Le 7 novembre, l'association "Musique dans nos campagnes" accueillait la chanteuse Leïla Ssina et ses musiciens.
Roselyne Berguin explique que l'association dont elle est membre, née en décembre 2010 pour programmer son premier concert moins de 3 mois plus tard, compte une cinquantaine d'adhérents, dont 6 sont membres du bureau. Parmi eux, son mari, Didier Berguin, s'occupe d'une partie du matériel et assure l'éclairage pendant les concerts tandis qu'un ami sonorise. Les programmateurs ont l'ambition de faire découvrir aux habitants du village d'Antonne et à ceux des alentours des artistes ou des styles musicaux qu'ils n'entendent pas habituellement. Et il semble que cela fonctionne puisque la salle était pleine lors de cette soirée (entre 70 et 90 personnes avaient fait le déplacement).
Roselyne
Berguin constate, avec plaisir, que la manifestation draine un public
de fidèles qui se rendent au concert en faisant pleinement confiance à
l'association, sans connaissance préalable des artistes. Ceux-ci
évoluent surtout dans le domaine de la soul, du jazz, de la chanson
française avec des accents de funk, pop, rock...Si le succès ne se
dément pas, les sponsors ont pourtant peiné cette année à apporter leur
soutien : alors que les années précédentes, trois concerts annuels
avaient lieu, seulement deux cette année ont pu être organisés. Certes,
la mairie d'Antonne, celle d'Escoire, les opticiens Lachal, le Crédit
Mutuel (une fois tous les deux ans), assurent un soutien indéfectible
mais les autres mécènes partenaires ont paru plus frileux. L'association
compte donc sur une augmentation de ses adhérents (l'adhésion étant
seulement de 10 euros par an), ce qui a été le cas en 2015, et un public
toujours plus nombreux lors des soirées concerts pour poursuivre
l'aventure. Le concert précédent "Didier Berguin Trio" avait d'ailleurs
été un franc succès qui a permis d'organiser le concert du 7 novembre
dans de bonnes conditions.
C'est
grâce à Romain Berguin, musicien à Paris, que "Musique dans nos
campagnes" a découvert, dans un club de jazz de la capitale, il y a
presque 3 ans, la chanteuse invitée.
En
première partie, une jeune fille du village qui étudie la harpe au Conservatoire de Périgueux, Laurine Rensy, se produisait en
solo avec au programme des oeuvres classiques, véritable défi pour elle qui est plutôt
habituée aux orchestres symphoniques. Certains membres du public ont
découvert, à cette occasion, la talent de la jeune musicienne. C'est
aussi un autre objectif de l'association de promouvoir les talents
locaux pas nécessairement professionnels, d'associer une exposition
d'arts plastiques, comme c'était le cas le 7 novembre, l'important étant
de mêler les talents, de donner à voir et à entendre, de favoriser la
diversité des arts.
@JBÉVRARD
Leila
Ssina est une jeune trentenaire qui chante depuis toujours, dit-elle.
Elle chantait dans des chorales quand elle était enfant. Elle a a été
formée, quand elle avait 20 ans, aux ateliers de la chanson de Paris
devenus ACP-Manufacture Chanson où elle a suivi des "cours de technique vocale, d'expression scénique, d'écriture...". http://www.leilassina.net/#!bio/cee5 Au cours de cette formation, elle rencontre Edouard Coquard, qui est arrangeur et pratique plusieurs instruments dont la guitare basse avec laquelle il se produisait ce soir-là.
C'est en février 2014 qu'elle réalise avec Edouard Coquard son premier EP dont elle a chanté les 6 titres le 7 novembre. Elle était accompagnée de Romain Berguin aux claviers, Laurent Avénard-Kohler à la guitare et Julien Audigier à la batterie.
Laurent Avénard-Kohler et Romain Berguin
Elle écrit les paroles, compose les mélodies en association avec Edouard Coquard qui fait l'orchestration globale. Ensemble, ils sont d'ailleurs en train d'organiser la sortie prévue en février-mars 2016 en partenariat avec France Bleu du premier album intitulé "Sympa" pour lequel ils travaillent depuis un an. Ils en ont d'ailleurs chanté quelques morceaux. Avec sa voix de jeune fille, elle ne semble pas avoir quitté le monde de l'enfance. Pourtant, ce n'est qu'une apparence car lorsqu'on l'interroge sur ses textes, elle évoque "un regard de trentenaire sur le monde actuel", comme dans la chanson LGDM (La gueule du monde) qui a ouvert le concert : "on est adulte et on se rend compte que l'imaginaire de l'enfance est un énorme leurre".
Ses textes traduisent un monde désenchanté où l'homme domine abusivement la Nature ("depuis que la Nature se fait violer" ou "depuis que les vaches se font presque interner" dans la LGDM), se transforme lui-même au point de se dénaturer ("depuis qu'on peut choisir la taille de son bonnet" ou "depuis qu'on peut s'offrir un visage refait"), où les inégalités sociales (Il faut de tout) sont bien là et les valeurs inversées ("depuis que les enfants éduquent les parents"), où l'argent devient roi ("le matériel prime sur l'humanité"), où il n'est pas facile de joindre les deux bouts ("j'en ai plein l'dos de commencer le mois à zéro" ou "quelques pilules pour oublier que tu finiras le mois dans l'rouge" dans A payer) et où même "il faut acheter le droit d'exister car aujourd'hui, rien n'est gratuit" (A payer). Elle consacre même une chanson à la prise d'otage tragique dans un théâtre de Moscou en octobre 2002 (Kiss Mokton). Dans ce titre aux accents mélancoliques et lancinants, elle manie avec talent contrastes et euphémismes pour raconter cet évènement autour du personnage de la petite Olga dont la joie d'aller au spectacle sera anéantie par cette soirée où "la haine s'habille en hâte".
Même si cela l'attriste ("Ne crois pas qu'ça 'm fait rire" dans la LGDM), même si elle se cache derrière un pseudo ("j'me fous d'la gueule du monde") ou réel cynisme ("il faut acheter les p'tits plaisirs qui nous aideront à mourir" ou "il faut payer pour supporter de trimer pour finir fauché" dans A payer, "Tous au balcon" dans Kiss Mokton), elle parvient à réenchanter son monde, notre monde, le temps d'une chanson par sa sincérité, son souci de rester elle-même, son humour ou cette auto-dérision lorsqu'elle présente la chanson A payer comme un hommage à son compte bancaire. Elle aime, dit-elle, se moquer des incohérences de la société (LGDM) sur un ton ironique ou s'amuse de la diversité des êtres (Il faut de tout). Il y a aussi sa belle énergie sur scène pour chanter dans un style pop groove acide, elle qui souhaitait, dès ses débuts, chanter en français dans un esprit variété internationale. Le public a semblé, ce soir-là à Antonne, très réceptif, attentif et prêt à suivre le tempo de la jeune femme.
Le groupe et la jeune Laurine Rensy à gauche
Pour découvrir son nouvel opus et la suivre dans ses prochains concerts, vous pourrez regarder du côté de ce lien : https://www.facebook.com/ssinaleila/Texte et photos (sauf mention contraire) : Laura Sansot
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