Parce qu’il n’y a pas d’art sans engagement
Parce que les Arts disent que d’autres mondes sont possibles
Parce que des femmes et des hommes tentent de les construire
Parce que les Arts nous affranchissent des frontières et de l’enfermement
Parce que la Dordogne fourmille d’actions et de projets politiques alternatifs
Parce qu’aucun blog ne recense ce foisonnement d’activités militantes, politiques, artistiques et culturelles différentes,
Nous vous proposons Art Péri’Cité :
des agendas et des reportages sur les diverses manifestations ou activités

26/11/2016

MENSIGNAC DANS LA COUR DES COURTS

Le 19 novembre,  à Mensignac, un samedi soir pas comme les autres animait la commune. La compagnie Lilo installée sur place depuis 1999 avait organisé un festival de cinéma tout à fait original. Il s'agissait de projeter 52 films d'une minute trente générique compris. Tout le monde (entre 5 et 107 ans, d'après le règlement!) pouvait participer et envoyer avant le 1er octobre son film réalisé grâce à un téléphone portable, une caméra ou une tablette.
Autour de la projection, diverses animations étaient prévues dans et hors de la salle des fêtes. Une nouvelle initiative culturelle en milieu rural, territoire vers lequel est tournée la compagnie puisqu'elle se définit ainsi : elle "oeuvre à produire et diffuser des créations marquées du sceau de la ruralité soit par le sujet, soit par la diffusion". Ses domaines d'intervention sont d'ailleurs variés : du théâtre à la vidéo en passant par la musique, la radio, les formations de comédiens en langue occitane.http://www.lilo-theatre.fr/
Pendant les 4 jours qui ont précédé le festival, un compte à rebours a été lancé par des projections annonçant le "festival court court, Mensignac, c'est pas la taille qui compte!" sur le mur de la mairie entre 18h et 22h. Le tapis rouge était de rigueur pour un évènement de cette envergure.
Stéphane Got Adonel et Betty Arab de la "paspapareillefamily" http://paspareillefamilyart.blog4ever.com/ exposaient des sculptures, une voiture salon,
 
et organisaient un feu.
Avaient lieu aussi des projections ciné pour petit comité avec le Kinoculteur

 ou pour personne seule avec le Cyclothrope.
Des interviews du public quelque peu décalées étaient menées.
Une buvette épanchait la soif des spectateurs venus nombreux (plus de 300 personnes)
tandis qu'une cuisine en plein air très bien organisée permettait de déguster des plats végétariens ou non, soupe et dessert.

Les plus frileux pouvaient se réfugier à l'intérieur où ne restait plus une chaise pour accueillir les spectateurs de tous les âges venus assister à la fameuse projection. Beaucoup sont restés debout : la rançon du succès!
Dans l'esprit décalé voire déjanté de la soirée, Laurent Labadie, l'homme à l'origine du festival secondé pour la mise en oeuvre par Paul Jochmans, est arrivé le casque et le projecteur vissés sur la tête pour une ouverture de la soirée.
Le co-fondateur (avec Emilie Esquerré) de la compagnie Lilo a expliqué le programme de la soirée et fait les remerciements d'usage auprès des soutiens (Commune, Conseil Départemental, Région, Ciné Passion, Agence culturelle, Les Amis du pain de Mensignac...).
Madame le Maire, Véronique Chabreyrou, s'est d'ailleurs exprimée au moment de la proclamation des résultats. Elle s'est souvenue qu'au début de l'année 2016, Laurent Labadie et Paul Jochmans étaient venus la voir pour lui soumettre le projet. Même si elle se demandait où tout cela allait les mener, elle a fait confiance : "on soutient ce genre de festival et n'importe quel projet artistique de ce type".
Laurent Labadie a dit à deux reprises l'émotion qu'avait représentée le fait de recevoir tous ses films venus à 70% du Périgord. Interrogé après la projection, Paul Jochmans a précisé que les deux tiers des films avaient été faits par des jeunes. Visiblement touché, Laurent Labadie a chaleureusement remercié les participants, "tous ces faiseurs de pensées, d'images et de sons" pour "avoir osé faire". Paul Jochmans, très investi dans sa fonction d'organisateur, s'est lui aussi montré satisfait. La compagnie, qui a déjà, parmi ses activités, réalisé plusieurs courts-métrages, a réussi à créer un évènement autour du cinéma uniquement avec des réalisateurs amateurs dans un esprit participatif. Cela lui a donné une "âme", selon Paul Jochmans, soutenue par un travail de groupe marqué par la "solidarité", comme l'a souligné Laurent Labadie. Il s'est passé "quelque chose de magique", a-t-on entendu. "Tout était pur". 40 bénévoles se sont mobilisés pour assurer la réussite de cette soirée qui s'est déroulée dans une ambiance très sereine, grâce à une organisation visiblement très professionnelle.
Laurent Labadie, Madame le Maire et son équipe
Quant aux films, ils étaient d'une grande variété, certains étaient tournés en occitan par des élèves du département (les fondateurs de la compagnie, locuteurs de cette langue, en sont d'ardents défenseurs), d'autres par des sections cinéma du lycée de Ribérac, par les films du Bar'Bouilleur ou par de simples particuliers. Des enfants avaient mis la main à la pâte, des parents s'étaient associés, des couples s'étaient mis en scène. On y a vu des films sombres notamment de la part de lycéens, d'autres humoristiques, d'autres plus poétiques. Pour mieux capter l'attention des spectateurs, les films ont été diffusés en trois parties, chacune introduite par un cocorico retentissant et caractéristique. Ils étaient entrecoupés d'un intermède conté par Monique Burg, elle-même lauréate de la sélection (elle a vraiment tous les talents!) 
et d'un intermède musical par Aqueles, un avant-goût du concert qui suivait la projection.
La troisième partie a, semble-t-il, retenu le regard du jury puisque la plupart des films sélectionnés en étaient issus. Cinq films ont donc été sélectionnés pour cette première édition : Mauvaise graine de Thibault Arque et Chloé Couloumel, C'est tellement meilleur quand c'est gentiment demandé de Julien Verly, Amours électriques d'Alysse Alias, Pop de Yohan Vioux et Hubert Jégat, Pel Fons de Monique Burg.
 
Le festival souhaitait faire se rencontrer jeunes créateurs, d'un côté, et programmateurs, diffuseurs, réalisateurs de l'autre. Ainsi, Stéphane Valentin d'Oc télé, une télévision  en occitan, en fonctionnement depuis 3 ans, basée à Pau qui diffuse, entre autres, des courts-métrages, était un des membres du jury,
Stéphane Valentin
tout comme Julien Robillard, membre de Ciné-Passion, William Quoniou et Erika Laxun, réalisateurs, Florent Biot, encodeur en DCP qui a permis que tous les films envoyés puissent être projetés en format cinéma.
Mme le Maire et Florent Biot
Laurent Labadie et Paul Jochmans faisaient aussi partie du jury. Les lauréats verront leur film diffusé dans le réseau des salles de Ciné-Passion et en premier lieu au Studio 53 de Boulazac le 17 décembre.
William Quoniou et Erika Laxun, Mme le maire, Florent Biot et Paul Jochmans
Le concert d'un groupe venu de l'Hérault, Aqueles, suivait la projection. Il s'était déjà produit cette année pour le festival de la Vallée et visiblement il avait plu aux Périgourdins pour être à nouveau invité. Dans le même esprit décalé et convivial que ce festival de cinéma, le trio vocal, formé sur les bancs de la fac d'occitan de Montpellier il y a une quinzaine d'années, a longtemps chanté des chansons traditionnelles mais en y ajoutant, entre autres, des arrangements du type jazz-fusion. Les membres sont d'ailleurs parties prenantes d'autres groupes musicaux : Aimat Brees, clarinettiste et chanteur du groupe Hum,
Beneset Vieu du groupe Mauresca
et Mateu Vies qui joue de la grosse caisse dans une fanfare.
 
Au départ, ils étaient 4 chanteurs dont une chanteuse puis à partir de 2002, ils se sont retrouvés à trois et le sont restés. Ils se sont produits d'abord lors de concerts puis de façon plus confidentielle pour favoriser la proximité avec les spectateurs.
Lors du festival Zinzan (Bouches-du-Rhône), ils choisissent de renouer avec les salles de concert. En 2009, Aqueles décide de s'orienter vers les chansons de la fin du XIXè-début XXè siècle, celles de la Belle Epoque, écrites en occitan par des "poètes" de villages du Languedoc évoquant leur pays ou des histoires locales amusantes sur des airs à la mode, occasion de 78 tours dont ils se disent férus. Le début du concert en a donné d'ailleurs un aperçu.
Ils reconnaissent travailler sur un imaginaire "Belle Epoque", revêtant les costumes de ces années pour mieux s'y plonger. Comme dans un dimanche au bord de l'eau, dans une guinguette, on les écoute chanter à cappella, en parfaite harmonie, les canotiers vissés sur la tête, les petits vestons et bretelles de rigueur auxquels s'ajoutent les noeuds pap' dont le motif de l'un, un dollar, rappelle des influences américaines. 
Si les chansons sont surtout du Languedoc, quoique l'on fasse des incursions à Nice et Marseille pendant le concert, leur interprétation peut avoir des origines géographiques plus lointaines : celles du jazz et du "swing américain des Mill Brothers", des Barbershop. Toutefois, l'influence française reste vivace avec "l'esprit des opérettes de Marseille de Vincent Scotto". En allant chercher des chansons oubliées, ils souhaitent faire revivre notamment le très beau répertoire des chansons de la côte de Narbonne jusqu'à Sète voire de celles à l'intérieur des terres au Nord de Montpellier qui évoquent le quotidien et permettent de s'immerger dans les pensées de ces hommes et de ces femmes d'il y a un siècle. Ils disent leur passion d'aller faire un peu de collectage de ces chansons en vogue dans les années 20-30 dont des enfants de l'époque devenus de vieilles personnes se souviennent. Toutefois, ils se basent beaucoup sur le travail de collecteurs comme celui de Laurent Cavalié dans l'Aude, sur des publications trouvées chez les bouquinistes. Conservant la mélodie originale, le trio est soucieux de sélectionner des chansons d'une certaine qualité littéraire et linguistique. Ces anciens étudiants en occitan ont toujours soif d'enrichir leur lexique, de découvrir de nouveaux accents et ainsi d'approfondir la culture de chaque région de l'Occitanie.
http://adpopulum.fr/?project=aqueles-janvier-2015 
Cela donne un concert de chansons souvent drôles, moqueuses, souvent ponctuées d'onomatopées où l'on parle d'amour (à sens unique!), de jasmin, d'oiseau, de vin (Vendange, Nous portons le vin), de bicyclette voire de politique comme leur tube Dobai, une création pleine d'humour.
Pour les non occitanistes, une petite explication précède chaque chanson. On se plait à regarder ces jeunes gens heureux d'être ensemble et de communiquer leur joie de chanter ces chansons qu'ils revisitent, donnant à la langue occitane une belle modernité, loin d'un militantisme régionaliste et passéiste.
Ils se sont décidés à enregistrer un premier album de 14 titres qui devrait sortir en février 2017 grâce à un financement participatif. "Ceux-là" (la traduction française d'Aqueles) https://fr.ulule.com/aqueles/ ont besoin du public pour finaliser leur projet maintenant qu'ils estiment avoir obtenu des enregistrements où le texte auquel ils accordent une réelle importance est autant mis en valeur qu'en concert. Après avoir annoncé l'animation suivante avec l'accent occitan, comme il se devait, celle du "diji Sam" (DJ Sam), le trio a tiré sa révérence pour la soirée avant de revenir en Dordogne le 17 décembre à Boulazac.

On s'est laissé dire qu'il y aurait sûrement un autre festival l'année prochaine, d'autant que des réalisateurs en herbe ont déjà pensé à toutes les améliorations qu'ils pourraient faire dans leurs prochaines créations. Les fondations de ce nouveau festival semblent posées et nous pourrions dire bien posées : un humour décalé, de la simplicité, la participation du plus grand nombre pour un évènement très convivial.

http://www.compagniedugriffe.com/index.php/la-compagnie/aqueles

Texte et photos : Laura Sansot

1 commentaire: