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18/12/2015

DURANT LA COP21, UN FLOP 21 EN DORDOGNE

Le 10 décembre, à la Bourse du travail, à Périgueux, avait lieu une conférence intitulée "Urgence écologique : sortir du capitalisme". Elle faisait partie d'une semaine de manifestations proposées par le collectif FLOP 21 soutenu par Alternative Libertaire 24. Ainsi, le samedi précédent s'était tenue une rencontre avec Nicolas de la Casinière autour de son livre "Les saboteurs du climat" puis étaient programmés un atelier de permaculture à St Aquilin, la présentation d'un SEL au Café Pluche. Devaient suivre le lendemain un atelier sur le climat au café associatif de Léguillac de Cercles mais aussi un rassemblement le samedi 12 décembre et un concert aux Toqués à Périgueux.

Comme l'a expliqué l'un des membres du collectif, l'objectif était de dénoncer ce qui se passait à la COP 21, considérée comme de "l'enfumage", faire des propositions et tisser des liens. 
C'est Fanny de la commission écologie d'Alternative Libertaire (AL) qui était invitée à faire une présentation du sujet et débattre avec le groupe d'une vingtaine de personnes présentes ce soir-là.
AL réfléchit depuis plusieurs années sur la question des crises écologiques et la COP21 a été l'occasion de faire une campagne et de profiter des mobilisations de type contre-sommet orchestrées au niveau national et régional par la "Coalition Climat 21". Pour l'organisation, il s'agit d'exprimer le lien entre crise sociale et crise écologique, toutes deux générées par le capitalisme. Le dogme de la croissance et du profit conduisent à la sur-exploitation des ressources terrestres et impliquent la domination économique de groupes humains sur d'autres. Les projets socialiste et écologique convergent vers une écologie sociale, à la différence du capitalisme qui pour but l'exploitation de toutes les ressources humaines et terrestres à moindre coût.
Fanny a rappelé les termes de la COP21 : une conférence qui doit relancer les négociations en faveur du climat après la fin du protocole de Kyoto et l'échec de Copenhague. Selon le mandat de Durban, Paris doit aboutir à un accord universel et contraignant notamment pour éviter que la température ne s'élève au delà des 2°C. Il est prévu aussi de mettre en place un fonds d'aide aux victimes climatiques, un fonds d'adaptation mais les pays du Sud souhaiteraient que les pays occidentaux y contribuent largement tandis que ces derniers voudraient que ce soit tous les Etats qui le fassent. Il est difficile de trouver un chiffre officiel concernant ce que contient vraiment ce fonds depuis sa création de principe en 2009. Des débats sont même en cours sur les financements : ouvrira-t-on à des fonds privés, à des banques? Verra-t-on une taxe européenne sur les transactions financières? Pour ce qui est des réductions d'émissions, les propositions des Etats (INDCs) ont été transmises début novembre. C'était la nouveauté de cette COP. Or, elles conduisent, selon les experts, à un réchauffement de 3 ou 4°C. Le texte de l'accord en gestation ne parle pas des questions importantes comme les énergies fossiles parmi lesquelles les hydrocarbures dont seule la crise économique a pu faire baisser la consommation. Les Etats-Unis ne sont pas partis pour signer des accords contraignants d'autant qu'ils travaillent à faire adopter le TAFTA. En revanche, la possibilité de se faire entendre a été un point positif pour les pays du Sud. Pour éviter le réchauffement, il faudrait éviter de dépasser 1,5°C et laisser 85% des hydrocarbures dans le sol.  Depuis 20 ans de négociations, la seule réalisation concrète issue des négociations, ce sont des mécanismes de finance carbone : les marchés de permis d'émission et les dispositifs permettant  de générer ces permis (il s'agit pour des industriels d'investir dans des "projets propres" pour compenser des activités émettrices) que l'on appelle mise en oeuvre conjointe et développement propre. Les marchés carbone ont vu leur logique subvertie en droit à polluer, comme l'explique un film cité par Fanny et vu au festival d'Attac, Les escrocs du pétrole https://france.attac.org/agenda/article/attac-paris-xi-projection-debat-the-carbon-crooks : sur 2000 abonnés des crédits carbone, seuls 33 se sont révélés être honnêtes, les autres étant des mafias implantées au Moyen-Orient ou Asie. Il existe 70 marchés dont le plus gros est celui de l'Europe. Ces permis d'émission n'ont pas été incitatifs.
La Coalition Climat 21 "regroupe plus de 130 organisations de la société civile, des syndicats, des associations de solidarité internationale, des organisations confessionnelles, des  ONG de défense des droits humains, de l'environnement ou encore des mouvements sociaux". http://coalitionclimat21.org/  Parmi elles, Fanny a cité notamment Attac, 350.org qui a mis en place la marche pour le climat à Paris et New York, Greenpeace et autres grosses ONG, Avaaz, Alternatiba, etc... et côté syndicats Solidaires, la FSU, la CFDT. Elle a évoqué aussi des mouvements plus libertaires, antinucléaires, internationaux ou issus des ZAD ou d'autres collectifs contre de grands projets inutiles, qui se sont coordonnés un peu en marge de la coalition et vers lesquels cette dernière a montré quelques signes d'ouverture.
Quelle est l'analyse d'AL sur cette coalition?
Les organisations politiques n'étaient pas invitées à participer en tant que telles à la coalition. De ce fait, n'ayant pas anticipé de monter un collectif libertaire plus large pour s'inscrire dans la coalition sous une autre forme, AL s'est surtout posée en observatrice du mouvement, tout en s'inscrivant  dans certains temps forts (manifestation du 29 novembre, week-end des alternatives de Montreuil, Alternatiba dans différentes villes).
Toutefois, à l'intérieur de la coalition, s'il y a bien une aile gauche anticapitaliste qui met du contenu dans le slogan "changer le système, pas le climat", les discours restent consensuels et malgré la désobéissance civile, la contestation n'émerge pas sous forme de mouvement concret et il y a beaucoup de débats politiques qui n'ont pas vu le jour dans la coalition. Pour Fanny et AL, les vraies causes ne sont que partiellement désignées. Lorsque les mouvements mènent campagne contre telle ou telle banque (BNP notamment) qui investit dans le charbon ou contre une subvention publique aux hydrocarbures, ils leur demandent de moraliser le capitalisme mais les classes sociales dominantes, qui possèdent les moyens de production, prennent la décision finale. La question de la rupture n'est pas vraiment mise en débat dans la coalition.  Certes, il y a dans un mouvement comme Alternatiba le souhait des vivre des expériences d'implication, une volonté de développer des modes de vie plus collectifs, des projets autonomes et des prises de décision horizontales ("quoique", a-t-elle modéré, car pour ce qui est du contre-sommet, les relations avec la coalition 21 sont restées l'affaire des quelques permanents de Bizi!). Toutefois, la question des classes sociales, de leur responsabilité ou de leur vulnérabilité face à la crise écologique n'est que partiellement posée. Or, ce sont les classes moyennes plutôt éduquées que l'on retrouve dans ces mouvements, celles-là mêmes qui sont dépendantes du système capitaliste et qui sont logiquement peu dans la bataille politique et dans la dénonciation de l'organisation sociale actuelle. Pour elles, les alternatives représentent une perspectives d'autonomisation vis-à-vis du système capitaliste, donc une arme d'affaiblissement mais cela ne suffit pas.

La coalition est globalement souverainiste. Or, le personnel politique comme les Etats ont partie liée avec les intérêts des multinationales. De même, la désobéissance civile ne va pas assez loin. Selon elle, tout en voulant participer à un mouvement de justice climatique, il convient de faire porter le débat sur la lutte des classes, sur les oppressions économiques qui s'expriment dans chaque pays, sur la question de la propriété et donc du pouvoir de décider, ce qui constitue une véritable rupture. Pour cela, les syndicats ont un rôle à jouer car cette lutte passe par le travail. Qui pâtit, en effet, de le production telle qu'elle est organisée?  Elle et son organisation prônent l'auto-gestion, la relocalisation, la socialisation des moyens de production qui suppose des choix dans l'intérêt du peuple. Elle parle d'écologie sociale et de sobriété volontaire.

Après cet exposé, Fanny laissait place aux questions réponses avec la salle comme celle sur l'évènement de Montreuil. En effet, avait lieu un sommet citoyen pour le climat dans cette ville les 5 et 6 décembre, occasion de créer un village mondial des alternatives. Il y a eu aussi une marche pour le climat le 29 novembre (interdite, finalement transformée en chaîne humaine mais certains militants ont fait l'objet d'une garde à vue comme Fanny). Cela faisait partie des 4 temps forts organisés pas la coalition auxquels s'ajoutaient une Zone d'Action pour le Climat accueilli au CentQuatre à Paris et deux rassemblements le 12 décembre à l'Arc de Triomphe (lignes rouges) et au Champ de Mars (Alternatiba).
A la suite d'une question, l'intervenante a expliqué que le constat fait dans l'exposé était le fruit de sa participation aux réunions de la coalition les mois qui ont précédé la COP21 mais aussi aux informations prises lors des assemblées générales quotidiennes au CentQuatre. Un membre du public a souhaité attiré l'attention sur la question de l'agriculture, sur la difficulté des trouver des terres à cultiver souvent accaparées par les grosses sociétés agricoles et demandé la position d'AL libertaire à ce sujet. Fanny a évoqué comme lui l'importance de structures comme Terre de Liens et le travail de la Confédération Paysanne, sans qu'AL ait encore développé une branche de son activité pour ce domaine. Elle a souligné les racines communes entre la pensée libertaire et la pensée écologique. Puis un débat s'est engagé sur la question de l'énergie entre Fanny et le public et les auditeurs entre eux. Elle estime qu'il faut relocaliser la production d'énergie, diminuer la consommation, notamment celle concernant la mode et le luxe, favoriser les énergies renouvelables. Un auditeur a abordé le problème du stockage de l'énergie, des éoliennes fabriquées en Chine. La nécessité de développer de nombreuses énergies différentes a été avancée en affirmant qu'il n'y avait pas de solution miracle. Une personne a évoqué les nombreuses pistes que l'on trouve sur Internet pour créer de l'énergie par des moyens dont on parle peu. Une autre a expliqué que la remise en route de tous les moulins hydrauliques en France permettrait la suppression d'une centrale nucléaire. Fanny a souligné qu'on ne pouvait pas éviter néanmoins toute pollution. Dans le livre Les sentiers de l'utopie, elle a fait allusion à des adeptes de la permaculture découvrant que leur impact sur l'environnement n'était pas nul. Une personne a modéré l'idée de décroissance en insistant sur le fait que ce qui devait décroître était tout ce qui était parasitaire (nucléaire civile, spéculation...). Faire vivre l'écologie dans les partis, organisation politique, syndicats semble être un défi. Les cheminots syndiqués se sont mobilisés quand les déchets nucléaires ont été acheminés par le train, rare tentative d'action dans le domaine. Une personne a donné l'exemple d'une alliance du syndicalisme et de l'écologie, des travailleurs et de la Nature, aux Etats-Unis quand une ONG est allée voir des bûcherons afin qu'ils revendiquent d'être payés non à la coupe mais à l'année afin de permettre au bois de se régénérer. Pour rebondir sur une remarque concernant la nécessaire lutte des classes, Fanny a affirmé l'obligation d'abolir le salariat, déploré la verticalité des décisions  prises par des révolutionnaires professionnels dans les partis politiques. Un membre du public a rappelé que cette abolition du salariat avait été inscrite dans le 1er article de la CGT créée en 1895. L'anarcho-syndicalisme avait deux objectifs  : améliorer les conditions de travail et transformer la société. Les anarchistes se sont intéressés à l'écologie comme les géographes Elisée Reclus et Kropotkine. Ont été évoqués aussi les milieux libres, auxquels les ZAD d'aujourd'hui peuvent être comparées, ayant ceci en commun qu'elles regroupent de nombreuses personnes se revendiquant libertaires. Fanny a appelé à une décolonisation des esprits face au capitalisme qui marchandise tous les rapports sociaux. Recentrant le propos sur la COP21, elle a redit son pessimisme sur l'issue de cette conférence qui précède 20 années sans décisions majeures, situation due notamment à une recherche de rentabilité économique de la part des décideurs. Ainsi, il y a peu d'alternatives : soit on sort du capitalisme, soit on s'oriente vers des sociétés de contrôle dans lesquelles les Etats prendront des décisions autoritaires pour limiter la consommation d'eau, par exemple, où les multinationales pourront (et c'est déjà commencé par la grâce des accords de libre-échange) sanctionner des Etats qui prendront des décisions qui leur seront économiquement défavorables. Cela s'appelle la "protection de l'investissement", dogme en vertu duquel la régulation est une entrave au commerce (Véolia a traîné en justice l'Argentine pour avoir augmenté le salaire minimum dans le pays, ses propres salariés faisant partie des bénéficiaires). Dans ce contexte, le concept de crime climatique aura-t-il un effet? En tout cas, il a été reconnu que le temps pressait. La COP21 prendra-t-elle la mesure de l'enjeu? Il est probable qu'elle ne le fasse pas. Les militants, pourtant, souhaitaient se faire entendre et ont donc manifesté le samedi 12 décembre, devant l'ancienne mairie de Périgueux.

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Textes et photos : Laura Sansot

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