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23/01/2016

TROIS JOURS DE CONCERTS PERIGOURDINS POUR WALLY

Les 15,16 et 17 janvier, le CRAC de St Astier accueillait Wally pour 3 jours de musique : un concert chez l'habitant, pratique qu'Agnès Garcenot, responsable de la structure, souhaite encourager à l'avenir, un autre au théâtre de la Poivrière et un dernier à la salle des fêtes de Mensignac intitulé "Best on". Un titre évocateur de l'humour de l'artiste : "le of même avec un seul f, ça résonne en moi comme éteint alors que je pense être encore allumé"! Il s'agissait donc des meilleurs moments de ses précédents spectacles. Il en a écrit 5 depuis 1994 sans compter celui-là!

Le chanteur humoriste était déjà l'invité du dernier festival de la Vallée le 13 mai 2015 avec son spectacle : "J'ai arrêté les bretelles" créé en 2011 http://www.lavallee.info/le-programme/neuvic-13-mai
et ce n'était pas son premier spectacle musical en Dordogne puisqu'il a participé plusieurs fois au festival. Le public étant toujours au rendez-vous, il aurait tort de bouder le département!

Le samedi 16 janvier, en fin d'après-midi, un parcours d'écriture était proposé en partenariat avec dix commerçants de St Astier : accompagnées de l'équipe des Ecritures Collectives Ludiques et Conviviales, une quinzaine de personnes y ont participé. Censées s'inspirer de lieux improbables comme une boucherie, un magasin de lingerie fine, une cordonnerie, un magasin de fleurs pour rédiger quelques textes dont certaines perles ont été saluées par l'artiste, elles ont eu le privilège de voir quelques-unes de leurs productions mises en musique lors de l'apéro-dînatoire à la Poivrière. Wally, visiblement ravi de ce partage, n'a pas manqué de faire partager aux absents de cette soirée, quelques textes triés sur le volet, lors du spectacle du lendemain.
L'artiste, de son vrai nom Lilian Derruau, originaire de l'Aveyron, se considère comme un "chanteur musicien qui fait dans l'humour". "La filière foot étant bouchée", il a bien fallu qu'il fasse autre chose. Enseigner la chaudronnerie dont il était largement diplômé n'a pas déclenché une vocation, lui qui grattait la guitare depuis que sa marraine lui en avait offerte une vers l'âge de 12 ans. Durant son adolescence, il avait même créé un groupe "Wally et Freddy trio à quatre" qui annonçait déjà la couleur de ce joyeux luron et de ses acolytes mais aussi une certaine fidélité puisqu'il collabore toujours avec l'un d'entre eux : Bill Couffignals. Et oui, parce que chez Wally, sous couvert d'humour, pointent quelques valeurs qu'il nous laisse volontiers deviner.
C'est donc vers la musique qu'il s'est définitivement orienté. Il en fait son métier depuis 30 ans. A l'occasion de ses 50 ans fêtés en 2015, il a d'ailleurs fait une tournée d'anniversaire en invitant ses meilleurs copains chanteurs, musiciens, plutôt qu'"un anniversaire surprise (...) avec des personnes qu'[il] n'avait pas envie de voir"!
Si le groupe de son adolescence connaît des changements parmi les musiciens, il enchaîne les dates de 1986 à 1993, se produit même au Printemps de Bourges et dans le off des Francofolies de la Rochelle. En 1993-1994, il commence des spectacles en solo. Grâce à la collaboration avec Chraz (de "Rien à cirer" sur France-Inter), il découvre l'Olympia, le Théâtre des Blancs Manteaux ainsi que les festivals d'humour et de café-théâtre. En 1995, il enregistre son 1er album solo. En 1996, c'est la signature d'un contrat d'artiste avec le label indépendant Boucherie Productions. A partir de 1997, il commence à passer dans des émissions de France Inter, il joue en solo à l'Olympia avec Pigalle, fait la 1ère partie de Pierre Vassiliu à Bobino, des Wriggles à la Cigale, de Zebda au Zénith de Toulouse. En 2000, le rythme s'accélère. Wally enchaîne les festivals mais en 2001, il se retrouve sans sa maison de disque qui a déposé le bilan. Il rebondit l'année suivante en signant un contrat chez Polydor/Universal pour réaliser des DVD (A vendre, 2è démarque) mais la collaboration s'achève début 2006. A partir de cette date, c'est "La Réserve" qui produit, manage et fait tourner les spectacles. En 2003 et 2004, il fait, en autres, pendant 6 semaines, la 1ère partie d'Eddy Mitchell à l'Olympia, en 2007, il joue au Bataclan. En 2009, il commence une collaboration avec Anne Roumanoff sur Europe 1 en proposant des chansons courtes. En 2010, il participe à la création d'un spectacle autour de Vincent Roca "Et le vin fût". En 2013, il se produit pour la première fois au festival d'Avignon où il retourne l'année suivante. Depuis plusieurs années, il enchaîne une centaine de spectacles par an dans toute la France voire même outre-mer, se produit dans de très nombreux festivals.
Après avoir "connu tout le circuit du show biz", il dit être redevenu, par choix, "un musicien de sous-préfecture" car ce qu'il aime avant tout, c'est, comme il l'a exprimé en introduction de son spectacle ce dimanche-là, pouvoir rencontrer "des gens normaux qui disent bonjour et bonsoir". On pourrait y voir de la flatterie auprès de son public de campagne (après tout pourquoi ne pas se mettre les spectateurs dans la poche dès le départ, pourrait-il s'exclamer) mais ce serait ignorer son goût et son plaisir sincères pour "la rencontre", "les rapports simples", ce qui se passe aussi après le concert. C'est pour cela qu'il fait ce métier. "A la limite", explique-t-il, "la scène est accessoire". Son expérience à la Poivrière la veille l'a donc enchanté. Et faire un concert dans un appartement, comme l'avant-veille : "pourquoi pas? Il faut aller là où les gens sont", poursuit-il.
Concert chez l'habitant à Sourzac
photo extraite de  : https://www.facebook.com/profile.php?id=100006396919033&fref=ts
Ainsi, son parcours donne l'image d'un artiste capable de grands écarts entre les petites salles de province comme Mensignac où une cinquantaine de personnes étaient venues l'applaudir et l'Olympia, peut-être parce que cette salle mythique, il l'envisage comme une "grande salle des fêtes" et parce que, finalement, peu importe le lieu, "ce qu'[il est] sur scène n'est pas très éloigné de ce [qu'il est] dans la vie". C'est la même bonne humeur et cette image d'un bon vivant du Sud Ouest avec ce chaleureux accent aveyronnais que l'on retrouve en coulisse. Quant à l'humour, s'il n'est jamais vulgaire, il est toujours sur le fil, étant prêt aussi à rire de tout, comme si Wally l'effleurait pour mieux faire bisquer ses détracteurs en leur tendant une perche qu'ils ne pourront finalement pas saisir. D'ailleurs, quand il évoque ses kilos perdus, après avoir reçu des analyses médicales dont il dit que seule l'adresse était bonne, il parle de ceux qui se sont inquiétés qu'il devienne trop fin! La finesse, elle se cache derrière ses jeux de mots, ses calembours, ses aphorismes, ses sketches, ses chansons longues ou courtes dont il parsème le spectacle et qui s'enchaînent sans discontinuer pour mieux accentuer l'effet comique.
Sous ces formes diverses, l'artiste, l'air de rien, guitare en bandoulière, instille sa vision sociale d'une "époque de décortication" faite d'"enquêtes, sondages, statistiques, observations" en donnant quelques exemples et interprétations "maison". Invitant le public à reprendre une intro musicale du genre "démocratie participative", il la qualifie de "truc de gauche" et finalement "socialiste...socio-libéral...de droite"... Dénonçant les absurdités du monde, il s'amuse, entre autres, à créer des euphémismes comme celui de "personne à immobilité totale" ou "personne à mobilité inversée" (on vous laisse trouver le terme en question). L'industrie de la publicité est l'une de ses cibles favorites : allusion à ces millions dépensés par les collectivités territoriales pour créer des slogans touristiques attractifs, quand l'imagination de Wally n'est pas en reste pour en trouver à moindre coût, ou à ceux investis par les grands entreprises dans le marketing. Comme un pied de nez à la publicité qui se dit très sérieuse, l'artiste a eu l'idée, autour de l'année 1993, de créer des tee-shirts sans pub avec cette inscription : "enfin un tee-shirt où y'a rien marqué dessus"..."même derrière!" car il "aime le marketing clair!". Une réponse à ce slogan des "chips à l'ancienne" parfois affublé de la mention "nouvelle recette", produit dont l'ancienneté n'a pas été réellement établie et termes dont l'artiste s'est permis de douté de la compatibilité.
Lancé sur cette fabrication de vêtements, il est devenu militant...enfin presque! On y a découvert les slogans : "non à la réduction des cous", non au développement du râble"
Il est même devenu "marchand de tapis au sens propre comme au sens propre" avec les paillassons aux slogans pour le moins directifs :"BIENVENUE mais allez vous essuyer les pieds chez le voisins","Paillasson GPS Wally : vous êtes ici"..
Dans un registre plus philosophique, il a pu comparer la phrase "je pense donc je suis" à son contraire (je ne pense pas donc je suis), Sartre à Total, l'un considérant que l'essence précédait l'existence et l'autre l'inverse, ou interroger le public sur cette question majeure : "en matière artistique, le physique influe-t-il sur l'oeuvre?" en se mettant à interpréter la chanson de Carla Bruni "quelqu'un m'a dit".  
Si les élites en ont pris pour leur grade, elle n'ont pas été les seules à se faire égratigner. Ainsi, il s'est livré à une lecture épique de quelques courriers des lecteurs de TéléStar. Evoquant le bon sens paysan, il n'a pas manqué de constater qu'il était bien tenace, en en donnant quelques exemples savoureux, tout en sollicitant le public pour évaluer, à partir de quelques anecdotes, la connerie naturelle distinguant les cons gentils des cons méchants. Il s'est gentiment moqué de la psychanalyse en proposant un objet adapté aux petits porte-monnaie :  le 1er psychanalyste du pauvre (un embout permettant de parler et l'autre de s'écouter)!
Les chansons courtes (de 20 à 30 secondes), il les compose depuis une vingtaine d'années avec l'aide de quelques amis (Bill Couffignals et Philippe Lebrun rencontrés pendant son adolescence et Chraz), sans savoir que l'idée avait déjà germé dans la tête d'un certain Jean Serra (le papa d'Eric Serra, le compositeur de la musique du Grand Bleu). Elle se pratique en cabaret, nous apprend-il, sous le nom de "chansons flash" surtout accès sur l'actualité. Il a déjà commencé à les interpréter en 1999 en première partie de Pierre Vassiliu. Il les considère comme "sa marque de fabrique" accordant autant d'importance au texte qu'à la "musicalité", au "rythme", au "choix du mode majeur ou mineur", au "phrasé". Elles sont précédées souvent d'une petite introduction à la guitare un peu swinguée in english. Fort de cette expérience de plusieurs années sur scène, il a fait faire paraître en 2011 un CD : "99 chansons courtes seulement... parce que cent, c'en aurait fait un peu trop!". Il justifie son penchant pour cette forme parce que, pour son premier disque en 1996, il n'arrivait pas à finir les chansons dites longues. Il avait "le début de 5 ou 6 chansons qu'[il] a eu l'idée d'accoler entre elles, sans vraiment de liens, hormis le fait qu'elles étaient toutes un peu cruelles et [il] a appelé cela "La compil' des pires". Alors, pour achever le spectacle, le public a eu droit à quelques unes de ses chansons courtes sur les religions juives et musulmanes, comme pour coller à l'actualité.
Un pot de l'amitié offert par la mairie était proposé à l'issue du spectacle, occasion pour Wally de rencontrer son auditoire de plus près, même si le dialogue a été permanent pendant tout le spectacle. Une prise de risque pour un artiste qui ne semble pas l'être pour lui, tant il a le sens de la répartie et paraît dégainer les bons mots comme il respire, sachant se moquer gentiment de ses contemporains mais avant tout de lui-même.

Texte et photos : Laura Sansot

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