"L'art est ouvert" est une
initiative de l'Agence culturelle de Dordogne qui a lieu dans le
département chaque automne depuis 1998, en lien avec plusieurs
associations culturelles. Cette année, cette manifestation s'intégrait
dans celle plus vaste de "Design, design..., une saison de design en Région Aquitaine",
une proposition du Ministère de la Culture et de la
communication (par l'intermédiaire de la DRAC) et de la Région
Aquitaine. Lancé le 19 septembre à Nontron, nouveau partenaire
d'exposition avec Montflaquin en Lot et Garonne, autour du design
graphique, "l'art est ouvert au design" était aussi introduit à l'espace
culturel François Mitterand de Périgueux par une exposition didactique
sur le sujet lui-même mis en question : "le design, c'est ?" conçue par
la commissaire Jeanne Quéheillard, théoricienne du design et
enseignante à l'Ecole
supérieure d'Art de Bordeaux. Celle-ci définissait en préambule de cette
série
d'expositions sa vision du design : celui qui "travail[e] à l'articulation entre les usages et la plasticité d'une production", "une volonté de donner forme à ce qu'une société produit, soutient la part de l'art dans l'industrie".
http://www.culturedordogne.fr/la-saison/spectacles-expos/item/1522-l-art-est-ouvert-au-design.html
Parmi les 8 expositions en Dordogne prévues jusqu'en septembre 2016 http://www.culturedordogne.fr/la-saison/spectacles-expos/item/1522-l-art-est-ouvert-au-design.html, se tient au 9 octobre au 28 novembre 2015, au centre culturel Jane Poupelet, celle de Véro et Didou.
Le vernissage avait lieu le vendredi 9 octobre présenté par le directeur du centre culturel, Pierre Ouzeau, le président, André Fernandez, et l'élu à la culture, Daniel Whittaker. Après avoir rappelé le contexte de l'exposition, Pierre Ouzeau a souhaité "la bienvenue au pays de Véro et Didou",
des "designers et artistes"
à l'univers fait d'humour et de contrastes, d'odeurs, de métal,
d'objets de récupération, de formes évoquant celles de Cocteau, citant
en autres des tubes transformés en chaise bibendum,
une lampe faite d'éléments de gouttière,
Voie d'eau
une autre faite de chaînes,
Chéri Bibi
une autre encore faite de contre-poids
Filipendule
un étonnant Christ souriant à l'entrée,
se félicitant de mettre en avant des "gens éminemment sympathiques" qui "travaillent bien en Dordogne".
Le président, aussi très enthousiaste de les accueillir pour la
première fois à Ribérac, s'est interrogé sur le sens du terme designer
formant même un néologisme pour souligner l'originalité de leur travail,
a salué leur participation à la protection de la planète par l'emploi
de matériaux de récupération agencés, grâce à leur imagination, pour en
faire des objets utilitaires en y apportant une touche artistique.
Quant
à Daniel Whittaker, il a apprécié d'accueillir le nombre important de
visiteurs venus pour l'occasion dans une période où "la culture est en grande souffrance".
Enfin, les invités, Véronique Faure et Didier Gérard, alias Véro et
Didou, se sont dit émus et flattés d'avoir été sélectionnés mais ont
précisé qu'ils ne se revendiquaient pas comme des designers, doutant, de
ce fait, d'être à la hauteur, estimant que leur production se
différenciait de l'objet de cette manifestation culturelle.
Le président du centre culturel et l'élu à la culture
Afin
de comprendre pourquoi ces deux complices dans la vie (ensemble depuis
plus de 30 ans) comme dans l'atelier ne se considéraient pas comme des
designers, nous sommes allés les rencontrer chez eux pour qu'ils nous
racontent leur parcours.
Le
bac en poche, Véro s'est orientée vers les Beaux-Arts à Bordeaux et
l'histoire de l'Art à Paris, où elle a rencontré Didou, lui, inscrit en
fac d'histoire. Partis l'un et l'autre de chez leurs parents sans
argent, ils ont vite délaissé les études et enchaîné toute sorte de
petits boulots pour subvenir à leurs besoins, allant de coursier à
animateur en centre aéré en passant par des chantiers de peinture ou de
menuiserie entrecoupés de quelques créations de décor pour des
spectacles de copains artistes, en gardant en tête cet intérêt commun
pour la décoration.
Ils ont alors eu l'opportunité de travailler sur un premier film auprès d'un chef décorateur et c'est une expérience formatrice qui s'est offerte à eux pendant plus de 10 ans, période pendant laquelle ils ont adopté le statut d'intermittents du spectacle. Entre deux films, le couple bénéficiait de temps libre, propice à la création. Les décorateurs ayant toujours un atelier chez eux, occasion de "bidouiller des choses", ils se sont mis à faire des lampes. Dans un espace réduit, ces objets petits étaient faciles à concevoir et réaliser, créaient une ambiance, une atmosphère. Destinés à leur usage personnel, ils ont attiré l'attention de leurs copains, devenus clients. Ceux-ci les ont encouragés à les présenter à des boutiques de luminaires. C'est l'Espace Lumière qui leur a mis le pied à l'étrier et exposé leur première lampe Fet' Nat' pour ensuite les encourager à démarcher leurs confrères, suite au succès que leur modèle avait reçu.
Ils ont alors eu l'opportunité de travailler sur un premier film auprès d'un chef décorateur et c'est une expérience formatrice qui s'est offerte à eux pendant plus de 10 ans, période pendant laquelle ils ont adopté le statut d'intermittents du spectacle. Entre deux films, le couple bénéficiait de temps libre, propice à la création. Les décorateurs ayant toujours un atelier chez eux, occasion de "bidouiller des choses", ils se sont mis à faire des lampes. Dans un espace réduit, ces objets petits étaient faciles à concevoir et réaliser, créaient une ambiance, une atmosphère. Destinés à leur usage personnel, ils ont attiré l'attention de leurs copains, devenus clients. Ceux-ci les ont encouragés à les présenter à des boutiques de luminaires. C'est l'Espace Lumière qui leur a mis le pied à l'étrier et exposé leur première lampe Fet' Nat' pour ensuite les encourager à démarcher leurs confrères, suite au succès que leur modèle avait reçu.
Très vite, la machine s'est mise en marche, il a fallu reproduire, créer
des lignes pour honorer les enseignes comme "Volt et Watt" ,
"Paris-Musées" ou encore "Villa Marais" qui les accueillaient à présent.
Au bout d'un certain temps, le
couple s'est résolu à créer une SARL qui a finalement perduré 10 ans de
1993 à 2003 avec un bon chiffre d'affaires, Véro étant salariée et Didou
bénéficiant de dividendes.
Le démarchage s'est alors fait par le biais de salons internationaux comme celui de la Maison et de l'Objet à Villepinte. Pendant près de 10 ans, ils ont participé aux deux sessions annuelles en janvier et en septembre : "on était la tête dans le guidon", se souviennent-ils. Le fait d'avoir travaillé avec de grandes enseignes les a contraint très vite à respecter des contraintes d'industriels : nécessité d'apposer des codes-barres, de subir des règlements à 90 jours, de stocker les commandes dans un atelier aux dimensions étroites, de multiplier les emballages et d'en commander en quantités industrielles pour une production artisanale en termes de chiffres. "Les problématiques de conditionnement devenaient plus importantes que les considérations de ligne et d'esthétique de l'objet", explique Véro. Si le couple d'associés voulait tenir, il fallait passer la vitesse supérieure. "On avait le vent en poupe, on avait beaucoup de parutions en presse, on était de plus en plus démarché". Lors d'un séminaire de la marque La Roche Bobois, certaines de leurs lampes ont été sélectionnées et présentées. Les commandes ont afflué les submergeant...Il aurait fallu embaucher, ce qu'ils ne souhaitaient pas, ou bien s'enquérir d'un éditeur qui assure la fabrication des objets, ce qu'ils n'ont pas trouvé.
Ils gardent néanmoins de cet épisode un souvenir plaisant, celui de leur suspension "Sauvageon" (modèle phare reproduit à plus de 2000 exemplaires) échoué au fond de l'Atlantique alors qu'il s'apprêtait à être présenté à une convention aux Etats-Unis!
Le démarchage s'est alors fait par le biais de salons internationaux comme celui de la Maison et de l'Objet à Villepinte. Pendant près de 10 ans, ils ont participé aux deux sessions annuelles en janvier et en septembre : "on était la tête dans le guidon", se souviennent-ils. Le fait d'avoir travaillé avec de grandes enseignes les a contraint très vite à respecter des contraintes d'industriels : nécessité d'apposer des codes-barres, de subir des règlements à 90 jours, de stocker les commandes dans un atelier aux dimensions étroites, de multiplier les emballages et d'en commander en quantités industrielles pour une production artisanale en termes de chiffres. "Les problématiques de conditionnement devenaient plus importantes que les considérations de ligne et d'esthétique de l'objet", explique Véro. Si le couple d'associés voulait tenir, il fallait passer la vitesse supérieure. "On avait le vent en poupe, on avait beaucoup de parutions en presse, on était de plus en plus démarché". Lors d'un séminaire de la marque La Roche Bobois, certaines de leurs lampes ont été sélectionnées et présentées. Les commandes ont afflué les submergeant...Il aurait fallu embaucher, ce qu'ils ne souhaitaient pas, ou bien s'enquérir d'un éditeur qui assure la fabrication des objets, ce qu'ils n'ont pas trouvé.
Ils gardent néanmoins de cet épisode un souvenir plaisant, celui de leur suspension "Sauvageon" (modèle phare reproduit à plus de 2000 exemplaires) échoué au fond de l'Atlantique alors qu'il s'apprêtait à être présenté à une convention aux Etats-Unis!
A la faveur du non renouvellement du bail, le couple a décidé de quitter Paris et de s'installer en Dordogne d'où Véro était originaire et où ils avaient trouvé une maison à restaurer sur les hauteurs de Trélissac, travaux qui devaient durer 10 ans. En 2002, à 39 et 42 ans, ils commençaient une nouvelle vie à la campagne tournée vers l'autonomie, proche de la nature où le jardin prenait une place importante, tout en continuant d'honorer leurs commandes et de faire des salons. Toutefois, la période faste semblait toucher à sa fin, les attentats du 11 septembre ayant, semble-t-il, sonné le glas de cette époque. Ils se souviennent notamment du salon de Villepinte de septembre 2011 largement affecté par les évènements. Ils ont donc choisi de ne plus participer à de grandes manifestations et de travailler localement avec pour objectif de trouver des sous-traitants locaux. La façon de travailler est devenue plus intimiste. En région parisienne, il s'agissait de produire de grosses quantités avec la pression permanente de devoir sortir une nouvelle collection tous les six mois. Tout en restant très axés sur les luminaires dont certains sont depuis quelque temps dérivés de bouteilles de gaz,
C4H10
C3H8
ils ont élargi leur
activité à la serrurerie, au travail du métal pour faire
des escaliers, des fenêtres et du mobilier. Didou travaille davantage
sur le gros oeuvre, les matériaux bruts, activité plus masculine, tandis
que Véro se charge des pâtines et autres traitements de surface. La
maison et l'atelier, de dimensions incomparables avec le logement de
banlieue parisienne, permettent des productions de plus grande ampleur,
donnant à Didou la possibilité de développer, selon sa compagne, sa "capacité à envisager les volumes", qualité qui, selon elle, les distingue.
L'atelier de Trélissac
La
maison a pris des allures de show-room, peuplé d'objets de leur
création, permettant de montrer leurs produits et d'y recevoir leurs
clients auxquels, nouvelle corde à leur arc, ils proposent dorénavant du
sur-mesure. En effet, ceux-ci se considèrent davantage comme des artisans ou fabricants d'objets du quotidien que comme des designers, d'ailleurs bien en peine de trouver une définition de ce concept. On les voit, à ce propos, dans leur pièce à vivre cherchant en vain une définition du terme dans un dictionnaire Robert de 1978 qui ne le recensait pas encore.
C'est dans l'univers tout aussi intime de ce café-librairie nouvellement ouvert à Périgueux "les Ruelles" qu'ils exposent certains de leurs objets.
Si effectivement Didou tient à réaliser lui-même les objets qu'il a élaborés sans même les dessiner, tant il aime à manipuler la matière, si le couple dit travailler à l'instinct, un objet pouvant servir d'esquisse à un autre, s'il ne cherche pas à produire des objets conformes aux impératifs d'une production industrielle, s'aventurant parfois dans la réalisation purement artistique sans visée fonctionnelle d'une sculpture de bouteilles de gaz comme celle présentée pour la première fois dans l'exposition de Ribérac, alors, en effet, Véro et Didou ne sont pas designers comme on l'entend habituellement. Ou bien, suggère Didou, ils travaillent dans le registre du design alternatif.
C'est d'ailleurs ainsi qu'ils ont tenté de concevoir la présentation de leurs productions faites souvent à partir de matériaux de récupération, acier, aluminium, ardoise, bois, cuivre, étain, plâtre, verre, souhaitant proposer un "mixte".
Pouic-Pouic à gauche et Accroche-fleurs à droite
Il
s'agissait d'honorer l'invitation qui leur était faite de participer à
cette manifestation régionale sur le design par des oeuvres qui ont fait
les beaux jours de leurs 10 années de salons comme le sauvageon,la lampe en verre mise en avant sur la plaquette d'un des salons Maison et Objets de Villepinte,
Luciole en verre
ou
bien le porte carte-postale, tout en proposant cette sculpture en
bouteille de gaz à l'extérieur ou cette lampe, prémisse du design, du
style années 30, réalisée avec de la pâte de verre venue du Japon et
pesant plus de 3 kg.A partir d'un espace assez réduit, ils ont créé un espace intime en comblant cette pièce donnant sur la rue par des plateaux de plâtre,
en construisant un rideau de bouchons
afin de mettre en avant les luminaires et les ombres portées tout en élaborant un sens de circulation autour d'une table aux pieds si fins pour une dimension impressionnante.
Dehors, la sculpture de bouteilles de gaz complétait l'exposition qui vaut le déplacement car les créateurs se font plutôt rares depuis qu'ils ont quitté l'univers des salons.
Si plusieurs expositions en Dordogne font appel à eux pour participer à des manifestations où se côtoient différents créateurs (récemment les 35h de création à Trélissac http://artpericite.blogspot.fr/2015/09/2e-edition-35h-de-creation-pour-la.html, L'art est dans ma Nature 2015 chez Philippe Chambost http://artpericite.blogspot.fr/2015/06/rendez-vous-aux-jardins-2015-edition.html), peu nombreuses sont celles qui leur sont entièrement dédiées, leur modestie et leur souci d'une production plus confidentielle basée sur des objets uniques en sont sûrement la cause. L'exposition de Ribérac présente un petit échantillon de leur travail pourtant très riche essentiellement autour des luminaires et l'on attend donc avec impatience celle qui valorisera toutes les multiples facettes de leurs créations qui se diversifient au fur et à mesure des années.
http://vero-didou.wix.com/luminaire-meuble
Texte et photos : Laura Sansot
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