Amiens, diplômé du CNAC en 2008, acrobate, spécialiste de mat
chinois, intervient en tant que remplaçant sur cette création
depuis 5 représentations qui lui ont déjà montré toute la
richesse de "travailler avec d'autres milieux et d'autres
contrées".
Victoria Belem Martinez est
originaire d'Argentine. D'abord gymnaste de haut niveau, elle se
tourne vers le cirque : elle est alors contorsionniste et acrobate.
Elle arrive ensuite en Europe, en Espagne puis en France où elle se
forme à l'Ecole Nationale des Arts du Cirque de Rosny puis au CNAC
dont elle sort diplômée en 2013. Ce projet lui permet de travailler
avec des personnes qu'elle connaissait très bien (Basile Forest et
Justine Berthillot) et d'autres pas du tout, a-t-elle précisé, une occasion pour elle qui a
déjà une "double culture", de "découvrir
la culture caribéenne". Dans le spectacle, Victoria Belen
Martinez danse magnifiquement avec un arc.
Basile Forest a exactement le
même parcours en formation en France que sa collègue argentine,
spécialisé dans le portique coréen et le main à main. Dans le
spectacle, on l'a vu aussi jouer du violon dans un art qui mêle
prestation musicale et acrobatique, l'instrument semblant sans cesse
lui échapper.
Justine Berthillot,
comme Victoria Belem Martinez, a commencé par la gymnastique puis
elle s'est formée à la danse contemporaine et au cirque tout en
obtenant une licence de philosophie. Elle a été diplômée du CNAC
en 2014. On l'a vue récemment dans un court-métrage (Sur ton dos) diffusé lors
de la soirée 30'30 à l'Agora, le 24 janvier 2017.
de gauche à droite :
Leedyah Barlagne, Justine Berthillot,
Maël Tebibi, Ronnie Young alias Crush (au micro), Basile Forest,
Victoria Belem Martinez
Ronnie Young est originaire de
Grenade, repéré par l'Alliance française et le ministère de la
culture. Il est un représentant de la culture hip-hop qu'il défend
comme un mode de vie.
Maël Tebibi est un danseur
acrobate, franco-tunisien. Il a suivi une formation à l'école du
cirque de Lyon puis au Lido-centre des arts du cirque de Toulouse. Il
s'est nourri depuis l'enfance de gymnastique, de trampoline, capoeira
et hip-hop.
de gauche à droite : Natty
Montella et Leedyah Barlagne
Natty Montella est originaire de
Guadeloupe mais est née à St Denis. Elle a remplacé au pied levé Jessy Duhamel,
une danseuse de la culture hip-hop, et a dû tout apprendre en une
semaine. Comme dans la danse, elle a pu réaliser combien le cirque
était une "dévotion". Elle s'est dite "surprise
que cela fonctionne si bien", espérant que cela donne envie
à d'autres de travailler ensemble.
Leedyah Barlagne est
aussi originaire de Guadeloupe mais née à Rouen, a-t-elle confié
au public. Enfant, elle "allai[t] au
cirque mais n'avai[t] jamais travaillé avec des circassiens".
Elle a remarqué leur "rapport au corps
très particulier : ils sont tout le temps en train de s'entraîner", a-t-elle observé. Cependant, elle reconnaît s'être impliquée au-delà de la
création musicale par son corps et sa voix (parties parlées).
Pour ce projet, Gaëtan Lévêque a
travaillé avec Métis Gwa, créée en 2007 et dirigée par Sophie
Balzing. Cette association guadeloupéenne soutient la culture et les
arts en Outre-mer et au-delà. Ses projets artistiques incitent au
dialogue entre danses hip-hop, contemporaines et traditionnelles et
arts du cirque, qui, comme l'a rappelé Gaëtan Levêque, sont peu
développés dans cette région du monde, à l'exception de Cuba.
L'association favorise, depuis 2011, la rencontre d'artistes
caribéens et d'ailleurs.
Pendant deux ans, les artistes ont donc
travaillé sur le projet qui a permis que les uns découvrent la
Caraïbe et les autres l'Europe. Les Caribéens ont amené un certain
souffle, leur "énergie de création", selon le
metteur en scène, et la variété des danses dont le Gwo Ka, danse
guadeloupéenne. Les Européens ont apporté leur connaissances des
arts du cirque contemporain. En ce sens, Gaëtan Levêque reconnait
que cette création a eu des visées pédagogiques.
Bertrand Landhauser est le compositeur
des créations du collectif AOC depuis ses débuts et c'est
naturellement que le metteur en scène l'a choisi pour travailler sur
le plateau avec Leedyah Barlagne. Il s'est immergé dans la
compréhension des sept rythmes de base du Gwo'Ka et a travaillé
avec le chorégraphe guadeloupéen Jean-Claude Bardu qui a beaucoup
influencé la partition musicale composée spécialement pour ce
spectacle.
La chanteuse et percussionniste est
présente tout le long de la repréentation et plonge d'emblée le spectateur
dans un autre univers. Seule sa voix envoûtante résonne dans le
noir puis elle apparait toute de blanc vêtue progressivement
rejointe depuis la pénombre par les danseurs autour d'elle. Le
spectacle alterne séquences individuelles et collectives, comme pour
illustrer "ce qui les sépare et les
relie". Une thématique chère au
metteur en scène qui travaille depuis plusieurs années sur "la
dualité entre le groupe et l'individualité".
Perpétuellement en mouvement, les artistes d'horizons les plus
lointains semblent mêler leurs arts et s'unir dans un voyage
imaginaire. L'acrobate ou le danseur ne reste pas seul longtemps.
Danse hip hop et portées acrobatiques cohabitent. Le cirque lui-même
essentiellement basé sur l'acrobatie devient danse. La musique
alterne rythmes traditionnels avec la force du tambour, ambiance
nocturne, accents jazzy et hip-hop. Le spectacle s'achève par une
communion des artistes formant un seul choeur/coeur sur des rythmes
rapides, apothèose du travail en commun qui leur a permis de
partager leurs arts et leurs différences dans un plaisir
communicatif. Le public composé de nombreux jeunes a chaleureusement
applaudi la chanteuse et musicienne, les danseurs et les acrobates.
Le spectacle a été créé à
Basse-Terre en Guadeloupe en avril dernier. Il a été programmé
depuis à Paris et en région parisienne, au festival Danses métisses
de Cayenne, à Elbeuf (76). Les artistes se retrouveront pour une
tournée dans le petites Antilles en mars 2018.
Les photos étaient interdites pendant la représentation pour ne pas gêner les artistes.
Texte et photos (sauf mention contraire) : Laura Sansot
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