Le 19 octobre, le groupe Tamikrest était l'invité de l'Agora. Il s'est produit en concert au sans Réserve à Périgueux, dans le cadre d'une tournée de promotion de son 5ème album, Kidal, sorti en mars 2017 et enregistré à Bamako.
Le groupe s'est constitué en 2006 dans la région du Nord Est du Mali (à 350 kms de Gao), du côté de Kidal, qui a donné le nom à ce nouvel opus, comme un retour aux sources, non musicales mais pour parler de la culture dans laquelle ils ont grandi, de la terre où ils sont nés et qui sont toutes deux menacées de disparation par l'inaction du gouvernement et la pression des multinationales pour s'accaparer ces espaces. Kidal est une terre d'artistes où beaucoup de musiciens ont vécu, à la fois un symbole identitaire, culturel de résistance à l'oppression et un lieu de souffrance où la population a subi l'arrivée de l'Aqmi (Al-Qaida au Mali) dès 2003 avant l'intervention des Français en 2013 qui, tout en se faisant libérateurs, ont aussi repoussé les espoirs d'indépendance de ce peuple considéré comme des citoyens de seconde zone par le reste des Maliens. Selon Oumane Ag Mossa, c'est "la capitale des Touaregs". C'est donc une volonté politique qui les a conduits à choisir ce titre.
Ils se sont rencontrés à Tinzaouaten, dans une petite oasis du Sahara, sur les bancs d'une école privée financée par des fondations européennes car les écoles publiques sont davantage des lieux d'acculturation que des lieux d'enseignement. Là, ils ont reçu leur formation musicale de base. C'est là aussi que le disque a été "pensé et préparé" http://www.jeuneafrique.com/419436/culture/kidal-lalbum-de-tamikrest-hommage-aux-touaregs-nord-mali/. Ousmane Ag Mossa , le leader,
Ils se sont rencontrés à Tinzaouaten, dans une petite oasis du Sahara, sur les bancs d'une école privée financée par des fondations européennes car les écoles publiques sont davantage des lieux d'acculturation que des lieux d'enseignement. Là, ils ont reçu leur formation musicale de base. C'est là aussi que le disque a été "pensé et préparé" http://www.jeuneafrique.com/419436/culture/kidal-lalbum-de-tamikrest-hommage-aux-touaregs-nord-mali/. Ousmane Ag Mossa , le leader,
Ousmane Ag Mossa
et son camarade de classe, Cheikh Ag Tiglia ont fondé le groupe alors qu'ils avaient 20 ans.
Cheikh Ag Tiglia
Au départ, ils étaient sept et le nom qu'ils se sont donnés, Tamikrest, signifie l'union, le noeud, la coalition autour d'un même objectif : celui de faire de la musique au lieu de prendre les armes. En effet, ces jeunes hommes sont des Touaregs (ils s'appellent eux-mêmes Tel Tamasheq), un peuple qui vit sur le territoire de cinq pays (Mali, Burkina-Faso, Lybie, Algérie, Niger) mais en majorité au Nord Mali et rassemble entre 1,5 et 3 millions de personnes. Ces musiciens appartiennent à la tribu des Kel Adagh, ceux des montagnes, en référence au massif Adrar des Ifoghas.
Leur enfance est marquée par la guerre civile, la rébellion touarègue de 1990 à 1996 contre le gouvernement, et par la perte de membres
de leurs familles ou d'amis. En 2006, quand Tamikrest est créé, une nouvelle rébellion touarègue éclate (la première avait eu lieu en 1963). En effet, la signature d'un pacte national qui devait aboutir à une meilleure intégration des Touaregs ne semble pas avoir tenu ses promesses. Les jeunes adultes choisissent alors la musique pour soutenir la cause de leur peuple et attirer l'attention du monde sur les souffrances endurées http://pages.rts.ch/espace-2/programmes/l-ecoute-des-mondes/5463657-l-ecoute-des-mondes-du-12-01-2014.htm. Le chanteur, qui écrit et compose aussi les chansons, a été très tôt influencé par le groupe Tinariwen, le groupe de blues touarègue créé en 1982, originaire aussi de la région de Kidal, dont la renommée internationale l'a fait ambassadeur de la cause. Ses membres sont d'ailleurs venus à l'Agora en 2014 http://www.agora-boulazac.fr/saison/tinariwen/. Comme leurs frères aînés, les membres de Tamikrest mélangent musique occidentale et musique traditionnelle et chantent en tamacheq. Ce courant musical, c'est l'assouf qui signifie la solitude, la nostalgie car cette musique est née dans l'exil et la souffrance. La pochette de ce dernier album où apparaît un paysage urbain désolé illustre ce blues du désert. Même si le groupe est beaucoup influencé, comme on a pu l'entendre, par Pink Flyod, Jimi Hendrix, Bob Marely, Eric Clapton, Mark Knopfler et invente des mélodies modernes avec des riffs de guitare électrique, le rythme incarné par le djembé toujours présent est celui des tindi et emprunte aux traditions des femmes qui chantaient et jouaient la musique traditionnelle. Le groupe évite le formatage et garde son identité culturelle. Il aime se frotter aux multiples sensibilités musicales pour enrichir sa musique, découvrir de nouvelles sonorités et les intégrer dans ses morceaux. Il a d'ailleurs intégré dans son album des mélodies au son du ngoni et de la mandoline kabyle.
Ils évoquent le soulèvement, l'unité, des chemins couverts de brouillards, la révolution envisagée comme un devoir...Ils sont composés pour la plupart dans le désert, lieu de leur culture d'origine et lieu de silence, source d'inspiration. Le retour périodique sur leur terre leur permet de rester en lien avec leur peuple et de vivre ce qu'ils chantent. Ils parlent de dignité et s'adressent à leur communauté grâce à la langue tamacheq, même s'ils reconnaissent que leur audience est davantage internationale que nationale. Ils expriment le souhait de transmettre un message universel. Durant le concert, des morceaux très rock, exubérants ont alterné avec des moments plus mélancoliques où chaque instrumentiste a pu mettre en avant son talent, le percussionniste prenant même la place de Ousmane Ag Mossa, au chant et à la guitare, sans atteindre cependant sa puissance.
Le chanteur a rendu un hommage profondément sincère à ceux qui souffrent le plus d'être délaissés par le gouvernement, la proie des djihadistes et des multinationales qui remettent en cause leur existence même de nomades, en particulier les femmes, les vieillards et les enfants. Le chômage touche de plein fouet cette population et certains jeunes hommes, désargentés et désoeuvrés, sont tentés de rejoindre les rangs des terroristes. Les jeunes doivent prendre leur destin en main, se battre pour leurs droits et l'auto-détermination, selon Ousmane Ag Mossa. Quant aux femmes touarègues, "leurs soeurs", elles ont fait l'objet d'un précédent album : Chatma en 2013. Fort de son succès, Tamikrest continue sa tournée et envisage un nouvel album pour fin 2018 avec toujours l'idée de défendre la liberté des Touaregs.
Toute l'actualité du groupe est à retrouver sur son site : http://www.tamikrest.net/
Texte et photos : Laura Sansot
de gauche à droite : Cheikh Ag Tiglia , Aghaly Ag Mohamedine
Depuis 2012, un musicien originaire de Montpellier, Paul Salvagnac, s'est agrégé à la formation musicale en remplacement d'un membre du groupe qui faisait de la guitare rythmique. Il n'a pas été choisi par hasard. Sa connaissance de la culture touarègue depuis l'enfance, sa venue à Kidal, son intérêt pour le blues n'y sont pas étrangers.
Paul Salvagnac
Pour son 5ème album, le groupe a choisi de mettre en avant la ville emblématique de la résistance et de la répression à travers onze textes courts. Il a fallu deux ans de travail car, comme ils en témoignent sur leur site http://www.tamikrest.net/ "nous partageons les mêmes difficultés de notre peuple". Les Touaregs sont considérés comme "des rouges" pour les Maliens.Ils évoquent le soulèvement, l'unité, des chemins couverts de brouillards, la révolution envisagée comme un devoir...Ils sont composés pour la plupart dans le désert, lieu de leur culture d'origine et lieu de silence, source d'inspiration. Le retour périodique sur leur terre leur permet de rester en lien avec leur peuple et de vivre ce qu'ils chantent. Ils parlent de dignité et s'adressent à leur communauté grâce à la langue tamacheq, même s'ils reconnaissent que leur audience est davantage internationale que nationale. Ils expriment le souhait de transmettre un message universel. Durant le concert, des morceaux très rock, exubérants ont alterné avec des moments plus mélancoliques où chaque instrumentiste a pu mettre en avant son talent, le percussionniste prenant même la place de Ousmane Ag Mossa, au chant et à la guitare, sans atteindre cependant sa puissance.
Le chanteur a rendu un hommage profondément sincère à ceux qui souffrent le plus d'être délaissés par le gouvernement, la proie des djihadistes et des multinationales qui remettent en cause leur existence même de nomades, en particulier les femmes, les vieillards et les enfants. Le chômage touche de plein fouet cette population et certains jeunes hommes, désargentés et désoeuvrés, sont tentés de rejoindre les rangs des terroristes. Les jeunes doivent prendre leur destin en main, se battre pour leurs droits et l'auto-détermination, selon Ousmane Ag Mossa. Quant aux femmes touarègues, "leurs soeurs", elles ont fait l'objet d'un précédent album : Chatma en 2013. Fort de son succès, Tamikrest continue sa tournée et envisage un nouvel album pour fin 2018 avec toujours l'idée de défendre la liberté des Touaregs.
Toute l'actualité du groupe est à retrouver sur son site : http://www.tamikrest.net/
Texte et photos : Laura Sansot
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