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31/12/2014

CONFERENCE GESTICULEE DE GERARD FOUCHER



Le 10 décembre, la section départementale de la Ligue des droits de l'Homme de Périgueux  accueillait à l'amphithéâtre Jean Moulin de la bibliothèque de la ville, une conférence gesticulée animée par Gérard Foucher.
Comme l'a rappelé la présidente de la LDH Périgueux, Rosemarie Oster-Grellet, il s'agissait de la date anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme par l'Assemblée générale des Nations Unies, en 1948, qui affirmait notamment l'égalité en dignité de tous les êtres humains. 
Le titre de la conférence " Changer la monnaie pour changer le monde" se référait à l'article 25 de la Déclaration qui commence ainsi : " toute personne a droit à un niveau de vie suffisant..."http://www.un.org/fr/documents/udhr/ 

 Petite bio de Gérard Foucher
Gérard Foucher a 60 ans et une vie bien remplie. Une enfance à Paris et une adolescence à Reims le conduisent à se passionner pour le théâtre dès le lycée. Il fait des études d'anglais et de droit, décroche un poste de chef de projet chez Havas. Au début des années 1980, il embarque sa petite famille sur un voilier qu'il a construit lui-même. Ils voyagent sur les mers jusqu'aux Caraïbes pendant une dizaine d'années. De retour en France, il s'installe en Bretagne et crée deux entreprises. Il commence à s'intéresser aux marchés boursiers, écrit des livres. En 1997, il décide de revendre ses entreprises commerciales et revient vers ses premières amours : le théâtre. Il devient metteur en scène et réalise aussi des films. Dès 2008, il porte son intérêt sur les causes de la crise économique et finit par devenir un spécialiste de la monnaie. Il publie d'ailleurs en 2013 un livre : "Les secrets de la monnaie. Changer la monnaie pour changer le monde". Depuis 1,5 ans, il parcourt la France pour transmettre ses idées et les développer au cours de conférences. Et il n'est pas avare de son temps : celle-ci a duré près de 3h. http://gerardfoucher.com/

Gérard Foucher a commencé sa conférence en expliquant que la plupart des économistes avaient tendance à évacuer la question de la monnaie, même si certains en parlaient désormais. Pour lui, cette question est fondamentale pour comprendre l'économie et le système financier. S'inspirant des conférences gesticulées de Franck Lepage (http://www.scoplepave.org/), militant de l'éducation populaire, il a choisi ce moyen pour faire connaître au grand public les mécanismes de la monnaie.

Le conférencier a alors distribué un flyer posant une question-savez-vous qui émet et qui distribue la monnaie? - petit exercice lui permettant de connaître le niveau de la classe, disait-il avec humour! 
Une majorité a répondu la Banque centrale. C'était l'occasion pour lui de rappeler un sondage effectué par le groupe Positive Money, très actif pour promouvoir une réforme monétaire, auprès de 100 parlementaires londoniens sur la même question. 71 % avaient répondu l'Etat. Après avoir fait la distinction entre banque secondaire et banque de 1er rang, Gérard Foucher a interrogé le public sur sa définition de la monnaie scripturale et la monnaie fiduciaire, la première étant la monnaie immatérielle (virement, prélèvement, achat par carte bancaire...), la seconde étant l'argent en espèces sous forme de pièces et de billets. Toujours dans un souci de grande interactivité avec son auditoire, le conférencier lui a demandé la proportion que pouvaient représenter les deux monnaies. Il a donné quelques chiffres, expliquant que cela pouvait dépendre des pays et des époques mais que globalement en France, par exemple, les transactions étaient de 10,9% en monnaie fiduciaire et de 89,1% en monnaie scripturale. Le total représentait alors la masse monétaire. Si cette masse monétaire était augmentée sous forme de création de fausse monnaie, l'auteur encourait la perpétuité. En revanche, s'il faisait des transferts d'argent auprès d'une banque, comme Jérôme Kerviel, il risquait beaucoup moins, bien que pouvant détourner à son profit beaucoup plus d'argent!  Gérard Foucher a poursuivi par une anecdote concernant un Néo-Zélandais qui avait demandé une autorisation de découvert à son banquier et qui, par erreur, lui avait viré 10 millions de dollars au lieu des 10 000 attendus. L'heureux client avait alors envoyé 7 millions à sa famille à Hong-Kong et en Chine. Félicitée de courte durée puisque le malheureux, poursuivi par toutes les polices bancaires, s'était finalement fait pincer! L'erreur s'expliquait par une erreur de clic sur le pavé numérique du banquier doté de touches à triple et double zéro. Finalement, il avait été plus rapide de taper 10 millions que 100 000 dollars.  

D'où vient vient la monnaie? 
Pour comprendre d'où venait la monnaie et pour expliquer qu'elle ne venait pas uniquement des fruits du travail, comme le laissait entendre le public sollicité, le conférencier a raconté "l'histoire de la belle-soeur". Imaginez que votre belle-soeur veuille faire construire une maison à 100 000 euros. Elle n'a pas d'apport mais un bon travail. Elle a envoyé des devis aux artisans et a estimé qu'il fallait qu'elle emprunte 100 000 euros. Elle a RDV avec son banquier le lundi à 11h. Il est censé lui donner cet argent. La question posée par Gérard Foucher est alors : où est cet argent à 10h45? Pensez-vous que cet argent est dans le sous-sol de la banque? Un jeu de rôle a suivi pour faire comprendre au public que l'argent était nulle part et surtout pas dans les sous-sols!
 
En revanche, la belle-soeur s'engage de façon formelle (signature d'un contrat) à travailler pendant un certain nombre d'années, admettons 10 ans pour rembourser le prêt et 10 autres années pour rembourser les intérêts. On observe ainsi de la création monétaire par un simple jeu d'écriture comptable. Le banquier augmente simultanément son actif (ce que l'on a) et son passif (ce que l'on doit) de 100 000 euros. Et pourtant, aucun compte n'a été débité dans cette opération. La monnaie n'est pas de la richesse mais une création ex-nihilo qui permet de réaliser des transactions comme payer des artisans qui eux-mêmes peuvent se payer un repas au restaurant, enrichissant du même coup le patron et ses employés. 
En revanche, au fur et à mesure que la belle-soeur rembourse le crédit, le banquier détruit de la monnaie. On arrive au final à un actif nul et à un passif nul. Plus la masse monétaire augmente, plus l'activité augmente. De façon imagée, la baignoire se remplit quand les crédits arrivent et se vide quand les crédits sont remboursés.
Gérard Foucher a rappelé que la création monétaire faisait partie des pouvoirs régaliens, de même que la police ou la sécurité et la justice. Celui qui a le pouvoir de distribuer le crédit, décide de l'avenir. Finalement, les banques ont tendance à prêter là où cela rapporte le plus vite. L'argent va là où il y a des garanties, c'est-à-dire la bourse, les marchés à terme. Les banques émettent du crédit pour gagner de l'argent. Plus elles distribuent du crédit, plus elles sont riches. C'est ce qui s'est passé à la veille de la crise des subprimes en 2008. Voulant placer des crédits à tout prix, elles ont envoyé des commerciaux vanter les mérites de prêts auprès d'Américains pauvres, dénommés Ninjas (no incombe, no job, no asset : sans revenu, sans travail, sans patrimoine). On leur faisait croire qu'ils pourraient rembourser et acquérir ainsi un bien, réalisant le rêve américain. Peut-être ne pouvaient-ils pas payer en ce moment, et, dans ce cas, on décalait les premiers remboursements. Entre temps, ils auraient retrouvé du travail et même si ce n'était pas le cas, comme l'immobilier ne faisait que grimper, ils pourraient de toute façon revendre et feraient un bénéfice. Sauf qu'ils étaient les derniers emprunteurs. Une fois que tout le monde avait acheté, tout s'inversait : quand un acheteur commençait à vendre, un autre faisait de même et il y avait de plus en plus de vendeurs, ce qui entraînait une baisse des prix, le banques devenaient frileuses pour prêter et ainsi de suite. C'est ce que l'on appelle l'effet pro-cyclique : on démarre un phénomène et le fait que le phénomène ait démarré fait augmenter le phénomène. La baignoire se vidait puisque les crédits n'arrivaient plus. Il était difficile de faire des transactions, la production baissait et la récession arrivait. C'est ce qui s'est passé en Grèce avec un arrêt des chantiers, des rues avec des boutiques entières fermées entrainant chômage, divorces, suicides. Pourtant, pour les banques, vendre du crédit à des clients qui ne peuvent pas payer, c'est un alea moral puisque ce n'est pas elles qui paieront. 

La dette
Actuellement, il a plus de dette que de monnaie. Pour que le système tienne le coup, il faut qu'il y ait de la croissance. Sinon, c'est l'effondrement et finalement seule une guerre redémarre l'économie. Pour annuler la dette, il faudrait vider les compte-épargne.
Dans les prix de tous les produits, il faut prendre en compte des intérêts. Les intérêts de la dette publique sont payés par les citoyens européens. Quand la baignoire se vide, on se met en déficit. On dépense plus que ce que l'on a en recette. A une époque, l'Europe avait la main sur la création monétaire. Ce n'est plus le cas, du fait de traités européens. C'est la Banque Centrale Européenne qui contrôle la monnaie désormais. Cependant, ce qui a été créé peut être défait par les citoyens. La dette est le plus gros budget de l'Etat. On consacre 30 à 50% de son temps de travail à rembourser la dette.  Or, qui paie le plus d'intérêts? Ceux qui sont à découvert, c'est-à-dire les pauvres. Qui touche les intérêts? Ceux qui ont des économies, c'est-à-dire les riches. Selon Oxfam, 607 personnes les plus riches détiennent la même richesse que les 3,8 milliards les plus pauvres. Les 0,1% des plus riches ont augmenté leurs revenus de 25% l'année dernière. Ils finissent par ne plus savoir quoi faire de leur argent. Toutefois, le dirigeant d'Amazon a créé un blog dans lequel il explique qu'il va falloir agir différemment car les pauvres vont finir par se révolter. Pour éviter des fourches plantées par les pauvres au mauvais endroit (on ne vous dira pas où), il faudrait réinjecter de l'argent dans le système. Se réapropprier la création monétaire, c'est une manière de se réapproprier la démocratie car actuellement, ce sont les pauvres qui donnent aux riches. Ainsi, les pays riches, en mal de crédits et pour maintenir tant bien que mal leur croissance, vont dans les pays pauvres et leur font le coup des ninjas. Les pays d'Afrique possèdent beaucoup de minerais utiles notamment pour développer les nouvelles technologies. Or, ils ont généralement peu de moyens pour les extraire. Qu'à cela ne tienne! Les pays riches ont les moyens de prêter les infrastructures pour cela et proposent les services de leurs propres entreprises nationales. Les intérêts sont payés par les pays pauvres. En définitive, prêter de l'argent à des pays pauvres revient à prendre le pouvoir sur eux. On crée de la dette, c'est-à-dire de l'argent que l'on n'a pas. Et  l'intervenant de rappeler une question posée par Woody Allen : "si tous les pays sont endettés, où est passé l'argent?" 

Des solutions alternatives  
Gérard  Foucher a alors abordé la question des alternatives à cet état de fait. Il est possible de créer des systèmes monétaires différents, comme des monnaies complémentaires en complément de la monnaie officielle en mobilisant des entreprises, associations locales qui acceptent d'être payées en monnaie complémentaire, objet d'une charte éthique. 
Il existe aussi les SEL (Système d'Echange Local). Pour l'instant, aucun SEL ne prend une grande ampleur. Si le principe consiste à échanger des services, chacun des membres espérant une réciprocité, il arrive un moment où l'on ne compte plus et le SEL devient un cercle d'amis. C'est aussi une manière de se réapproprier les échanges commerciaux et de reprendre ainsi nos responsabilités.

Au niveau des Etats, dans la mesure où actuellement, la Banque de France ne peut pas créer des euros, il conviendrait de créer des euros-francs qui seraient distribués dans le cadre du revenu minimum universel, une part individuelle, régulière et inconditionnelle distribuée à chaque citoyen. Ces idées sont développées par Yoland Bresson, le groupe Nouvelle Donne et dans la motion IV du PS dont l'un des membres était présent au premier rang lors de la conférence et avec lequel Gérard Foucher a travaillé. 
Dans la proposition de Positive Money 100% monnaie, on considère que ce n'est pas aux banques de créer de la monnaie mais aux Etats. Avec cet argent, les Etats décident démocratiquement ce qui doit être financé. L'argent percole ensuite dans l'économie.

Pour se réapproprier la monnaie qui se divise en monnaie de base et monnaie bancaire, il faudrait que la monnaie de base aille dans l'économie réelle pour remplacer la monnaie bancaire et permettre de rembourser la dette. On connait la quantité de monnaie dont l'économie a besoin. 10 000 milliards d'euros circulent en Europe mais il faudrait rajouter entre 2 et 5% de monnaies supplémentaires frappées par les Etats qui décideraient de manière démocratique où l'argent serait investi. On calculerait la somme par rapport à la masse monétaire existante. On appliquerait le principe de subsidiarité (le niveau le plus fin étant celui de l'individu). On prendrait le total de la monnaie à créer par an et on diviserait par le nombre de citoyens (environ 65 millions en France) et on donnerait à chacun un revenu de base. Les individus pourraient alors décider de se regrouper pour financer un projet commun à partir d'une monnaie créée par le Trésor Public, par la Banque Centrale. Tout le monde aurait sa part et les intérêts ne seraient plus distribués au profit de quelques uns. Ce revenu de base universel irait dans le sens de l'article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme que l'on commémorait ce jour. 

Nous avons tous notre rôle à jouer dans cette réappropriation de la monnaie, même si cette part est petite, comme l'illustre cette histoire du colibri qui apportait dans son bec un peu d'eau pour éteindre un incendie : tout seul son action était vouée à l'échec mais si tous agissaient de même, l'incendie pouvait être éteint, a rappelé Gérard Foucher. A nous agir donc en s'y mettant tous et en premier lieu en diffusant les idées avancées lors de cette conférence. Pour nous y aider, l'intervenant proposait la vente de son ouvrage. Suivait un verre de l'amitié offert par la LDH. 

Texte et photos : Laura Sansot

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