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02/10/2016

TROISIEME JOURNEE DE TRANSITION A SAINT PIERRE DE FRUGIE

Le collectif pour une transition citoyenne est né en France au printemps 2013. De là, des journées de la transition ont été organisées partout dans le pays. La Dordogne répondait à l'appel dès la première journée le 27 septembre 2014 à Bourrou mais aussi à Champs-Romain. L'année dernière, elle était célébrée à Bergerac (Alternatiba) et Saint Front sur Nizonne.
 
Le 24 septembre 2016, la commune de Saint Pierre de Frugie, très engagée dans ce mouvement, était pour une journée la capitale départementale de la transition (voire même nationale tant la presse locale et nationale s'est emparée du sujet!)
http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/perigord-le-village-bio_1849687.html
http://www.sudouest.fr/2016/09/30/le-village-du-perigord-qui-fait-parler-de-lui-dans-toute-la-france-2519358-2120.php

Après un temps d'accueil devant la mairie,
une table-ronde avait lieu durant la matinée dans l'église du village, seul lieu suffisamment grand, selon le maire, pour accueillir toutes les personnes venues s'informer sur les initiatives de la commune ou des alentours.
Ce mouvement de la transition est né en 2006 dans un village du Sud-Ouest d'Angleterre, Totnes, à l'initiative d'un professeur de permaculture, Rob Hopkins. C'est "un processus qui vise à assurer la résilience des territoires face au double défi du pic pétrolier et du dérèglement climatique". Il a pour objectif d'"inventer ensemble un monde économiquement viable, socialement responsable et écologiquement soutenable". L'idée est de faire porter le changement sur "l'échelle locale pour expérimenter, crédibiliser et structurer des pratiques aujourd'hui alternatives" dont les promoteurs espèrent qu'elles seront "les habitudes de demain". 2000 territoires dans le monde seraient concernés et entre 120 et 200, selon les modes de comptage, en France. Marie-Monique Robin a d'ailleurs filmé le village de Ungersheim dans le film "Qu'est-ce qu'on attend?" qui sortira le 23 novembre 2016 et dont une projection en avant-première était prévue dans l'après-midi.
Saint Pierre de Frugie se montre pionnier en la matière en Dordogne. La première intervention listait toutes les réalisations faites dans quatre grands domaines : habiter autrement, développer le lien social et l'autonomie intellectuelle, encourager une agriculture responsable et une alimentation saine, favoriser la biodiversité. Parmi les initiatives, on peut citer la modification de la gestion de l'éclairage public en vue de réduire la pollution lumineuse, l'assainissement lagunaire au niveau du gîte jacquaire nouvellement ouvert, la mise en place d'une boutique de vente de produits fermiers locaux et biologiques,
la création de jardins de Frugie, lieu d'expérimentation des techniques de la permaculture et de sensibilisation à l'agriculture biologique, dont une visite était organisée l'après-midi. On peut y découvrir par exemple une spirale,
des ruches, 
des nichoirs.
22% de la surface agricole utile est en agriculture biologique contre 4,1% au niveau national http://www.agencebio.org/la-bio-en-france. La commune, déclarée sans pesticide depuis 2010, pratique un fauchage raisonné, préfère le sablage au salage, fertilise avec du compost. Elle a réalisé un atlas communal de la biodiversité récompensé par le prix du Fonds de dotation pour la biodiversité et du Ministère de l'écologie. Elle dispose aussi d'un éco-centre, centre d'éco-construction. Pour compenser la perte de l'école publique, une école Montessori s'est ouverte en septembre 2015. Grâce à ces multiples actions, Saint Pierre de Frugie a obtenu le label "Territoire bio engagé" en 2012.
 
L'agent municipal qui utilise des techniques alternatives a reçu le prix du jardinier en 2013. Le cadre de vie s'en est trouvé amélioré et la fréquentation touristique a augmenté. Outre la construction d'un éco-lotissement, il est envisagé de développer les énergies renouvelables, changer de fournisseur d'électricité, favoriser l'implantation de plants de légumes dans la commune pour rejoindre le mouvement des Incroyables comestibles, créer un repair-café, une bibliothèque auto-gérée...

Marion Personne, responsable du pôle développement durable et climat du Parc Périgord-Limousin, qui regroupe 2 départements et 78 communes, soit environ 50 000 habitants sur un territoire essentiellement rural, était la deuxième intervenante.
Le Parc a été lauréat d'un appel à projet lancé le 5 septembre 2014 par le ministère de l'écologie : "Territoire à énergie positive pour la croissance verte". L'objectif à atteindre est de produire grâce aux énergies renouvelables autant d'énergie que le territoire en consomme. Or, celui-ci couvre 27% de ses besoins. Sur le territoire, les dépenses énergétiques se décomposent de la manière suivante : un quart d'électricité dont seuls 3% sont produits sur place par une éolienne, 3 moulins et 420 centrales photovoltaïques, une bonne moitié de combustible pour le chauffage dont 50% vient du bois énergie produit sur place, un petit quart est représenté par le carburant pour les voitures produit en totalité hors du Parc. Marion Personne a donc souligné le "chemin ardu" à faire pour atteindre l'objectif.
Les solutions envisagées sont de réduire très fortement la consommation et développer le renouvelable. A chaque décision que devront prendre les particuliers ou les collectivités, 3 grands principes devront être respectés : la sobriété en diminuant les usages de consommation, l'efficacité en consommant moins pour un usage donné, le recours aux énergies renouvelables. En termes de mobilité, cela signifie : limiter les déplacements, favoriser le co-voiturage et les petits véhicules, utiliser les bio-carburants (controversés) ou l'électricité à condition qu'elle soit produite par des énergies renouvelables (solaire thermique, pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, méthanisation...). Le Parc estime que le mode développement doit faire l'objet d'un choix collectif afin que l'ensemble des acteurs de terrain se réapproprie la politique énergétique du territoire : chaque niveau (Etat, collectivités territoriales, citoyens, professionnels, entreprises..) a ses leviers d'action. Pour le Parc, parler d'énergie, c'est aussi parler de démocratie, autonomisation des territoires, développement rural, projets collectifs, solidarité ville-campagne.

Jean-Charles Pouyot, membre de Serendipolis, un groupe de réflexion sur la transition citoyenne à St Pierre de Frugie, a présenté son collectif.
Celui-ci souhaite accompagner la commune, sur le long terme, indépendamment de quelconques échéances électorales, dans la mise en place de solutions alternatives dans différents domaines, sans préceptes établis à l'avance. Le travail avec la mairie est facilité par un maire, Gilbert Chabaud, très impliqué dans la transition depuis son arrivée en 2008.
Le collectif a la volonté de construire un village à l'opposé celui du Bournat, non pour dire : voyez comment c'était bien il y a 100 ans mais comment on pourrait vivre bien dans 100 ans et donner ainsi des perspectives d'avenir réjouissantes et servir de modèle à d'autres collectivités. Au départ, un des membres du collectif voulait créer une Maison de la nature mais l'idée de développer un village autonome avait une plus grande envergure et c'est donc ce projet qui a été retenu. Implanter la journée de transition à St Pierre de Frugie était pour le collectif un moyen de sensibiliser la population et de l'impliquer dans les initiatives réalisées ou à venir. En effet, il estime que le système politique tel qu'il fonctionne est à bout de souffle, aucunement préoccupé par l'intérêt général, et c'est aux citoyens à reprendre la main.
https://www.facebook.com/SerendiPolis/?fref=ts

C'est d'ailleurs ce qu'on fait les habitants de Rilhac-Lastours qui ont mis en place leur propre éolienne baptisée "La citoyenne" et mise en fonction en avril 2014. Jean-François Couty, porte-parole, a expliqué que le projet était né de la volonté d'agriculteurs de créer leur propre énergie pour dynamiser l'ensemble du territoire et diversifier l'activité agricole (et non dans un but spéculatif pour quelques-uns), retrouver une autonomie, participer activement à la transition et se réapproprier les ressources du territoire.
Regroupés dans une CUMA dont il était le président, ils prennent la décision en 2003, suite à une rencontre avec un étudiant espagnol en géographie et son professeur de thèse, de lancer ce projet d'éolienne sur leur commune. Il mettra 10 ans à se réaliser. La CUMA a pu mutualiser le financement des études préalables. La population locale a été largement associée par de multiples réunions publiques ou la visite d'un parc éolien en Bretagne (mars 2004), contrairement à ce qui ce serait passé si des opérateurs privés avaient négocié avec un propriétaire foncier. Le projet a contribué à la création d'un bureau d'études local, l'ENCIS. Il a été financé par EOL 87, une SARL créée en 2009 qui possède 51% des parts et Energie Partagée, une structure qui accompagne financièrement des projets citoyens de production d'énergie renouvelable et a investi dans 49% du capital https://energie-partagee.org/. L'idée, en effet, est que les citoyens restent les propriétaires majoritaires. Il sont au nombre de 53 associés ayant chacun financé au moins une part de 100 euros. Les initiateurs du projet ont été soutenus dans la dernière année de mise en place du projet par Valérian Cantegril venu le présenter lors de cette matinée. 
Aujourd'hui, du haut de ses 125 m, l'éolienne a une capacité de production de 2 mégas watts. Elle produit 3,1 millions de KWh par an, soit la consommation électrique de 3100 personnes (hors consommation de chauffage), sachant que le village compte 350 habitants. Ce projet  a été à la fois une occasion d'apprendre et une véritable aventure humaine, a estimé Jean-François Couty. Il a même incité ses promoteurs à se lancer dans une nouvelle initiative : investir collectivement dans des panneaux photovoltaïques installés sur des toitures de particuliers, une autre manière de se réapproprier la gestion et la production de l'énergie sur son territoire.
http://eol87.fr/

Après ce partage d'expérience, c'est l'autonomie intellectuelle qui était vantée à travers l'expérience de l'école Montessori ouverte sur la commune depuis un an. Elle est née de la volonté d'un maire soucieux de dynamiser son territoire en ré-ouvrant une école fermée en 2007 et d'enseignantes formées à cette méthode alternative à la recherche d'un lieu pour les accueillir. En l'absence de sa collègue, Anne-Laure Fernandez, Céline Rodriguez s'est présentée en expliquant sa démarche.
Marquée par l'image de son institutrice de village, une femme d'une grande gentillesse, à l'écoute des enfants, elle a voulu exercer ce métier mais a vite déchanté à l'IUFM et devant des élèves qui ne s'émerveillaient plus de rien. Elle s'est tournée vers d'autres pédagogies vers des personnes qui avaient la même démarche mais n'osaient pas faire le pas. Elles ont pourtant décidé de fonder une association, AMBRE (Association Montessori pour la Bienveillance et le Respect de l'Enfant), qui gère désormais l'école appelée La Tour Rose. Il s'agit, a t-elle précisé, davantage d'"un groupe d'enfants et d'adultes qui coopèrent ensemble dans un mouvement de transition" que d'une école car tous "avancent ensemble".  Les parents aident à fabriquer le matériel très spécifique de cette pédagogie ou proposent des activités artistiques l'après-midi qui peuvent être assurées aussi par d'autres intervenants. Le principe fondamental de cette pédagogie est d'amener l'enfant à faire tout seul : on n'éduque pas l'enfant pour le monde d'aujourd'hui car il aura changé dans 20 ans mais on lui donne les outils pour s'adapter au monde qui est en mouvement. Bien que privée hors contrat, l'école est, malgré tout, l'objet d'un contrôle par l'Education Nationale. L'enseignante constate que son école reçoit "un accueil plutôt favorable des inspecteurs qui voient que ça fonctionne" puisque "même si ce sont pas les mêmes chemins, les enfants vont vers les savoirs". Cette structure semble être un succès puisque le nombre de ses élèves a plus que doublé : de 6-7 enfants à 15 en cette rentrée 2016. Le recrutement est large (en Haute-Vienne et jusqu'à Négrondes, Nontron...). Alors évidemment, le co-voiturage est privilégié. L'enseignante amène elle-même 4 enfants. Cette école a pour effet d'augmenter le nombre d'habitants. Le maire considère qu'il s'agit d'"un pied-de-nez à cette façon de traiter le milieu rural". Il poursuit : "on va faire le nécessaire" évoquant l'éco-lotissement en développement et sa volonté de tout faire pour accueillir de nouveaux habitants. Selon une auditrice, d'autres villages de Dordogne, mécontentes de l'Education  Nationale, semblent vouloir s'orienter vers d'autres méthodes pédagogiques où les relations humaines de qualité sont privilégiées. En fin de matinée, a été évoqué un projet d'école alternative à Champs-Romain. La "question délicate" du financement de cette école et du risque de sélectivité a été posée. L'enseignante a témoigné du choix qu'elle avait fait avec sa collègue d'être peu rémunérée et a remarqué que "les frais de scolarité" étaient "abordables". La mairie met à disposition un bâtiment mais un loyer est à verser. Les parents proviennent de tous les milieux sociaux mais ont fait un choix financier d'une scolarité épanouissante pour leurs enfants. "C'est une philosophie de vie", selon les termes de Céline Rodriguez.
http://ambrelatourrose.wixsite.com/ecole/blank-1

La dernière intervention était celle du Gco, un collectif à l'échelle plus large que celui de Serendipolis, puisqu'il couvre le Périgord vert mais dont les ambitions sont les mêmes : oeuvrer à la transition http://gco.ouvaton.org/ . C'est le 24 septembre 2014, lors de la 1ère journée de la transition et d'un pique-nique citoyen très convivial à Champs-Romain, que le Gco (comme groupe de coordination) est né. D'une quinzaine de personnes soucieuses d'aller au-delà d'un moment d'échanges, le petit groupe de départ a fédéré 146 membres. Le collectif n'a pas souhaité s'organiser en association ni en structure hiérarchisée. "On est tous au même niveau". Tous ont le souci de pratiquer la démocratie à une petite échelle en faisant appel à la sociocratie : les décisions sont prises après avoir atteint un consensus, ce qui suppose de longues palabres mais au moins toutes les oppositions sont prises en compte et discutées! La communication non-violente est utilisée. "Au Gco, pas d'ego!", lance quelqu'un de l'assistance. C'est donc une véritable éducation à faire car nos modes de fonctionnement tendent à davantage de verticalité. Pour promouvoir ce collectif, deux membres fondateurs étaient présents, Stephan  et Ulysse (respectivement à gauche et droite de la photo).

Ce dernier, qui se définit lui-même comme permaculteur et artiste, après avoir travaillé dans la pub, témoigne de son désir ancien de vouloir "faire quelque chose pour la transition". Pour lui, il est important de "faire avec et non pas contre. Il faut donner du bon sens à notre vie, comme le faisaient nos grands-parents. Aujourd'hui, on a la technologie mais on n'a pas de sens". Or, dans le Périgord, il poursuivit : "on était quelques-uns à trouver que beaucoup de gens étaient en élévation de conscience, faisaient des choses" et de citer des structures comme La Scierie http://www.lascierie.org/, le Tricycle enchanté http://www.tri-cycle.org/spip.php?rubrique1 ou le café associatif de Léguillac de Cercles https://www.cafeasso.fr/ Toutefois, "il n'y avait pas de réseau, chacun était de son côté". Les membres du Gco ont estimé qu'il fallait établir des connexions, "réseauter". Ils ont donc institué le crieur collectif virtuel à l'image du crieur qui autrefois était payé pour faire les annonces des particuliers. Le collectif travaille aussi autour d'ateliers autonomes les uns des autres, au nombre de 5 à ce jour (éducation, économie locale, inter-générationel, énergie, santé/bien-être) où il est question de débattre en vue d'agir concrètement, avec toujours un repas partagé à caque réunion! http://gco.ouvaton.org/nos-ateliers/. Une liste de diffusion met les membres en lien entre eux tandis que l'atelier Le p'tit Gco coordonne tous les ateliers. Une déclaration d'intention évoque les grands principes de ce regroupement d'individus "désireux de vivre dans une société plus respectueuse du vivant, plus consciente, plus harmonieuse" : proximité, coopération et solidarité, bienveillance, plaisir et convivialité, simplicité volontaire, ouverture et participation.
Le débat s'est achevé sur la nécessité d'ouvrir cette démarche à la majorité car pour l'heure, elle est l'apanage d'une minorité agissante qui, face à "une société d'acceptation", se pose la question du sens. En effet, les personnes impliquées dans la transition font partie de la classe moyenne, celles des professions libérales, enseignants, artistes, cadres supérieurs. En revanche, les employés et les ouvriers sont peu présents. Certes, il a été admis qu'il fallait des "locomotives pour réveiller les consciences" mais qu'il fallait aussi "toucher le plus grand nombre". En effet (même si cela n'a pas été dit lors de cette matinée), le risque est de créer des isolats avec lesquels le capitalisme s'accommode tout à fait puisqu'ils ne l'empêcheront pas de prospérer.
Après cette demi-journée riche de témoignages divers, le public était invité à se restaurer auprès de producteurs et traiteurs bio et locaux.
L'après-midi, il pouvait participer à des parcours découverte de la gestion des sols et de l'eau dans la commune du côté des jardins de Frugie
puis assister à une conférence gesticulée sur la permaculture avant de voir en avant-première le dernier film de Marie-Monique Robin et déguster un apéritif offert par la commune.

Texte et photos : Laura Sansot

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