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10/03/2015

LA RESSOURCERIE DE BOURDEILLES : LE TRI-CYCLE ENCHANTE


La ressourcerie de Bourdeilles a été créée en avril 2006 par 3 jeunes issus d'une école de commerce. 
http://www.tri-cycle.org/spip.php?rubrique1


Rencontre avec l'un d'entre eux, Fabrice Suau, coordinateur, responsable de la gestion et du suivi administratif, mais aussi Agatha Mirguet, ancienne salariée pendant 3 ans et aujourd'hui membre du CA. 
 

Plutôt que s'engager dans des projets uniquement mercantiles mais forts de leurs compétences et connaissances dans ce domaine, préparés à combattre l'idéologie dont ils connaissent la langue, les fondateurs choisissent, pour être en cohérence avec leurs idées, de développer un projet humain. Il s'orientent vers ce qui à l'époque a encore peu le vent en poupe mais leur tient à coeur : lutter contre le gaspillage et la surconsommation en valorisant les déchets et sensibiliser à l'environnement. L'objectif s'accompagne d'une volonté de redynamiser le territoire et de créer des emplois. L'un des membres fondateurs a travaillé dans une ressourcerie à Lille, région d'origine des ressourceries en France. Là, il a rencontré François Ganiayre, un Périgourdin originaire de Bourdeilles. Sa maison familiale qui hébergeait notamment l'ancien cabinet médical de son père est le lieu choisi pour accueillir le projet. Ces citadins s'installent alors dans ce beau village du Périgord pour créer, grâce aussi à une volonté politique, la première ressourcerie d'Aquitaine.
 
 
Aujourd'hui, on compte 6 ressourceries ou recycleries en Dordogne.
Une ressourcerie est une association qui a signé la charte du Réseau national des ressourceries de France, association de loi 1901 créée en septembre 2000 avec "l'ambition commune de plusieurs structures spécialistes du réemploi et de la réutilisation des objets de créer un groupement professionnel".
http://www.ressourcerie.fr/Actu-Metiers/Le-Reseau-des-Ressourceries/Notre-organisation/Le-Reseau-national-des-Ressourceries
En 2013, on dénombrait 97 ressourceries en activité et 18 en projet.

Dans une ressourcerie, les membres "collectent et valorisent les déchets encombrants pour revendre des objets de réemploi et de réutilisation" (ce que l'on appelle les 3R : réduction, réemploi, recyclage). Ce sont des activités reconnues d'utilité publique, explique Agatha Mirguet, que n'ont pas les déchetteries, mise à part la collecte. Elle déplore que le métier de valoriste des déchets en objets soit encore méconnu. Il s'agit de nettoyer, remettre en état, estimer financièrement l'objet et de le mettre en valeur. Contrairement aux associations caritatives d'insertion comme Emmaüs, un travail important de sensibilisation et d'éducation à l'environnement est réalisé autour de thèmes comme l'alimentation, la pollution de l'eau, la création à partir de déchets. On s'assure que les propres déchets de l'association elle-même sont bien recyclés. Forts de leur expérience au quotidien dans le domaine des fameux 3R, les membres de l'association sont d'autant plus pertinents quand ils s'adressent aux différents publics, assure la jeune femme. On travaille sur les idées reçues, celle-ci donnant comme exemple celui de penser que les panneaux solaires ne sont pas polluants. Une personne en CDI s'y consacre complètement. Les animations sont dirigées en direction des enfants, jeunes et adultes. Ainsi, le 22 mars aura lieu au café associatif de Léguillac de Cercles un atelier autour de la confection de produits d'hygiène et de cosmétiques, en partenariat avec le Tri-Cycle enchanté. Il y a aussi un festival en octobre, un rendez-vous annuel au cours duquel des plasticiens exposent leurs oeuvres réalisées à partir d'objets de récupération, un concert, un vide-grenier, un marché de producteurs, un barbecue ont lieu. Bref, une journée de festivité dans un village qui ne bénéficie pas d'une grande animation, sauf en été.
La boutique de Bourdeilles avec ses objets d'occasion à petit prix et ses produits écologiques est d'ailleurs la seule boutique du village exceptée l'épicerie, rappelle Agatha Mirguet.
L'équipe de la ressourcerie de Bourdeilles est aujourd'hui composée d'une dizaine de salariés et de nombreux de bénévoles qui viennent donner des coups de main. Si un seul des fondateurs est resté employé en CDI, les autres continuent d'être présents en tant d'administrateurs et travaillent dans le domaine de l'environnement avec l'objectif de valoriser l'espace rural, toujours fidèles à leurs convictions d'origine. Le troisième CDI s'occupe de la valorisation créative, du textile, de la supervision des boutiques de vêtements de Piégut-Pluviers et Brantôme. Les autres personnels sont employés en service civique (moins d'un an) ou bien en contrat aidé qui suppose un turn-over important puisque les personnels, recrutés sur leurs motivations dans le domaine de l'environnement, et malgré leur bonne volonté, ne peuvent pas rester plus de deux ans. Le travail de formation, d'encadrement en interne des nouvelles recrues est donc important pour les permanents et pèse nécessairement sur l'activité. L'esprit de travail repose sur une part importante d'auto-gestion et d'horizontalité, analyse Agatha Mirguet. On fait aussi souvent plus d'heures que le contrat ne le prévoit car le militantisme est important, comme l'explique Fabrice Suau.
L'association Le Tri-Cycle enchanté vit sur 70% d'auto-financement, grâce aux locations de 10 toilettes de sèches, notamment sur les évènements publics ou privés, aux débarras entiers de maisons, aux animations dans les établissements scolaires ou sur des évènements. 
Quatre lieux de vente sont en activité. Outre les boutiques de textile de Piégut-Pluviers et de Brantôme, celle de Bourdeilles, il existe le site du Hangar en pleine campagne, au lieu dit "la Porte" entre Puy de Fourche et Agonac.
Tous les types d'objets y sont exposés et proposés à la vente. Du fait de l'espace disponible, le nombre est plus important qu'à Bourdeilles où une sélection est faite avec des objets plus anciens du type brocante avec des prix un peu plus élevés. Des objets sont présentés dans le hangar

et à l'extérieur. 
Il existe une zone de prix libres mais partout ailleurs, les produits recyclés sont vendus au tiers du neuf environ. Un bibliobus est installé à demeure et propose des livres d'occasion.

Tous les objets électroniques, électro-ménagers ont été testés, précise Agatha. Celle-ci ajoute que 90 tonnes de déchets arrivent à l'association chaque année et 10 tonnes seulement ne pourront pas être exploitées. 
  
Bien que limitée par des budgets qui se réduisent d'année en année, le réemploi n'étant pas visiblement une priorité des pouvoirs publics, l'association a le projet de se développer, d'intervenir dans le domaine de la formation de formateur à l'environnement, d'ouvrir éventuellement une autre boutique, évoque Agatha Mirguet. Le coordinateur de l'association ajoute aussi le souhait de s'orienter vers la récupération de matériaux de construction sur les chantiers afin de favoriser la diminution des coûts de construction. Il s'agit déjà de systématiser la collecte d'un maximum de matériaux issus des déchets collectés. L'idée est de valoriser auprès des pouvoirs publics le principe de déconstruction au lieu de démolition. C'est déjà systématique au Québec et cela se met en place en Belgique. Le travail de collecte se fait surtout chez les particuliers mais un travail important est à développer avec les déchetteries. Selon Fabrice Suau, si l'association se développe dans une logique de service en étant l'un des acteurs de référence de la politique publique de valorisation des déchets et en traitant 400 tonnes par an, selon l'étude de faisabilité, cela suppose d'avoir des locaux plus adaptés, plus grands que les 450 m² actuels et d'envisager un autre emplacement commercial plus accessible. Cela signifie aussi un travail plus étroit avec les pouvoirs publics. Même si la question de l'indépendance peut se poser, elle ne peut pas empêcher l'évolution logique de l'association cherchant à se positionner comme un acteur majeur de la politique des déchets. Cette position est d'autant plus importante à affirmer que des grands groupes comme Véolia, Sita manifestent une volonté de plus en plus affichée d'avoir la mainmise sur ce secteur d'activité dont ils perçoivent le formidable potentiel, explique Agatha Mirguet. Toutefois, selon elle, la Dordogne serait peut-être à l'abri, dans la mesure où il n'y a plus de place pour une ressourcerie ou recyclerie supplémentaire, contrairement à des départements comme dans la région Centre où il n'y en a pas. Le Tri-Cycle a aussi fait ses preuves depuis près de 9 ans d'existence. Pourtant, Fabrice Suau note que ces groupes se sont déjà rapprochés du réseau des ressourceries. Le risque est que les associations déjà implantées deviennent des sous-traitants et que les multinationales gardent la partie rentable, encourageant une récupération industrielle des déchets alors que la volonté d'une ressourcerie est de soutenir un projet avec  une logique humaine, refusant l'efficacité à tout prix, soucieuse du bien-être des salariés, exigeante dans le choix éthique de ses fournisseurs (d'électricité, par exemple), et créatrice d'emplois localement.
Malgré tout, la gestion des déchets, devenue de moins en moins opaque, apparait désormais comme un véritable "enjeu démocratique", conclut l'un des fondateurs du Tri-Cycle enchanté.

Texte et photos : Laura Sansot

1 commentaire:

  1. Bonjour Agatha,


    J'ai toujours pensé que tu étais une personne pleine de ressources ...
    Amitiés,

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